La deux fois morte | Page 4

Jules Lermina
par son ��tranget��: si bizarre qu'elle soit, elle doit faire partie de cet ��crit qui est une sorte de dossier.
Je la transcris donc textuellement:

IV
--Ami, te souviens-tu de l'int��ressante ��tude qu'un jour tu me fis entreprendre du deuxi��me chapitre de la Gen��se, alors que, grace aux lumineuses restitutions de Fabre d'Olivet, ce voyant de la linguistique, nous avions suivi pas �� pas le myst��rieux travail de la nature cr��atrice, cherchant le fait sous le symbole, le sens mat��riel sous l'��nigme ��sot��rique. Parvenus au sublime verset qui en quelques mots manifeste la cr��ation de la femme, de l'Aischa, de l'Eve, nous nous ��tions arr��t��s, h��sitant devant la suggestion intime et profonde qui nous sollicitait �� reconstituer cette sc��ne, dont la beaut�� d��passe les r��ves les plus enthousiastes de l'imagination.
Nous passames outre.
Mais j'avais gard�� dans l'oreille comme un ��cho qui ne devait plus jamais s'��teindre, le cantique rayonnant de l'Adam Kadmon s'��criant:
--Wa-ia?mer ha-Adam-Zoath... Celle-l�� est r��ellement substance de ma substance et forme de ma forme...
Ce nom d'Aischa, formule v��ritable de la Volont�� dont la femme ��tait la R��alisation, me hantait comme l'��nonc�� d'un probl��me �� la solution toujours refus��e.
Or cette solution, avec quelle gloire je l'ai trouv��e! Toi seul peut-��tre pourras me comprendre, parce que ton intellect ��volue sur le plan sup��rieur de l'Intuition. Rien ne me para?t �� moi plus ��vident et plus clair.
Vois plut?t:
En l'homme, repr��sentation concr��te de l'humanit�� collective, toutes les aspirations existaient �� l'��tat latent et pour se manifester n'attendaient que l'effort volitif, si je puis dire, la pouss��e du dedans au dehors.
L'Homme-Adam, alors male et femelle, jouissait ��go?stement de la nature ext��rieure, s'��panouissant dans l'��blouissement des splendeurs. Et plus il admirait de beaut��s, et plus il avait soif de la beaut��. Et cette Beaut�� supr��me �� laquelle il aspirait, il ne la voyait pas, puisqu'elle ��tait en lui, dans sa double nature encore ins��par��e.
Comprends-tu ce supplice: sentir en soi la beaut��, l'Amour, en poss��der la notion, la sensation intime, et ne les pouvoir contempler face �� face, ne les pouvoir ��treindre! Songe �� ce qu'��prouverait l'avare qui aurait un lingot d'or dans la poitrine et ne pourrait s'arracher le coeur pour le poss��der!
En vain autour d'Adam s'��pandaient les immensit��s vibrantes, en vain flamboyaient les astres, en vain poudroyaient les N��buleuses en g��sine des astres mondes... Qu'��tait tout cela aupr��s de ce qu'il d��sirait, la Compagne, la Supr��me Beaut��,--ceci est le texte m��me,--qui, devant ��maner de lui, alors seulement lui pr��senterait le reflet de sa sensation intime...
Et ce fut dans une de ces crises de D��sir sublime et torturant que s'accomplit le miracle de l'Ext��riorisation de la Beaut�� et de l'Amour,--qui ��taient en lui et qui jaillirent de lui, en la Forme Id��ale, Grace et Harmonie condens��es en l'��tre qui ��tait vraiment substance de sa substance, Essence formellement radieuse de l'Humanit�� triomphante... la Femme!
Et l'Adam Kadmon s'agenouilla devant Elle, reconnaissant de l'exquise souffrance de l'arrachement, et il balbutia le premier Hosannah d'amour!...?

V
Ayant l'esprit positif, je ne me suis jamais plu �� ces r��veries aigu?s d'une imagination surexcit��e. En dirigeant Paul dans ses ��tudes d'h��bra?sant, mon seul dessein avait ��t�� de lui donner la notion claire et non routini��re de la science des racines et rien de plus. Si Fabre d'Olivet m'int��resse comme linguiste, j'ai toujours voulu--et je veux--m'arr��ter en de?�� de ses hypoth��ses th��osophico-bouddhiques.
Aussi ��prouvai-je un r��el chagrin en constatant que mon ��l��ve non seulement s'entichait de ces chim��res, mais encore en exag��rait les outrances.
Je lui r��pondis quelques mots en ce sens, insistant sur les dangers que peuvent faire courir �� la raison ces fantaisies dont le moindre d��faut est de d��tourner l'esprit de pr��occupations plus pratiques. Je comptais d'ailleurs sur le mariage et sur la paternit�� pour donner �� son activit�� morale une pature plus substantielle.
Ma lettre partie, j'eus m��me quelques remords, craignant, �� cause de ses susceptibilit��s un peu maladives, d'avoir donn�� �� mes conseils un tour trop ironique.
Apr��s tout, ne poursuivais-je pas ma chim��re, moi aussi, en mes recherches sur les peuples pr��historiques, identifiant aux Cimm��riens d'H��rodote les anciens Khmers du Cambodge! L'hypoth��se est la grande charmeuse, et qui n'a pas poursuivi sa trace folle ignore les plus grandes joies humaines.
Finalement, apr��s trois ans d'absence, je me d��cidai �� rentrer en France, fort riche d'ailleurs de notes et de documents �� l'appui de mes th��ses favorites.
Revenu dans nos ports coloniaux, j'��prouvai une v��ritable d��convenue �� ne point trouver de lettre de Paul. ��tait-ce donc que je l'eusse bless�� par quelques railleries inoffensives? J'en aurais ��t�� marri, et je me promis bien, une fois d��barqu��, de m'expliquer avec lui et de lui arracher, s'il le fallait, �� coups de mea culpa un amical pardon.
Je pris juste le temps n��cessaire pour r��gler �� Paris quelques affaires indispensables. Puis, sans pr��venir d'ailleurs celui que je comptais surprendre en plein bonheur, je m'installai dans un wagon, filant sur Vierzon.
Je m'arr��tai,
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