selon les indications que m'avait donn��es Paul dans une de ses premi��res lettres, �� la station de Salbris, gros bourg dont le nom est li�� �� l'un des ��pisodes les plus honorables de la guerre de 1870.
Je me hatai d'entrer �� l'auberge pour y commander un frugal repas. On touchait �� la fin du mois d'octobre, et les journ��es, devenues courtes, me conseillaient d'arriver le plus t?t possible au chateau de Pierre-S��che, o�� demeuraient mes amis. J'avais encore cinq heures devant moi. Je m'enquis d'une voiture, qui me fut procur��e avec la meilleure volont�� du monde.
--O�� va Monsieur? demanda l'aubergiste.
Je lui nommai le chateau que j'ai dit. L'homme prit une figure contrite.
--C'est �� plus de 4 lieues, en plein marais, sur la rive gauche de la Sauldre, me dit-il.
J'avais remarqu�� le changement de sa physionomie: je ne m'imaginai pas que ce fussent la distance ou la mauvaise qualit�� des terrains qui l'eussent provoqu��.
En une vague inqui��tude, je repris:
--Sans doute, vous connaissez les propri��taires?
Cette fois son embarras fut ind��niable.
--Monsieur veut parler de M. Paul X.?
--En effet, je suis de ses amis. J'arrive d'un long voyage, et il me tarde de lui serrer la main.
--Monsieur arrive de voyage?... alors il ne sait peut-��tre pas...
--Quoi donc?
--Que M. Paul ne re?oit jamais personne et que nul ne se peut vanter de l'avoir vu depuis plus de six mois... Ah! c'est une grande piti��, Monsieur, une vraie piti��!
--Que voulez-vous dire?... Il est arriv�� quelque malheur?...
--Quand je disais que Monsieur ne savait pas... la pauvre petite dame est morte...
--Morte! m'��criai-je avec une angoisse profonde. Quoi! vous voulez parler de la femme de Paul, de cette ch��re et exquise cr��ature!
--Monsieur a bien raison, ?'a ��t�� une grande perte pour le pays. Vous me croirez si vous voulez, Monsieur, mais tout le monde l'aimait et la plaignait aussi, car elle a ��t�� longue �� d��p��rir. Elle ��tait si faiblotte! Voyez-vous, le chateau est mal plac��, et on y a des fi��vres. Je ne comprends pas que M. Paul ait amen�� l�� une femme d��licate comme ?a!
Ainsi c'��tait bien elle qui ��tait morte! Jamais je n'avais ressenti heurt plus douloureux. Sa brutalit�� m'avait litt��ralement suffoqu��, et des larmes tomb��rent de mes yeux.
--Je vois que Monsieur est un ami, reprit l'h?te. Je n'aurais peut-��tre pas d? lui dire la chose tout nettement, mais Monsieur l'aurait bien vite apprise. Est-ce qu'il faut toujours commander la voiture?
--Certes, m'��criai-je, et pourquoi non? Est-ce quand nos amis sont dans la douleur qu'il les faut abandonner? Ah! pl?t �� Dieu que je fusse revenu plus t?t, j'aurais peut-��tre emp��ch�� cet horrible malheur!
--C'est douteux, Monsieur, car la petite dame ��tait bien malade. Je dois dire aussi que M. Paul l'a soign��e! Ah! tenez, c'��tait beau et douloureux en m��me temps... jamais il ne la quittait, et, quand ils se promenaient, lui la soutenant, vrai, on aurait dit qu'il la buvait des yeux! Il l'aimait bien, allez! Aussi on comprend son d��sespoir. Depuis le jour o�� on a port�� la pauvre dame en terre, avec tout le pays derri��re--et des vraies pleurs comme les v?tres de tout �� l'heure--M. Paul s'est enferm�� chez lui, et plus jamais--vous entendez--plus jamais il n'est sorti de Pierre-S��che...
Les d��tails ��taient navrants. Paul vivait seul dans ce chateau qui, disait-on, serait son tombeau--comme il avait ��t�� celui de sa ch��re femme. Il n'avait avec lui qu'un vieux domestique qui, lui aussi--c'��tait l'expression de l'aubergiste--filait un mauvais coton.
Et puis... et puis il y avait autre chose.
J'eus quelque peine �� obtenir de mon interlocuteur qu'il s'expliquat plus clairement: de fait, cela lui ��tait assez difficile. Naturellement, partout o�� la mort passe, elle laisse un sillage d'effroi. Voil�� que des bruits ��tranges s'��taient r��pandus dans le pays: on parlait de lumi��res fantastiques apparaissant la nuit aux fen��tres du chateau. Une femme qui avait ��t�� engag��e pour des services d'int��rieur s'��tait refus��e �� revenir, d��clarant qu'elle ne rentrerait pas dans une maison que hantaient des revenants.
Oh! l'aubergiste ne croyait pas un mot de ces folies. Mais peut-on emp��cher le monde de parler? Aussi n'��tait-il pas bizarre qu'un homme de l'age de Paul se cloitrat ainsi? Il s'��tait absolument refus�� �� recevoir personne, m��me des gens bien intentionn��s qui auraient voulu lui apporter des consolations. La porte leur ��tait rest��e impitoyablement ferm��e. Le vieux Jean--c'��tait le nom du domestique que je connaissais bien--bousculait les gens d'un air ��gar��. C'��tait �� croire que lui-m��me devenait fou!
--Enfin, Monsieur, continuait le brave homme, si vous voulez entrer dans ce chateau de malheur, je crois que vous en serez pour votre peine.
--J'essaierai quand m��me, repartis-je.
Au fond, je ne doutais pas que je ne dusse ��tre re?u. Connaissant l'exquise d��licatesse de Paul, je ne m'��tonnais pas outre mesure d'une claustration qu'expliquait suffisamment un d��sespoir aussi justifi��. Je le verrais, je lui parlerais, je parviendrais �� galvaniser cette ame engourdie, �� revivifier ce
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