La belle Gabrielle, vol. 2 | Page 4

Auguste Maquet
le livre des Évangiles et l'eau bénite.
Un silence solennel éteignit dans la vaste basilique tous les frissons et

tous les murmures quand l'archevêque de Bourges allant au roi lui
demanda:
--Qui êtes-vous?
--Je suis le roi! répondit Henri IV.
--Que demandez-vous? dit l'archevêque.
--Je demande à être reçu au giron de l'Église catholique, apostolique et
romaine.
--Le voulez-vous sincèrement?
--Oui, je le veux et le désire, dit le roi qui, s'agenouillant aussitôt, récita
d'une voix haute, vibrante, et qui résonna sous les arceaux de la nef
immense, sa profession de foi qu'il livra écrite et signée à l'archevêque.
Un long bruit d'applaudissements et de vivat éclata malgré la sainteté
du lieu, et, perçant les murs de l'église, se répandit au dehors comme
une traînée de poudre, enflammant partout la joie et la reconnaissance
de la foule. Désormais rien ne séparait plus le peuple de son roi; rien,
que les murs de Paris.
Le reste de la cérémonie s'acheva dans le plus bel ordre, avec la même
majesté simple et touchante.
Le roi à sa sortie de l'église, après la messe, fut assailli par le peuple qui
s'agenouillait et tendait les bras sur son passage, les uns lui criant: joie
et santé! les autres criant: à bas la ligue et mort à l'Espagnol! A tous,
surtout aux derniers, le roi souriait.
Crillon, les larmes aux yeux, l'embrassa sous le portique de la
cathédrale.
--Harnibieu! dit-il, nous pourrons donc désormais ne nous quitter plus!
Autrefois quand j'allais à l'église vous alliez au prêche, c'était du temps
perdu!... Vive le roi!
Et la foule non plus de répéter, mais de hurler: vive le roi! à faire
mourir de rage les Espagnols et les ligueurs qui durent en recevoir
l'écho.
Tout à coup, quand le roi rentrait à son logis, envahi par les plus avides
de contempler une dernière fois leur prince, Crillon, qui gardait la porte,
aperçut le comte d'Auvergne fendant la foule et cherchant à entrer.
Crillon, de son oeil d'aigle, aperçut en même temps Marie Touchet, sa
fille et M. d'Entragues qui dominaient la foule du haut d'un perron où
les avait placés le comte d'Auvergne pour qu'ils vissent mieux ou
fussent mieux vus.

--Monsieur, dit le comte à Crillon, je suis bien heureux de vous
rencontrer; j'ai là deux dames fort impatientes de présenter au roi leurs
respects et leurs remercîments. Elles sont trop bonnes catholiques pour
ne pas être admises des premières à féliciter Sa Majesté.
--Harnibieu! pensa Crillon qui savait bien de quelles dames le comte
voulait parler, les pécores enragées veulent déjà manger du catholique!
attends, attends!
--Monsieur le comte, dit-il au jeune homme, le roi m'a mis à sa porte
pour empêcher qu'on n'entre.
--C'est ma mère et ma soeur....
--Je suis au désespoir, monsieur, mais la consigne est pour Crillon ce
qu'elle serait pour vous. Si j'étais dehors et vous dedans, vous me
refuseriez, je vous refuse.
--Des dames....
--Et d'illustres dames, je le sais, je dirai même de fort belles dames,
mais c'est impossible.
--Plus tard, monsieur, vous m'accorderez bien....
--Vous perdriez le temps de ces dames. Plus tard je serai parti, car j'ai
une affaire importante, et le roi part aussi.
Le comte d'Auvergne comprit qu'il échouerait en face de Crillon. Il
salua donc et se retira dépité, mais cachant soigneusement sa mauvaise
humeur.
Comme il rejoignait les dames fort inquiètes du résultat de ces
pourparlers, il se heurta à la Varenne.
--Est-il donc vrai, demanda-t-il, que le roi parte sitôt qu'on ne puisse
l'aller saluer?
--Aussitôt qu'il sera botté, monsieur le comte.
--Et l'escorte?... A-t-on des ordres?
--Sa Majesté ne prend pas d'escorte et n'en veut pas prendre.
--C'est dangereux. Où donc va le roi?
--Faire une tournée dans les couvents voisins.
--Il n'y a pas d'indiscrétion à savoir lesquels?
--Nullement. Sa Majesté commence par les génovéfains de Bezons.
Puis nous irons à....
--Merci, dit le comte.
Et il s'empressa de rejoindre les dames.
--Nous avons été expulsés par M. de Crillon, dit-il. C'est un brutal, un

sauvage qui, je ne sais pourquoi, nous en veut tout bas. Mais raison de
plus pour voir le roi aujourd'hui même. Ne manifestons rien. Venez
vous reposer quelques moments à mon logis, et quand la chaleur sera
passée, je vous conduirai en un endroit où nous verrons Sa Majesté tout
à fait à l'aise. Venez, mesdames, au frais et à l'ombre, pour ménager vos
toilettes,
--Ce Crillon est jaloux! murmura M. d'Entragues.
--Jaloux où non, dit le cynique jeune homme, il n'empêchera pas le roi
de voir Henriette, qui n'a jamais été si belle qu'aujourd'hui.
La Ramée s'était glissé de nouveau derrière les dames, comme un chien
battu qui boude, mais revient. Il entendit ces paroles.
--Ah! je comprends, murmura-t-il tout pâle, pourquoi on a mené
Henriette à Saint-Denis! Eh bien! moi aussi j'irai chez les génovéfains
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