La femme du mort, Tome I | Page 5

Alexis Bouvier
noms que je ne veux pas r��p��ter.... Cette fois, la nature humaine est bizarre, l'amour se changea en haine, je r��solus de me venger de lui et d'elle que je confonds dans une haine mortelle.... Mais je suis femme, et par cela incapable de la vengeance terrible que je r��ve.... Il faut avec moi un homme d��cid��....
--Et c'est moi? fit avec stup��faction Pierre Davenne, c'est moi que vous avez choisi....
--Je vous en supplie, monsieur, ��coutez-moi jusqu'au bout, la force nerveuse qui me soutient �� cette heure me fera d��faut tout �� l'heure.
Le jeune homme se tut, hochant la t��te, ��tourdi de ce qu'on venait de lui dire.
Madeleine continua:
--Un homme d��cid��, et plein de la m��me haine, du m��me d��sir de vengeance....
Pierre ��couta, car cette condition lui manquait, ce n'��tait donc pas de lui qu'il ��tait question.
--Je n'ai pas �� vous dire par quel moyen je r��ussis �� p��n��trer chez lui �� une heure o�� il ��tait absent.--Je vous ai dit qu'il y a des situations o�� on ne recule pas devant l'indignit�� des moyens.--Je voulais conna?tre sa ma?tresse, j'allai chez lui, je fouillai le coffre o�� se trouvaient autrefois mon portrait et mes cheveux, le coffret du souvenir.--Sa banalit�� m'assurait que je ne me tromperais pas.... On avait d��chir�� mon portrait,--la femme, la nouvelle,--je le savais, et je trouvai le portrait de ma rivale, et deux lettres....
--Avec le nom de la femme? demanda Pierre.
La jeune fille fit un signe affirmatif de la t��te.
--Les imprudents, dit Davenne �� mi-voix, et plus haut: Alors, qu'avez-vous fait?
--Ce que j'ai fait, r��pondit Madeleine ��tonn��e de la question, ce que j'ai fait?... J'ai pris le m��daillon, j'ai ��crit au mari.
--Elle est mari��e?... dit Pierre avec un tremblement dans la voix.
La jeune fille, les yeux ardents, la voix sifflante, poursuivit:
--Et je me suis rendue chez lui, pour lui livrer les preuves que j'avais vol��es.... Les voici, voyez....
Et en disant ces mots, elle pla?a sur la table les lettres et le portrait.
Pierre Davenne les avait �� peine regard��s, qu'il jeta un cri et se redressa, pale, mena?ant, terrible; il s'��cria:
--Vous mentez, madame, vous mentez....
Devant l'attitude agressive de Pierre Davenne, la jeune fille ne bougea pas; elle affirma avec calme:
--Monsieur, votre femme est la ma?tresse de mon amant, de votre ami Fernand S��glin, et je viens vous le r��v��ler, pour que vous vous vengiez en me vengeant moi-m��me....
Pierre Davenne regarda les lettres, le portrait.... Il restait sans voix, sans mouvement, les yeux fixes, oubliant celle qui lui avait parl��.
Celle-ci avait vivement ramass�� son chale, s'��tait envelopp��e dedans et se sauvait, insoucieuse de la pluie et du fracas du tonnerre; elle se fit ouvrir la grille de la rue par Simon stup��fait, et lui remettant sa carte elle lui dit:
--Dites �� M. Davenne qu'il m'��crive �� cette adresse ... s'il a besoin de moi.
Le matelot clignait de l'oeil et hochait la t��te en murmurant:
--Qu'est-ce que c'est que cette histoire-l��? Affalons la langue et myst��re!
Et il remonta le perron pour remettre la carte �� son ma?tre.
Quand Pierre avait entendu la porte se fermer derri��re la jeune fille, il avait regard�� autour de lui, puis avait pris les lettres, les avait lues, relues....
Elles ne laissaient aucun doute, car le malheureux s'��cria:
--La mis��rable!...
Et fou de rage, de col��re et de douleur, s'arrachant les cheveux, il marchait dans le salon, se buttant aux meubles.... Tout �� coup il s'arr��ta devant la panoplie, et l'oeil ardent, les l��vres moussues, les dents serr��es, il d��crocha un pistolet, s'assura qu'il ��tait charg��, l'arma et poussant un cri rauque il courut vers le vestibule, grimpa l'escalier, entra dans la chambre de sa femme o�� la veilleuse ne jetait qu'une lueur douteuse; il s'��lan?a vers le lit et dirigea le canon de son arme sur sa femme endormie.
Il fit feu!
Un ��clair illumina la chambre, d��voilant le plus charmant tableau. Genevi��ve ��tait endormie sur son bras inond�� de ses admirables cheveux bruns, sa t��te reposait souriante, et, couch��e sur elle, m��lant ses cheveux d'or aux cheveux noirs de la m��re, la petite Jeanne dont la bouche entr'ouverte montrait ses petites quenottes blanches... et cela dans un flot de dentelles chiffonn��es et sous les grands rideaux jaunes de l'alc?ve... C'��tait un merveilleux spectacle.
Pierre Davenne jeta un cri terrible en voyant son enfant dont la petite t��te rose prot��geait la m��re; il avait tu�� sa fille!
Au m��me instant il se sentit terrass��, puis enlev��.
Un coup de tonnerre effroyable r��sonna.
Pierre Davenne, fou, ��perdu, se trouvait �� la porte de la chambre; il entendit crier l'enfant... puis la m��re, r��veill��es toutes les deux par le coup de foudre.
Perdant connaissance en entendant la voix de Jeanne, il dit:
--Seigneur! merci... je ne l'ai pas tu��e...
Et des larmes abondantes coul��rent de ses yeux, des sanglots hoquet��rent dans sa gorge.
--Grace �� moi!... Je suis arriv�� �� temps pour lever l'arme... et vous enlever. Bon! voil�� qu'il s'affale...
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