restes de charogne,
Des cranes sonnant creux.?On voit de chaque trou sortir des jambes raides,?Des apparitions monstrueusement laides
Fendent l'air tenebreux.
C'est ici que l'enigme est encor sans Oedipe,?Et qu'on attend toujours le rayon qui dissipe
L'antique obscurite.?C'est ici que la mort propose son probleme,?Et que le voyageur, devant sa face bleme
Recule epouvante.
Ah que de nobles coeurs et que d'ames choisies,?Vainement, a travers toutes les poesies,
Toutes les passions,?Ont poursuivi le mot de la page fatale?Dont les os gisent la sans pierre sepulcrale
Et sans inscriptions!
Combien, don Juans obscurs, ont leurs listes remplies?Et qui cherchent encor! Que de levres palies
Sous les plus doux baisers,?Et qui n'ont jamais pu se joindre a leur chimere!?Que de desirs au ciel sont remontes de terre
Toujours inapaises!
Il est des ecoliers qui voudraient tout connaitre,?Et qui ne trouvent pas pour valet et pour maitre
De Mephistopheles.?Dans les greniers, il est des Faust sans Marguerite?Dont l'enfer ne veut pas et que Dieu desherite;
Tous ceux-la, plaignez-les!
Car ils souffrent un mal, helas! inguerissable;?Ils melent une larme a chaque grain de sable
Que le temps laisse choir.?Leur coeur, comme un orfraie au fond d'une ruine,?Rale piteusement dans leur maigre poitrine
L'hymne du desespoir.
Leur vie est comme un bois a la fin de l'automne,?Chaque souffle qui passe arrache a leur couronne
Quelque reste de vert.?Et leurs reves en pleurs s'en vont fendant les nues,?Silencieux, pareils a des files de grues
Quand approche l'hiver.
Leurs tourments ne sont point redits par le poete;?Martyrs de la pensee, ils n'ont pas sur leur tete
L'aureole qui luit;?Par les chemins du monde ils marchent sans cortege,?Et sur le sol glace tombent comme la neige
Qui descend dans la nuit.
Comme je m'en allais, ruminant ma pensee,?Triste, sans dire mot, sous la voute glacee,
Par le sentier etroit;?S'arretant tout a coup, ma compagne blafarde?Me dit en etendant sa main frele: Regarde
Du cote de mon doigt.
C'etait un cavalier avec un grand panache,?De longs cheveux boucles, une noire moustache
Et des eperons d'or;?Il avait le manteau, la rapiere et la fraise,?Ainsi qu'un raffine du temps de Louis treize,
Et semblait jeune encor.
Mais en regardant bien, je vis que sa perruque?Sous ses faux cheveux bruns laissait pres de sa nuque
Passer des cheveux blancs;?Son front, pareil au front de la mer soucieuse,?Se ridait a longs plis; sa joue etait si creuse
Que l'on comptait ses dents.
Malgre le fard epais dont elle etait platree,?Comme un marbre couvert d'une gaze pourpree
Sa paleur transpercait;?A travers le carmin qui colorait sa levre,?Sous son rire d'emprunt on voyait que la fievre
Chaque nuit le baisait.
Ses yeux sans mouvement semblaient des yeux de verre?Ils n'avaient rien des yeux d'un enfant de la terre,
Ni larmes ni regard.?Diamant enchasse dans sa morne prunelle?Brillait d'un eclat fixe, une froide etincelle.
C'etait bien un vieillard!
Comme l'arche d'un pont son dos faisait la voute,?Ses pieds endoloris, tout gonfles par la goutte.
Chancelaient sous son poids.?Ses mains pales tremblaient; ainsi tremblent les vagues,?Sous les baisers du Nord, et laissaient fuir leurs bagues
Trop larges pour ses doigts.
Tout ce luxe, ce fard sur cette face creuse,?Formait une alliance etrange et monstrueuse.
C'etait plus triste a voir?Et plus laid, qu'un cercueil chez des filles de joie,?Qu'un squelette pare d'une robe de soie,
Qu'une vieille au miroir.
Confiant a la nuit son amoureuse plainte,?Il attendait devant une fenetre eteinte,
Sous un balcon desert.?Nul front blanc ne venait s'appuyer au vitrage,?Nul soleil de beaute ne montrait son visage
Au fond du ciel ouvert.
Dis, que fais-tu donc la, vieillard, dans les tenebres,?Par une de ces nuits ou les essaims funebres
S'envolent des tombeaux??Que vas-tu donc chercher si loin, si tard, a l'heure?Ou l'Ange de minuit au beffroi chante et pleure
Sans page et sans flambeaux?
Tu n'as plus l'age ou tout vous rit et vous accueille,?Ou la vierge repand a vos pieds, feuille a feuille,
La fleur de sa beaute.?Et ce n'est plus pour toi que s'ouvrent les fenetres;?Tu n'es bon qu'a dormir aupres de tes ancetres
Sous un marbre sculpte.
Entends-tu le hibou qui jette ses cris aigres??Entends-tu dans les bois hurler les grands loups maigres?
O vieillard sans raison!?Rentre, c'est le moment ou la lune reveille?Le vampire blafard sur sa couche vermeille;
Rentre dans ta maison.
Le vent moqueur a pris ta chanson sur son aile,?Personne ne t'ecoute, et ta cape ruisselle
Des pleurs de l'ouragan...?Il ne me repond rien; dites quel est cet homme?O mort, et savez-vous le nom dont on le nomme!
Cet homme, c'est don Juan.
VII.
DON JUAN.
Heureux adolescents, dont le coeur s'ouvre a peine?Comme une violette a la premiere haleine
Du printemps qui sourit,?Ames couleurs de lait, frais buissons d'aubepine?Ou, sous le pur rayon, dans la pluie argentine
Tout gazouille et fleurit.
O vous tous qui sortez des bras de votre mere?Sans connaitre la vie et la science amere,
Et qui voulez savoir,?Poetes et reveurs, plus d'une fois, sans doute,?Aux lisieres des bois, en suivant votre route
Dans la rougeur du soir,
A l'heure enchanteresse, ou sur le bout des branches?On voit se becqueter les tourterelles blanches
Et les bouvreuils au nid,?Quand la nature lasse en s'endormant soupire,?Et que la feuille au vent vibre comme une lyre
Apres le
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.