La Tulipe Noire | Page 7

Alexandre Dumas, père
honnˆte homme; j'espŠre qu'il te
portera bonheur. --Merci, monsieur Corneille, elle ne me quittera
jamais, r‚pondit la jeune fille. Puis … elle-mˆme et en soupirant: --Quel
malheur que je ne sache pas lire! dit-elle. --Voice les clameurs qui
redoublent, ma fille, dit Jean; je crois qu'il n'y a pas un instant …
perdre. --Venez donc, dit la belle Frisonne, et par un couloir int‚rieur,
elle conduisit les deux frŠres au c“t‚ oppos‚ de la prison.
Toujours guid‚s par Rosa, ils descendirent un escalier d'une douzaine
de marches, traversŠrent une petite cour, et la porte cintr‚e s'‚tant
ouverte, ils se retrouvŠrent de l'autre c“t‚ de la prison dans la rue
d‚serte, en face de la voiture qui les attendait, le marchepied abaiss‚.
--Eh! vite, vite, vite, mes maŒtres, les entendez-vous? cria le cocher
tout effar‚.
Mais aprŠs avoir fait monter Corneille le premier, le grand
pensionnaire se retourna vers la jeune fille.
--Adieu, mon enfant, dit-il; tout ce que nous pourrions te dire ne
t'exprimerait que faiblement notre reconnaissance. Nous te
recommandons … Dieu, qui se souviendra, j'espŠre, que tu viens de
sauver la vie de deux hommes.
Rosa prit la main qui lui tendait le grand pensionnaire et la baisa
respectueusement.
--Allez, dit-elle, allez, on dirait qu'ils enfoncent la porte.
Jean de Witt monta pr‚cipitamment, prit place prŠs de son frŠre, et
ferma le mantelet de la voiture en criant:

--Au Tol-Hek!
Le Tol-Hek ‚tait la grille qui fermait la porte conduisant au petit port de
Schweningen, dans lequel un petit bƒtiment atttendait les deux frŠres.
La voiture partit au galop de deux vigoureux chevaux flamands et
emporta les fugitifs. Rosa les suivit jusqu'… ce qu'ils eussent tourn‚
l'angle de la rue. Alors elle rentra fermer la porte derriŠre elle et jeta la
clef dans un puits.
--------------- The infuriated mob broke into the Buytenhoff and
searched the cells. --------------
III
LES MASSACREURS
Les rugissements de la foule ‚clataient comme un tonnerre, car il lui
‚tait bien d‚montr‚ que Corn‚lius de Witt n'‚tait plus dans la prison. En
effet, Corneille et Jean avaient pris la grande rue qui conduit au
Tol-Hek, tout en recommandant au cocher de ralentir le pas de ses
chevaux pour que le passage de leur carrosse n'‚veillƒt aucun soup‡on.
Mais arriv‚ au milieu de cette rue, quand il vit de loin la grille, le
cocher n‚gligea tout pr‚caution et mit le carrosse au galop.
Tout … coup il s'arrˆta.
--Qu'y a-t-il? demanda Jean en passant la tˆte par la portiŠre.
--Oh! mes maŒtres, s'‚cria le cocher, il y a ...
La terreur ‚touffait la voix du brave homme.
--Voyons, achŠve, dit le grand pensionnaire. --Il y a que la grille est
ferm‚e. --Comment! la grille est ferm‚e? Ce n'est pas l'habitude de
fermer la grille pendant le jour. --Voyez plut“t.
Jean de Witt se pencha en dehors de la voiture et vit en effet la grille
ferm‚e.
--Va toujours, dit Jean, j'ai sur moi l'ordre de commutation, le portier
ouvrira.
La voiture reprit sa course, mais on sentait que le cocher ne poussait
plus ses chevaux avec la mˆme confiance. Puis en sortant sa tˆte par la
portiŠre, Jean de Witt avait ‚t‚ vu et reconnu par un brasseur qui poussa
un cri de surprise, et courut aprŠs deux autres hommes qui couraient
devant lui. Au bout de cent pas il les rejoignit et leur parla; les trois
hommes s'arrˆtŠrent, regardant s'‚loigner la voiture, mais encore peu
s–rs de ceux qu'elle renfermait. La voiture, pendant ce temps, arrivait
au Tol-Hek.

--Ouvrez! cria le cocher. --Ouvrir, dit le portier paraissant sur le seuil
de sa maison, ouvrir, et avec quoi? --Avec la clef, parbleu! dit le cocher.
--Avec la clef, oui; mais il faudrait l'avoir pour cela. --Comment! vous
n'avez pas la clef de la porte? demanda le cocher. --Non. --Qu'en
avez-vous donc fait? --Dame! on me l'a prise. --Qui cela? --Quelqu'un
qui probablement tenait … ce que personne ne sortit de la ville. --Mon
ami, dit le grand pensionnaire sortant la tˆte de la voiture et risquant le
tout pour le tout, mon ami, c'est pour moi Jean de Witt et pour mon
frŠre Corneille, que j'emmŠne en exil. --Oh! monsieur de Witt, je suis
au d‚sespoir, dit le portier se pr‚cipitant vers la voiture, mais sur
l'honneur, la clef m'a ‚t‚ prise. --Quand cela? --Ce matin. --Par qui?
--Par un jeune homme de vingt-deux ans, pƒle et maigre. --Et pourquoi
la lui avez-vous remise? --Parce qu'il avait un ordre sign‚ et scell‚. --De
qui? --Mais de messieurs de l'h“tel de ville. --Allons, dit tranquillement
Corneille, il paraŒt que bien d‚cid‚ment nous sommes perdus. --Sais-tu
si la mˆme pr‚caution a ‚t‚ prise partout? --Je ne sais. --Allons, dit Jean
au cocher, Dieu ordonne … l'homme de faire tout ce qu'il peut pour
conserver sa vie; gagne une autre
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