avec qui j'ai s?u, par des témoignages très-assurez, que la mère avoit contracté un mariage caché. Cette petite fille accoutumée avec Molière, qu'elle voyoit continuellement, l'appella son mari, dès qu'elle s?ut parler; et à mesure qu'elle croissoit, ce nom déplaisoit moins à Molière, mais cela ne paroissoit à personne tirer à aucune conséquence. La mère ne pensoit à rien moins qu'à ce qui arriva dans la suite; et occupée seulement de l'amitié qu'elle avoit pour son prétendu gendre, elle ne voyoit rien qui d?t lui faire faire des réflexions.
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Molière partit avec sa troupe, qui eut bien de l'aplaudissement en passant à Lyon, en 1653, où il donna au public l'étourdi, la première de ses Pièces, qui eut autant de succès qu'il en pouvoit espérer. La Troupe passa en Languedoc, où Molière fut re?u très-favorablement de Monsieur le Prince de Conti, qui eut la bonté de donner des appointemens à ces Comédiens.
Molière s'acquit beaucoup de réputation dans cette Province, par les trois premières Pièces de sa fa?on qu'il fit paro?tre; l'étourdi, le Dépit amoureux, et les Précieuses ridicules. Ce qui engagea d'autant plus Monsieur le Prince de Conti à l'honorer de sa bienveillance, et de ses bienfaits: ce Prince lui confia la conduite des plaisirs et des spectacles qu'il donnoit à la Province, pendant qu'il en tint les états. Et a?ant remarqué en peu de tems toutes les bonnes qualitez de Molière, son estime pour lui alla si loin, qu'il le voulut faire son Secrétaire. Mais il aimoit l'indépendance, et il étoit si rempli du désir de faire valoir le talent qu'il se connoissoit, qu'il pria Monsieur le Prince de Conti de le laisser continuer la Comédie; et la place qu'il auroit remplie fut donnée à Monsieur de Simoni. Ses amis le blamèrent de n'avoir point accepté un emploi si avantageux. ?Eh! Messieurs,? leur dit-il, ?ne nous dépla?ons jamais; je suis passable Auteur, si j'en crois la voix publique; je puis être un fort mauvais Secrétaire. Je divertis le Prince par les spectacles que je lui donne; je le rebuterai par un travail sérieux, et mal conduit. Et pensez-vous d'ailleurs,? ajouta-t-il, ?qu'un Misantrope comme moi, capricieux si vous voulez, soit propre auprès d'un Grand? Je n'ai pas les sentimens assez flexibles pour la domesticité. Mais plus que tout cela, que deviendront ces pauvres gens que j'ai amenés de si loin? Qui les conduira? Ils ont compté sur moi; et je me reprocherois de les abandonner.? Cependant j'ai s?? que la Béjart, lui auroit fait le plus de peine à quitter; et cette femme, qui avoit tout pouvoir sur son esprit, l'empêcha de suivre Monsieur le Prince de Conti. De son c?té, Molière étoit ravi de se voir le Chef d'une Troupe; il se fesoit un plaisir sensible de conduire sa petite République: il aimoit à parler en public, il n'en perdoit jamais l'occasion; jusques-là que s'il mouroit quelque Domestique de son Théatre, ce lui étoit un sujet de haranguer pour le premier jour de Comédie. Tout cela lui auroit manqué chez Monsieur le Prince de Conti.
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Après quatre ou cinq années de succès dans la Province, la Troupe résolut de venir à Paris. Molière sentit qu'il avoit assez de force pour y soutenir un Théatre comique; et qu'il avoit assez fa?onné ses Comédiens pour espérer d'y avoir un plus heureux succès que la première fois. Il s'assuroit aussi sur la protection de Monsieur le Prince de Conti.
Molière quitta donc le Languedoc avec sa Troupe: mais il s'arrêta à Grenoble, où il joua pendant tout le Carnaval. Après quoi, ces Comédiens vinrent à Rouen, afin qu'étant plus à portée de Paris, leur mérite s'y répand?t plus aisément. Pendant ce séjour, qui dura tout l'été, Molière fit plusieurs voyages à Paris, pour se préparer une entrée chez Monsieur, qui lui a?ant acordé sa protection, eut la bonté de le présenter au Roi et à la Reine Mère.
Ces Comédiens eurent l'honneur de représenter la pièce de Nicomède devant leurs Majestez au mois d'Octobre 1658. Leur début fut heureux; et les Actrices sur tout furent trouvées bonnes. Mais comme Molière sentoit bien que sa Troupe ne l'emporteroit pas pour le sérieux sur celle de l'H?tel de Bourgogne, après la Pièce il s'avan?a sur le Théatre, et fit un remerc?ment à sa Majesté, et la suplia d'agréer qu'il lui donnat un des petits divertissemens, qui lui avoient acquis un peu de réputation dans les Provinces. En quoi il comptoit bien de réussir, parce qu'il avoit acoutumé sa Troupe à jouer sur le champ de petites Comédies, à la manière des Italiens. Il en avoit deux entre autres, que tout le monde en Languedoc, jusqu'aux personnes les plus sérieuses, ne se lassoient point de voir représenter. C'étoient les Trois Docteurs Rivaux, et le Ma?tre d'école, qui étoient entièrement dans le
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