le connaissaient; un concours immense de citoyens accompagna ses restes au cimeti��re.
La plupart des assistants avaient le visage baign�� de larmes. Seul de sa famille �� l'enterrement, car il n'est pas d'usage, parmi les Anglais, que les femmes suivent les convois fun��bres, M. du Sault ne pleurait pas; mais ses yeux secs, rougis, ses traits alt��r��s disaient assez la violence du chagrin qui rongeait son coeur.
Bertrand fut inhum��, d'apr��s les rites de l'��glise catholique, dans laquelle il avait ��t�� ��lev��.
Sur la fosse, le pr��tre dit l'office des tr��pass��s; puis, tour �� tour, et lentement, les amis du jeune homme asperg��rent d'eau b��nite son cercueil, le jonch��rent de couronnes d'immortelles, et le fossoyeur arriva avec sa b��che, innocent outil qui, dans ses mains, devient le plus sinistre des instruments.
D��j�� le cimeti��re se vidait; d��j�� ceux qui avaient pris part aux obs��ques perdaient leur air grave et recueilli, et s'entretenaient complaisamment des qualit��s et des d��fauts du d��funt.
Et, pellet��e par pellet��e, la terre, la froide terre, tombait, s'entassait avec un bruit sourd, caverneux, monotone, sur le corps du malheureux Bertrand.
Un quart d'heure apr��s, un petit tertre et une croix de bois noir marquaient seuls la place o�� il gisait.
Le comte Arthur Lancelot arriva dans la soir��e de ce jour �� Halifax.
On lui apprit la lin pr��matur��e du fils de M. du Sault.
Cette nouvelle le frappa comme un coup de foudre. Il palit, chancela, et serait tomb�� si on ne l'avait soutenu. Mais cette r��volution passa, en apparence, avec la rapidit�� de l'��clair. Le comte se remit de son ��motion, causa un moment de Bertrand, comme d'un ami sinc��re dont la perte l'affligeait vivement, sans toutefois le d��sesp��rer, et il regagna la maison qu'il occupait dans la ville.
Chez lui, sa douleur ��clata encore; elle y ��clata avec une v��h��mence navrante. Il s'arracha les cheveux, se tordit les mains, se roula sur le parquet, poussa des cris d��chirants, jusqu'�� ce que des larmes abondantes vinssent le soulager. Calm�� par cette ros��e salutaire, Arthur Lancelot sortit, il se fit conduire au cimeti��re, tomba �� genoux sur la tombe de Bertrand et pria longuement.
Le cr��puscule ��tendait ses ombres sur Halifax, quand il se releva.
Il ��tait en proie �� une excitation fi��vreuse.
--C'est d��cid��, murmura-t-il; il faut que je le voie... Cette nuit... Oui, cette nuit...
Et il quitta le cimeti��re apr��s avoir minutieusement observ�� les lieux et s'��tre assur�� qu'il pourrait les reconna?tre, m��me au milieu des t��n��bres.
De retour �� son logis, il sonna.
Un homme d'une corpulence ��norme et le visage coutur�� de balafres, qui le rendaient hideux, parut en faisant le salut militaire.
--Oui, ma?tre, dit-il.
--Samson, lui commanda le comte, tu m'accompagneras cette nuit.
--Oui, ma?tre.
--Tu te muniras d'une lanterne sourde.
--Oui, ma?tre.
--De pelles et de pioches.
--Oui, ma?tre.
--Est-ce tout?... Voyons... Non, nous aurons encore besoin de cordes.
--Oui, ma?tre.
--C'est bien.
--Oui, ma?tre.
--Va!
--Oui, ma?tre, r��pondit le serviteur ��voluant sur les talons avec la pr��cision d'un vieux troupier.
--Ah! se ravisa le comte, �� minuit tu frapperas �� ma porte.
--Oui, ma?tre.
Ces deux mots, chang��s quelquefois en ?non, ma?tre,? ��taient les seuls qu'on e?t jamais entendus sortir de la bouche de Samson. Aussi les curieux, qui avaient tent�� de le s��duire, pour en tirer quelques informations sur le comte, disaient-ils que c'��tait un automate ambulant. Ses pas ��taient, du reste, toujours compt��s, toujours mesur��s; ses mouvements avaient la r��gularit�� d'une horloge; sa vois conservait toujours la m��me inflexion. C'��tait une note br��ve et s��che, laquelle fatiguait, irritait l'oreille par son uniformit��.
Jamais on n'avait vu Samson en col��re. Cependant, il ne laissait pas facilement approcher du comte. Plus d'un indiscret, plus d'un importun avaient ��t�� m��thodiquement appr��hend��s au corps par l'Hercule et aussi m��thodiquement lanc��s �� cinq, dix, quinze ou vingt pas, suivant le degr�� d'ennui qu'ils avaient caus�� audit Samson. Les larmes lui ��taient ��trang��res; le rire lui ��tait inconnu. D'��motion, il ne paraissait pas susceptible. C'��tait une surface de bronze qui ne laissait rien percer de ce qui s'agitait derri��re.
Le comte n'avait pas d'autre domestique attitr��. Quand il demeurait �� Halifax, il louait un laquais et un cocher pour sa voiture, un groom et un valet d'��curie pour ses chevaux. Mais ces gens vivaient au dehors, et il leur ��tait d��fendu de se pr��senter �� l'appartement du jeune homme.
Comment se nourrissait-il? on l'ignorait. Quand il rendait un d?ner, c'��tait �� l'h?tel.
Samson le suivait partout, l'attendait �� la porte des maisons o�� il avait affaire, et rarement se trouvait-il �� plus de cent pas de lui.
A minuit sonnant, il heurta trois coups �� la porte du comte.
--C'est bien, j'y suis, r��pondit celui-ci.
Et il ouvrit.
--As-tu les instruments? dit-il.
--Oui, ma?tre.
--Prends aussi des pistolets.
--Oui, ma?tre.
Samson fit trois enjamb��es dans la chambre, ramena ses pieds en ��querre, et d��crocha une paire de pistolets d'ar?on pendus dans une panoplie �� la muraille.
--Es-tu pr��t? dit Arthur Lancelot.
--Oui, ma?tre.
Ils descendirent dans la rue.
Tout ��tait noir, silencieux.
On n'entendait que les lointains g��missements de la
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