pour donner une belle éducation à Chapelle, jusqu'à lui choisir pour Précepteur le célèbre Mr de Gassendi; qui a?ant remarqué dans Molière toute la docilité et toute la pénétration nécessaires pour prendre les connoissances de la Philosophie, se fit un plaisir de la lui enseigner en même tems qu'à Messieurs de Chapelle et Bernier.
Cyrano de Bergerac, que son père avoit envoyé à Paris sur sa propre conduite, pour achever ses études, qu'il avoit assez mal commencées en Gascogne, se glissa dans la société des Disciples de Gassendi, a?ant remarqué l'avantage considérable qu'il en tireroit. Il y fut admis cependant avec répugnance; l'esprit turbulent de Cyrano ne convenoit point avec de jeunes gens, qui avoient déjà toute la justesse d'esprit que l'on peut souhaiter dans des personnes toutes formées. Mais le moyen de se débarasser d'un jeune homme aussi insinuant, aussi vif, aussi gascon que Cyrano? Il fut donc re?u aux études et aux conversations que Gassendi conduisoit avec les personnes que je viens de nommer. Et comme ce même Cyrano étoit très-avide de s?avoir, et qu'il avoit une mémoire fort heureuse, il profitoit de tout; et il se fit un fond de bonnes choses, dont il tira avantage dans la suite. Molière aussi ne s'est il pas fait un scrupule de placer dans ses Ouvrages plusieurs pensées, que Cyrano avoit employées auparavant dans les siens? Il m'est permis, disoit Molière, de reprendre mon bien où je le trouve.
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Quand Molière eut achevé ses études, il fut obligé, à cause du grand age de son père, d'exercer sa Charge pendant quelque tems; et même il fit le voyage de Narbonne à la suite de Louis XIII. La Cour ne lui fit pas perdre le go?t qu'il avoit pris dès sa jeunese pour la Comédie: ses études n'avoient même servi qu'à l'y entretenir. C'étoit assez la coutume dans ce tems-là de représenter des pièces entre amis; quelques Bourgeois de Paris formèrent une troupe, dont Molière étoit; ils jouèrent plusieurs fois pour se divertir. Mais ces Bourgeois a?ant suffisamment rempli leur plaisir, et s'imaginant être de bons Acteurs, s'avisèrent de tirer du profit de leurs représentations. Ils pensèrent bien sérieusement aux moyens d'exécuter leur dessein: et après avoir pris toutes leurs mesures, ils s'établirent dans le jeu de paume de la Croix blanche, au Fauxbourg Saint Germain. Ce fut alors que Molière prit le nom qu'il a toujours porté depuis. Mais lorsqu'on lui a demandé ce qui l'avoit engagé à prendre celui-là plut?t qu'un autre, jamais il n'en a voulu dire la raison, même à ses meilleurs amis.
L'établissement de cette nouvelle troupe de Comédiens n'eut point de succès, parce qu'ils ne voulurent point suivre les avis de Molière, qui avoit le discernement et les vues beaucoup plus justes, que des gens qui n'avoient pas été cultivez avec autant de soin que lui.
Un Auteur grave nous fait un conte au sujet du parti que Molière avoit pris, de jouer la Comédie. Il avance que sa famille alarmée de ce dangereux dessein, lui envoya un Ecclésiastique, pour lui représenter qu'il perdoit entièrement l'honneur de sa famille; qu'il plongeoit ses parens dans de douloureux déplaisirs; et qu'enfin il risquoit son salut d'embrasser une profession contre les bonnes moeurs, et condamnée par l'église; mais qu'après avoir écouté tranquilement l'Ecclésiastique, Molière parla à son tour avec tant de force en faveur du Théatre, qu'il séduisit l'esprit de celui qui le vouloit convertir, et l'emmena avec lui pour jouer la Comédie. Ce fait est absolument inventé par les personnes de qui Mr P** peut l'avoir pris pour nous le donner. Et quand je n'en aurois pas de certitude, le Recteur à la première réflexion présumera avec moi que ce fait n'a aucune vrai-semblance. Il est vrai que les parents de Molière essayèrent par toutes sortes de voies de le détourner de sa résolution; mais ce fut inutilement: sa passion pour la Comédie l'emportoit sur toutes leurs raisons.
Quoique la troupe de Molière n'e?t point réussi: cependant pour peu qu'elle avoit paru, elle lui avoit donné occasion suffisamment de faire valoir dans le monde les dispositions extraordinaires qu'il avoit pour le Théatre. Et Monsieur le Prince de Conti, qui l'avoit fait venir plusieurs fois jouer dans son H?tel, l'encouragea. Et voulant bien l'honorer de sa protection, il lui ordonna de le venir trouver en Languedoc avec sa troupe, pour y jouer la Comédie.
Cette troupe étoit composée de la Béjart, de ses deux frères, de Gros René, de Duparc, de sa femme, d'un Patissier de la rue Saint Honoré, père de la Damoiselle de la G**, femme-de-chambre de la De-Brie; celle-cy étoit aussi de la troupe avec son mari, et quelques autres.
Molière en formant sa troupe, lia une forte amitié avec la Béjart, qui avant qu'elle le conn?t, avoit eu une petite Fille de Monsieur de Modène, Gentilhomme d'Avignon,
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