La Vita Nuova | Page 4

Dante Alighieri
sommet du Purgatoire[14] est une confession touchante des ��carts dont il t��moigne un repentir si poignant.
A quelle ��poque peut-on faire remonter ces allusions �� certains incidens dont on a cru retrouver quelques indices dans l'oeuvre du Po��te, et qu'a rassembl��s la l��gende? dirons-nous la malignit��?
Ce n'est sans doute pas dans les ann��es qui ont suivi la mort de B��atrice. Ce n'est pas alors que nous les savons remplies par les ��tudes auxquelles il se livrait avec un tel entra?nement, et par les pr��occupations de la vie politique o�� il entrait, que nous pouvons lui attribuer avec quelque vraisemblance des habitudes de dissipation.[15]
Lorsque la B��atrice du Purgatoire lui reprochait, sous le voile de l'all��gorie, de s'��tre abandonn�� aux vanit��s du plaisir, alors qu'il n'avait plus l'excuse de la jeunesse et de l'inexp��rience[16], Dante nous laisse clairement deviner que c'est au temps de sa maturit��, c'est-��-dire de sa vie errante d'exil��, que doivent ��tre rapport��s ses faiblesses et ses remords.
Il est encore un point que je voudrais toucher.
On s'est plu �� voir dans la Divine Com��die une construction architecturale (Giuliani) dont le plan aurait ��t�� arr��t�� par le Po��te de temps en quelque sorte imm��morial, et dont la conception remonterait aux ��poques m��mes de sa jeunesse; et l'on s'appuie sur maint passage de la Vita nuova dont l'interpr��tation est en effet assez probl��matique.
Je ne crois pas qu'il en soit ainsi.
La Vita nuova est une oeuvre qui d��borde de jeunesse et d'illusion; c'est au bord de clairs ruisseaux ou dans des milieux mondains que la sc��ne se d��roule, et les douleurs les plus poignantes y rev��tent une douceur infinie; et, si le coeur se r��volte, ce n'est que contre la nature et ses d��crets impitoyables, et l'ame du Po��te ne semble atteinte que par les blessures que ceux-ci lui ont inflig��es.
La Divine Com��die est l'oeuvre d'un ag�� m?ri, et qui a travers�� les exp��riences les plus terribles et les ��preuves les plus cruelles de la vie. Elle est l'expression des amertumes, des rancunes, des indignations que laissent les d��ceptions, les iniquit��s, et les trahisons. Elle est le cri d'un coeur tortur�� par la m��chancet�� des hommes.
Je ne pense donc pas que le po��te de la Vita nuova, quand il la composa, ait eu une intuition pr��vise de la Divine Com��die. Quant aux passages auxquels je viens de faire allusion, et sur lesquels j'aurai �� revenir dans mes Commentaires, il faut croire qu'ils y auront ��t�� introduits par de tardives interpolations.

III
Si l'on veut comprendre la construction et, si je puis ainsi dire, l'��conomie litt��raire de la Vita nuova, il est n��cessaire de jeter un coup d'oeil sur l'��tat de la litt��rature au moyen age.
Pendant la longue p��riode �� laquelle on a donn�� ce nom, tandis que les moines, pench��s sur les manuscrits h��ro?ques de l'antiquit��, pr��paraient �� la Renaissance un h��ritage qu'ils lui conservaient pieusement, et tandis qu'une jeunesse avide de savoir se pressait de toutes parts vers les ��coles c��l��bres d'alors, --pour s'y battre �� coups des syllogismes sur le dos de la scolastique,--deux langues se formaient, la langue Italienne et la langue Fran?aise. Apr��s avoir secou�� le joug du latin, elles s'essayaient dans des idiomes, informes d'abord, puis devenus peu �� peu capables de vivre de leur vie propre.
Dans les r��gions qui devaient ��tre un jour le coeur de la France, les contes, les fabliaux, les myst��res, s'inspiraient d'une verve libre, ironique, frondeuse, famili��re, souvent grossi��re, o�� Boccace a puis�� ce qui lui a ��t�� depuis repris si largement. Les chansons de geste venaient y m��ler leurs accens h��ro?ques, et une po��sie dite courtoise, m��l��e de fables pa?ennes et de l��gendes chr��tiennes, ��tait promen��e dans les nobles r��sidences par les trouv��res et les troubadours. Mais en g��n��ral la langue d'O?l ne d��passait gu��re l'idylle et la pastorale, et elle s'��levait rarement jusqu'aux r��gions ��th��r��es o�� se plaisaient les langues du midi.[17]
Dans les pays du soleil, en Provence et en Italie, c'��tait des vers et des vers d'amour, o�� les rimeurs d'alors, comme tant de nos rimeurs modernes n'entretenaient gu��re leurs lecteurs, ou leurs auditeurs, que de leurs propres extases ou de leurs d��sesp��rances. Ces productions l��g��res, que l'imprimerie ne pouvait encore conserver, se gardaient, se communiquaient dans l'intimit��, ��taient adress��es aux gens lettr��s, aux femmes, et s'��changeaient en mani��re de correspondances, se transmettant de mains en mains, comme ailleurs les produits d'une verve moins personnelle se laissaient colporter par les jongleurs et les m��nestrels.
C'est ainsi que Dante lui-m��me, et les Guido, et toute la phalange des rimeurs de la langue du Si ou de la langue de l'Occo, jusqu'�� P��trarque enfin, pr��ludaient aux accens plus virils de la Divine Com��die et de la J��rusalem d��livr��e.
Dante, dont l'oeuvre devait devancer l'��poque o�� il vivait, appartenait encore �� celle-ci par les sujets de ses premiers essais lyriques. Il aimait, comme tant de ses contemporains,
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