=s'asseyant près d'elle sur l'échafaudage, les jambes
pendantes.=--Parbleu!
FLORIA.--Des bavards, ces gens-là!... Ils parlent tout le temps et ne
s'aiment jamais!
MARIO.--Alors, le père Caraffa se mêle aussi de tes lectures?
FLORIA.--Naturellement, quand je lui avoue mes péchés.
MARIO.--Et les miens!
FLORIA.--Ce sont les mêmes!... Et, à ce propos, si tu savais ce qu'il
m'a dit de toi!...
MARIO.--Oh! je m'en doute bien... Je suis un sans-culotte, et un buveur
de sang!
FLORIA.--Ah! surtout un impie,--et j'en suis assez malheureuse. Ce
n'est pas faute de prier Dieu de toute mon âme pour le salut de la
tienne.
MARIO, =la serrant contre lui.=--Pauvre bon petit coeur.
FLORIA.--D'autant que le Padre me l'a formellement déclaré: notre
liaison est abominable.
MARIO.--Oh!
FLORIA.--Abominable!... Je l'entends encore: «Mon enfant, si vous
voulez que le ciel l'excuse, faites qu'elle profite à la conversion de votre
ami. Ramenez à nous cette brebis égarée et Dieu fermera les yeux sur
votre faute. L'amour sacré purifiera l'amour profane. Et d'abord obtenez
de lui qu'il sacrifie cet insigne révolutionnaire qu'il étale effrontément
par les rues avec des airs de défi!...»
MARIO.--Quel insigne?...
FLORIA.--Tes moustaches.
MARIO.--Oh!...
FLORIA, =avec douleur.=--Ah! je? lui avais bien promis de te les faire
couper!
MARIO.--Tu n'en as pas soufflé mot.
FLORIA, =de même.=--Jamais!
MARIO.--Pourquoi?
FLORIA.--C'est horrible à dire... Elles te vont si bien!
MARIO.--Ah! Alors!...
FLORIA.--...je t'ai aimé tout de suite comme cela. Je ne peux pas me
faire à l'idée de t'aimer autrement, avec un menton ras, comme celui du
père Caraffa!... Seulement, voilà bien le châtiment... Je n'ose plus me
confesser et lui avouer que les moustaches sont toujours là, parce que
j'ai plaisir à les fréquenter. Car alors, il me défendrait de t'aimer!... Je
lui répondrais!... Dieu sait ce que je lui répondrais... Un vrai scandale!...
Mais mon compte est bon, va!... Je suis en état constant de péché
mortel, et si je venais à mourir subitement...
MARIO.--L'enfer!
FLORIA.--Encore si c'était avec toi!...
MARIO.--Bon, qui sait!...
FLORIA, =rassurée.=--Oui, je crois que ça s'arrangera tout de même...
MARIO.--Mais oui!... va...
FLORIA.--Grâce à la Madone, je suis très bien avec la Madone!
MARIO.--Ah! alors, continuons!
=On frappe à la porte.=
FLORIA.--Chut!...
MARIO.--Quoi?
FLORIA.--On a frappé.
LUCIANA, =dehors.=--Madame, madame!
FLORIA, =descendant.=--C'est ma femme de chambre... C'est toi,
Luciana?
LUCIANA.--Oui, madame.
FLORIA, =à Mario.=--Ouvre.
=Mario ouvre.=
Scène V
LES MÊMES, LUCIANA
FLORIA.--Qu'est-ce que c'est?... Quoi!
LUCIANA.--Une lettre que l'on vient d'apporter à la maison de la part
du maestro.
=Elle cherche la lettre sur elle.=
FLORIA.--Paisiello? Dieu, que c'est agaçant de ne pas être un moment
tranquille. =(Mario, pendant ce temps, fait à Angelotti un signe de
patience.)= Allons, donne donc? Dépêche-toi!
LUCIANA.--La voici!
FLORIA.--Qu'est-ce qu'il me veut encore, ce vieux fou? =(Lisant.)=
Divine Tosca. Son Excellence monsieur le duc d'Aseoli me communique
une nouvelle qui vous comblera de joie. Sa Majesté vient de recevoir
une lettre du général Mêlas qui lui annonce que, le 14 courant, il a
livré bataille à l'armée française commandée par le général Bonaparte,
dans la plaine de Marengo, près d'Alexandrie...
MARIO, =vivement.=--Ah! donne, je t'en prie... =(Il prend la lettre et
lit de façon à être entendu par Angelotti.)= ...Le combat commencé à
l'aube s'est prolongé avec un grand acharnement jusqu'à trois heures
de l'après-midi et s'est terminé par la déroute complète de l'armée
française... C'est une victoire éclatante pour nos armes... =(Il repasse la
lettre à Floria.)= Tiens, achève.
=Il va s'asseoir, attristé, à gauche.=
FLORIA, =reprenant la lecture.=--...En conséquence, Sa Majesté vient
d'ordonner des prières d'actions de grâces dans toutes les églises. Et
j'ai pensé qu'il était de notre devoir de nous associer à cette joie
patriotique... L'excès même de mon enthousiasme échauffant ma verve,
je viens d'improviser une cantate en l'honneur de cette victoire...
MARIO.--Charlatan! Il veut rentrer en grâce et faire oublier sa
Marseillaise parthénopéenne!
FLORIA, =continuant.=--...Ai-je besoin d'ajouter, diva, que cette
improvisation ne peut avoir quelque mérite que si vous lui prêtez, ce
soir, au Palais-Farnèse, l'appui de votre prestigieux talent?... Les
choeurs et l'orchestre sont convoqués. On n'attend plus que vous. Une
bonne répétition nous suffira avant l'heure du souper. Venez sans
retard, je vous en prie, et vous comblerez de joie le plus ardent, le plus
dévoué, le plus! et cætera! Vieux singe, va...
Le diable l'emporte avec sa cantate!
MARIO, =vivement.=--Ah! tu ne peux pas refuser!
FLORIA.--Eh! non... Pour la reine!... Mais comme c'est gai de te laisser
là pour aller répéter sa cantate!... Qu'est-ce que tu vas faire sans moi?
=Elle s'apprête à partir.=
MARIO.--Je travaillerai jusqu'à la nuit.
FLORIA.--Et après?
MARIO.--J'irai souper et coucher à la villa.
FLORIA.--C'est cela, oui!... Et demain matin?
MARIO.--Demain matin, tu me verras à midi.
FLORIA.--Pourquoi si tard?
MARIO.--Pour te laisser dormir.
FLORIA.--Je n'ai pas besoin de dormir tant que ça! Je veux que tu me
réveilles.
MARIO.--C'est convenu. Allons, à demain.
FLORIA, =prête à partir, s'arrêtant.=--Attends!...
MARIO.--Quoi?
FLORIA,
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