La femme du mort, Tome I | Page 4

Alexis Bouvier
m��prenez...
Fron?ant le sourcil, Pierre regarda son interlocutrice, se demandant cette fois si ce n'��tait pas une folle qu'il avait devant lui, et s'il n'avait pas ��t�� bien imprudent d'accorder aussi facilement un entretien �� pareille heure �� une personne qu'il ne connaissait pas et dont le langage ��trange r��pondait si peu �� l'allure et �� la mise; i1 dit poliment et froidement:
--Madame, pardonnez-moi, vous m'avez mal compris; je voulais vous demander en quoi votre douloureuse histoire m'int��ressait?
--Monsieur, vous connaissez le mis��rable dont je parle.
--Moi, je connais...
Et du m��me ton singulier avec lequel elle avait dit son nom, interrompant Davenne, elle dit:
--Je suis la ma?tresse, c'est le mot dont on se sert, ajouta-t-elle sardoniquement, je suis la ma?tresse de M. Fernand S��glin.
--Ah! mon Dieu, mademoiselle! Et vous voulez de moi? fit vivement Pierre, cette fois v��ritablement ��mu et d��sagr��ablement surpris, tant sa pens��e ��tait loin de son ami.
Madeleine de Soiz�� lui dit avec le plus grand calme:
--Ce que je veux, vous le saurez, malheureusement pour vous tout �� l'heure; mais permettez-moi d'achever.
Le jeune homme s'accouda sur le gu��ridon, ob��issant �� la jeune fille, et il ��couta:
Au dehors, les grondements sourds du tonnerre se faisaient entendre, le vent mugissait dans les grands arbres du jardin et du parc voisin, et parfois les ��clairs, projetant leurs lueurs, inondaient de leur fantastique lumi��re les armes ��tranges des panoplies du salon; on entendait frapper sur les vitres les larges gouttes par lesquelles commencent les pluies d'orage. Madeleine de Soiz��, sourde �� la temp��te du dehors, continua:
--Lorsque je pensais �� ce qui s'��tait pass�� chez Fernand, mon ��tre tout entier se r��voltait; puis le calme revint, et alors, me souvenant de tout ce qu'il m'avait dit, n'ayant qu'�� fermer les yeux pour entendre encore l'accent sinc��re avec lequel il jurait que je serais sa femme, me rappelant l'heure fatale o�� je fus sa victime, le voyant en larmes, suppliant �� mes genoux, implorant �� la fois mon pardon et mon silence, me jurant sur les siens de racheter sa faute si je voulais pardonner et aimer, je me dis qu'il ��tait impossible que ce f?t le m��me homme dont je venais de subir l'ingrat et d��daigneux outrage.... Fernand m'aimait... et mon miroir me disait que je n'��tais pas indigne d'inspirer cet amour... Amour puissant, puisque pour le satisfaire il n'avait pas recul�� devant une lachet��, une infamie, un crime... Je me dis que ce n'��tait pas �� l'heure o�� cet amour ��tait partag��, que cet homme pouvait changer ainsi... Je voulus le revoir, lui parler, marchant sur ma dignit��... mettant l'amour au-dessus de toute fiert��... Il me refusa sa porte... J'insistai... il me fit chasser... Oui, monsieur, chasser comme la derni��re des cr��atures... Tenez, monsieur, en ��voquant ce souvenir, excusez-moi... le rouge me monte au front, et les larmes coulent malgr�� moi de mes yeux...
--Remettez-vous, mademoiselle... dit Pierre, se levant pour cacher son ��motion. Il alla fermer les rideaux, car l'orage se d��cha?nait avec violence et les ��clairs �� chaque minute donnaient �� la jeune fille des crispations nerveuses.
L'ancien lieutenant avait le coeur serr�� comme dans un ��tau, ces confidences le g��naient; il avait hate d'��tre arriv�� �� la conclusion et en m��me temps un secret pressentiment la lui faisait redouter.
Madeleine, ayant domin�� son ��motion, reprit:
--Enfin, monsieur, abreuv��e de toutes les hontes, alt��r��e de vengeance, d��vor��e de jalousie... je voulus savoir si la cause de mon malheur ne venait pas d'une autre femme, si l'amour ancien n'��tait pas effac�� par un amour nouveau... Je m'informai, j'appris que deux fois par semaine le matin une jeune femme venait chez lui!... Cette femme prenait toutes les pr��cautions pour n'��tre pas reconnue... A sa tournure, �� sa mise, �� son ��l��gance distingu��e, on reconnaissait une femme du monde... Vous jugez le coup terrible que me porta cette r��v��lation... J'avais une rivale, une rivale pr��f��r��e... Une autre avait ces baisers qui m'avaient d��shonor��e et que je mendiais vainement aujourd'hui... Oh! quelles nuits j'ai pass��es! Eh bien, vous allez juger de ma faiblesse... de ma lachet��, devrais-je dire... Je me dis �� moi-m��me que cet amour-l�� n'��tait qu'un amour banal, passager, que l'��l��gance de cette femme l'avait charm��, mais qu'il n'avait pas pour elle la passion qu'il avait pour moi... J'en arrivai �� lui ��crire dans ce sens, je lui pardonnai cette infid��lit��... le suppliant de revenir �� moi!... Cette fois encore je fus repouss��e...
��coutez, monsieur, lorsqu'une femme aime, lorsqu'elle se trouve dans la situation o�� je me trouve, il ne faut plus parler de raison,--la preuve c'est ma pr��sence chez vous,--il ne faut plus parler que de moyens indignes.... Je fis interroger les domestiques ... et j'appris que cette femme avait dirig�� Fernand dans son indigne conduite, que c'��tait elle qui avait exig�� que je fusse honteusement chass��e de chez lui ... et qu'elle s'��tait servie pour me qualifier de
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