La capitaine | Page 8

Émile Chevalier
jeunes gens.
Des arbres s��culaires, reli��s par des buissons de houx imp��n��trables, et des acacias aux ��pines ac��r��es, l'environnaient de myst��re en le prot��geant contre les regards indiscrets. On y arrivait par un ��troit sentier d��rob��, perdu dans un fouillis de v��g��tations sauvages, ��paisses et repoussantes.
Avant d'aboutir �� l'Oasis,--ainsi le fr��re et la soeur avaient-ils d��nomm�� leur ��den,--le sentier se tordait comme un ��cheveau de fil, et fatiguait le non-initi�� par des m��andres qui paraissaient inextricables.
Mais �� l'extr��mit�� de ce labyrinthe quel d��dommagement!
Un vaste r��servoir, dont les rives sont ��maill��es de fleurs chatoyantes et odorif��rantes; des ondes limpides, diaphanes ainsi que le cristal, o�� se jouent, �� travers les larges feuilles du n��nuphar, aux corolles blanches et jaunes, des poissons qui brillent comme le diamant, chaque fois qu'un rayon de soleil effleure leurs ��cailles.
De la musique enchanteresse que font sous la feuill��e les fauvettes, les chardonnerets et le roi des t��nors ail��s, l'oiseau moqueur, pourquoi parler? Mais, comme le gazouillement du ruisseau qui fr��tille l��-bas, sur une cascatelle, avant de tomber dans sa vasque d'��meraude, est donc argentin! comme il charme l'oreille! endort la m��lancolie! Que ces gazons sont frais! Que ces centenaires de la for��t ont de s��duction avec leurs troncs noueux, habill��s de lierre; leurs longs rameaux charg��s de gui, avec la p��nombre qu'ils ��tendent mollement �� leur pied! Que l'on aime �� suivre ces fleurs d'acacia, sveltes car��nes d��tach��es de la tige, sillant le petit lac en tous sens au gr�� de la brise!
Le kiosque de l'Oasis s'��levait au sommet m��me de la cataracte en miniature, sur une vo?te formant grotte jet��e en travers du ruisseau. Il ��tait rustique comme un chalet suisse, v��tu de mousse des pieds �� la t��te, et n'avait qu'une pi��ce.
C'��tait une chambre octogone tendue de nattes de jonc et garnie de banquettes en canne.
Une table, une biblioth��que compos��e avec go?t, voil�� pour le mobilier. On s'��tait bien gard�� d'y mettre une pendule, une horloge, ou quoique ce soit qui rappelat la marche du temps.
--Oh! dit Emmeline en embrassant son fr��re, comme c'est bon de te sentir pr��s de moi!
--Et comme c'est bon d'��tre ici, petite soeur! dit Bertrand avec un sourire.
--O mon Dieu, quand je songe aux tortures...
--Dis �� l'agonie!
--Oui, �� cette agonie de trois jours!
--C'est effroyable!
--Tu me fais peur, rien que d'y penser.
--Ah! dit Bertrand, il faut l'avoir ��prouv��e cette agonie cent fois pire que la mort, pour en pouvoir parler. Et encore! Y a-t-il des capables de traduire fid��lement toutes ces ��pouvantables ��motions! Je me demande comment on n'en meurt pas! comment la violence des chocs ne fait pas ��clater le cerveau, rompre les attaches du coeur!
--Pauvre fr��re! dit Emmeline en se jetant de nouveau �� son cou; pauvre fr��re, oh! comme je t'aime! N'est-ce pas que nous ne nous quitterons plus... non, jamais... D'abord, je veux, monsieur, que vous abandonniez ce vilain m��tier de marin!
--Nous verrons, nous verrons, petite folle, dit Bertrand, en lui rendant prodigalement ses caresses.
Ils formaient un groupe exquis que l'art e?t aim�� �� reproduire.
Grande, mince, ��lanc��e, Emmeline avait des proportions admirables, dont un ��l��gant d��shabill�� faisait merveilleusement ressortir les beaut��s. Ses cheveux ��taient blonds comme l'or, ses yeux--contraste saisissant--noirs comme le jais.
Des traits corrects, un teint ordinairement rose, des extr��mit��s fines, nerveuses, une physionomie de race achevait d'en faire �� l'ext��rieur une femme enti��rement s��duisante.
Pour le caract��re, elle ��tait languissante, molle comme une cr��ole; mais imp��rieuse comme elle, �� certains moments; comme elle aussi dure, opiniatre, inflexible.
Ce caract��re n'avait pas, du reste, re?u tout son dessin. Il offrait des lignes ind��cises, noy��es, que le feu des passions n'avait pas encore accentu��es, mais qu'il ne tarderait pas �� creuser, �� mettre en relief.
Bertrand ��tait tout l'oppos�� de sa soeur, au physique comme au moral.
Si elle avait les cheveux blonds, il les avait chatains fonc��s; si elle avait les yeux noirs, il les avait d'un bleu d'azur. Quoique pali par la maladie, son visage ��tait rond, plein; une de ces figures dont le peuple dit: ?C'est une figure de bon enfant.?
Sans manquer de distinction, il ��tait loin de poss��der le galbe et le maintien aristocratiques d'Emmeline.
Elle semblait la fille d'une duchesse, en pr��sentait la grace, la fiert�� inn��e; lui, le fils d'un parvenu, en montrait la tournure et le naturel un peu vaniteux.
Ce gui ne l'emp��chait pas de passer, �� Halifax, et d'��tre en somme un jeune homme de bon ton et de mani��res excellentes. Si j'��tais comm��re, j'ajouterais qu'avant l'arriv��e d'Arthur Lancelot, il ��tait le point de mire des plus riches et des plus nobles h��riti��res.
--Mais, reprit-il, comment se fait-il qu'on n'ait pas attendu davantage, qu'on ne m'ait pas saign�� avant de m'ensevelir?
--Que veux-tu? les m��decins assuraient...
--Ah! je le sais bien, je ne le sais que trop ce qu'ils assuraient, les imb��ciles! Je les entendais assez, si je ne les voyais!
--Quoi! tu entendais! s'��cria Emmeline surprise.
--Comme je
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