La Vita Nuova | Page 7

Dante Alighieri
tableau de son époque et de
son milieu, et les images qui ont dû frapper ses yeux.
J'ai demandé à quelques-uns des historiens de l'oeuvre de l'Alighieri, à
Carducci, à del Lungo, aux récentes et compendieuses publications de
Leynardi et de Scherillo[21], à de nombreux articles du Giornale
Dantesco, etc., des renseignemens sur les faits contemporains du
poème; j'ai interrogé leurs propres opinions et leurs sentimens. Mais je
m'en suis rapporté surtout à ce dont m'avait pénétré une longne
communion avec la personne et avec l'oeuvre du Poète de la Divine
Comédie.
Mais, en vérité, était-il indispensable d'aller plus loin et de remonter
plus haut? La littérature Dantesque d'aujourd'hui s'est naturellement
approprié toutes celles qui l'ont précédée, et elle les résume. Et je ne
crois pas qu'il soit nécessaire, pour comprendre le Poète de la Vita
nuova, de repasser par toutes les étapes qu'a parcourues l'esprit humain
à l'enquête du grand Symboliste. C'est dans lui-même qu'il faut venir
chercher les sources de sa sensibilité, les origines de ses raisonnemens,
le sens de ses symboles.
Si l'on veut comprendre et sentir ce que la Vita nuova renferme de
beautés subtiles et de charmes suggestifs, on y arrivera plus sûrement
par un commerce intime avec cette grande personnalité qu'en
interrogeant les autres.
NOTES:
[1] La Vita nuova est beaucoup plus familière aux Anglais. Entre 1862
et 1895 on n'en compte pas moins de quatre traductions littérales. En
outre, deux éditions italiennes, avec introductions et notes en anglais,
ont été publiées récemment à Londres par M. Whitehead et par M.
Perini.
[2] La Divine Comédie, traduction libre, 1897. Plon et Nourrit.

[3] Dante, Il Convito, trait. ii.
[4] Les Guelfes représentaient les franchises communales, et les
Gibelins les privilèges féodaux (Ozanam).
[5] Il Convito, tratt. ii, chap. XIII.
[6] WHITEHEAD. Édition italienne de la Vita nuova, London, 1893.
[7] Commentaire du ch. II.
[8] Il Convito, tratt. ii, ch. XIII.
[9] La Divine Comédie, ch. XV de l'Enfer.
[10] DEL LUNGO, Beatrice nella vita e nella poesia.
[11] LUMINI, Giornale Dantesco.
[12] Commentaire de Boccace.
[13] Voir au ch. II de la Vita nuova.
[14] Le Purgatoire de la Divine Comédie, chant XXXI.
[15] Ozanam croit que le séjour de Dante à Paris doit être reporté entre
1294 et 1299, c'est-à-dire entre la mort de Béatrice et l'accession du
poète au Priorat, et que c'est à cette époque qu'eurent lieu les désordres
dont il s'accuse lui-même (Oeuvres complètes, t. VI, p. 416). Ceci me
paraît difficilement acceptable (Voir l'Épilogue).
[16] «Un petit oiseau, encore sans expérience, peut s'exposer deux ou
trois fois aux coups du chasseur. Mais pour ceux qui ont déjà fatigué
leurs ailes, c'est en vain qu'on tend les rets et qu'on lance la flèche»
(chant XXXI du Purgatoire).
[17] Ce tableau, bien superficiel, ne se rapporte qu'à ce qu'on pourrait
appeler la littérature courante. Il y avait déjà, dans la France d'alors,
une haute littérature, celle de l'Épopée, une de nos gloires nationales, de

la Satire, et ces grandes Chroniques où, Joinville et Villehardouin
annonçaient les Mémoires dont nous sommes encombrés aujourd'hui.
[18] Bollettino della Società Dantesca Italiana, Firenze, décembre
1896.
[19] Il se fit admettre en 1295 dans le sixième des sept arti maggiori,
celui des médecins et des apothicaires (medici e speziali). C'était une
condition exigée pour l'entrée dans la vie publique.
[20] 1306.
[21] Professeur LUIGI LEYNARDI, la Psicologia dell' urte nella
Divina Commedia, Torino, 1894.--MICHELE SCHERILLO, alcuni
capitoli della biografia di Dante, Torino, 1896.

LA VITA NUOVA
CHAPITRE PREMIER
Dans cette partie du livre de ma mémoire, avant laquelle on ne
trouverait pas grand'chose à lire, se trouve un chapitre (rubrica), ayant
pour titre: Incipit vita nuova (Commencement d'une vie nouvelle).
Dans ce chapitre se trouvent écrits des passages que j'ai l'intention de
rassembler dans ce petit livre, sinon textuellement, du moins suivant la
signification qu'ils avaient.[1]

CHAPITRE II
Neuf fois depuis ma naissance, le ciel de la lumière[2] était retourné au
même point de son évolution, quand apparut à mes yeux pour la
première fois la glorieuse dame de mes pensées, que beaucoup
nommèrent Béatrice, ne sachant comment la nommer.[3]
Elle était déjà à cette période de sa vie où le ciel étoile s'est avancé du
côté de l'Orient d'un peu plus de douze degrés.[4] De sorte qu'elle était

au commencement de sa neuvième année, quand elle m'apparut, et moi
à la fin de la mienne.
Je la vis vêtue de rouge[5], mais d'une façon simple et modeste, et
parée comme il convenait à un âge aussi tendre. A ce moment, je puis
dire véritablement que le principe de la vie que recèlent les plis les plus
secrets du coeur se mit à trembler si fortement en moi que je le sentis
battre dans toutes les parties de mon corps d'une façon terrible, et en
tremblant
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