La chasse galerie | Page 7

Honoré Beaugrand
quelque chose de plus s��rieux que ?a que je me mette en conscience en temps d'��lection. Les gros bonnets se vendent trop cher �� Ottawa comme �� Qu��bec, pour que les gens du comt�� de Sorel passent pour gater les prix. Je vous dirai donc la v��rit�� et rien que la v��rit��, comme on dit �� la cour de Sorel quand on est appel�� comme t��moin. Pour des loups-garous, j'en ai vu assez pour faire un r��giment, dans mon jeune temps, lorsque je naviguais l'��t�� �� bord des bateaux et que je faisais la p��che au petit poisson, l'hiver, aux chenaux des Trois-Rivi��res; mais je vous le dirai bien que j'en ai jamais d��livr��. J'avais bien douze ou treize ans et j'��tais cook �� bord d'un chaland avec mon d��funt p��re qui ��tait capitaine. C'��tait le jour de la Toussaint et nous montions de Qu��bec avec une cargaison de charbon, par une grande brise de nord-est. Nous avions d��pass�� le lac Saint-Pierre et sur les huit heures du soir nous nous trouvions �� la t��te du lac. Il faisait noir comme le loup et il brumassait m��me un peu, ce qui nous emp��chait de bien distinguer le phare de l'?le de Grace. J'��tais de vigie �� l'avant et mon d��funt p��re ��tait �� la barre. Vous savez que l'entr��e du chenal n'est pas large et qu'il faut ouvrir l'oeil pour ne pas s'��chouer. Il faisait une bonne brise et nous avions pris notre perroquet et notre hunier, ce qui ne nous emp��chait pas de monter grand train sur notre grande voile. Tout �� coup le temps parut s'��claircir et nous aper??mes sur la rive de l'?le de Grace, que nous rasions en montant, un grand feu de sapinages autour duquel dansaient une vingtaine de poss��d��s qui avaient des t��tes et des queues de loup et dont les yeux brillaient comme des tisons. Des ricanements terribles arrivaient jusqu'�� nous et on pouvait apercevoir vaguement le corps d'un homme couch�� par terre et que quelques maudits ��taient en train de d��couper pour en faire un fricot. C'��tait une ronde de loups-garous que le diable avait r��unis pour leur faire boire du sang de chr��tien et leur faire manger de la viande fra?che. Je courus �� l'arri��re pour attirer l'attention de mon d��funt p��re et de Baptiste Lafleur, le matelot qui naviguait avec nous, mais qui n'��tait pas de quart �� ce moment-l��. Ils avaient d��j�� aper?u le pique-nique des loups-garous. Baptiste avait pris la barre et mon d��funt p��re ��tait en train de charger son fusil pour tirer sur les poss��d��s qui continuaient �� crier comme des perdus en sautant en rond autour du feu. Il fallait se d��p��cher car le bateau filait bon train devant le nord-est.
--Vite! Pierriche, vite! donne-moi la branche de rameau b��nit, qu'il y a �� la t��te de mon lit, dans la cabine. Tu trouveras aussi un tr��fle �� quatre feuilles dans un livre de pri��res, et puis prends deux balles et sauce-les dans l'eau b��nite. Vite, d��p��che-toi!
Je trouvai bien le rameau b��nit, mais je ne pus mettre la main sur le tr��fle �� quatre feuilles et dans ma pr��cipitation je renversai le petit b��nitier sans pouvoir saucer les balles dedans.
Mon p��re pulv��risa le rameau sec entre ses doigts et s'en servit pour bourrer son fusil, mais je n'osai lui avouer que le tr��fle �� quatre feuilles n'��tait pas l�� et que les balles n'avaient pas ��t�� mouill��es dans l'eau b��nite. Il mit les deux balles dans le canon, fit un grand signe de croix et visa dans le tas de m��cr��ants.
Le coup partit, mais c'est comme s'il avait charg�� son fusil avec des pois et les loups-garous continu��rent �� danser et �� ricaner, en nous montrant du doigt.
Les maudits! dit mon d��funt p��re, je vais essayer encore une fois.
Et il rechargea son fusil et en guise de balle il fourra son chapelet dans le canon.
Et paf!
Cette fois le coup avait port��! Le feu s'��teignit sur la rive et les loups-garous s'enfuirent dans les bois en poussant des cris �� faire fr��mir un cabaleur d'��lections.
Les graines du chapelet les avaient ��videmment rendus malades et les avaient dispers��s, mais comme c'��tait un chapelet neuf qui n'avait pas encore ��t�� b��nit, mon d��funt p��re ��tait d'opinion qu'il n'avait pas r��ussi �� les d��livrer et qu'ils iraient sans doute continuer leur sabbat sur un autre point de l'?le.
Ce qui avait emp��ch�� le premier coup de porter, c'est que le fusil n'avait pas ��t�� bourr�� avec le tr��fle �� quatre feuilles et que les balles n'avaient pas ��t�� plong��es dans l'eau b��nite.
--Hein! qu'est-ce que vous dites de ?a, M. l'avocat. J'en ai-t-y vu des loups-garous? continue Pierriche Brindamour.
--Oui! L'histoire n'est pas mauvaise, mais je trouve que vous les avez vus un peu de loin et qu'il y a bien longtemps de
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