La Terre | Page 7

Emile Zola
arriver l'a?n��, cet Hyacinthe que tout le pays connaissait sous le surnom de J��sus-Christ: un paresseux et un ivrogne, qui, �� son retour du service, apr��s avoir fait les campagnes d'Afrique, s'��tait mis �� battre les champs, refusant tout travail r��gulier, vivant de braconnage et de maraude, comme s'il e?t ran?onn�� encore un peuple tremblant de B��douins.
Un grand gaillard entra, dans toute la force musculeuse de ses quarante ans, les cheveux boucl��s, la barbe en pointe, longue et inculte, avec une face de Christ ravag��, un Christ so?lard, violeur de filles et d��trousseur de grandes routes. Depuis le matin �� Cloyes, il ��tait gris d��j��, le pantalon boueux, la blouse ignoble de taches, une casquette en loques renvers��e sur la nuque; et il fumait un cigare d'un sou, humide et noir, qui empestait. Cependant, au fond de ses beaux yeux noy��s, il y avait de la goguenardise pas m��chante, le coeur ouvert d'une bonne crapule.
--Alors, le p��re et la m��re ne sont pas encore l��? demanda-t-il.
Et, comme le clerc maigre, jauni de bile, lui r��pondait rageusement d'un signe de t��te n��gatif, il resta un instant le regard au mur, tandis que son cigare fumait tout seul dans sa main. Il n'avait pas eu un coup d'oeil pour sa soeur et son beau-fr��re, qui, eux-m��mes, ne paraissaient pas l'avoir vu entrer. Puis, sans ajouter un mot, il sortit, il alla attendre sur le trottoir.
--Oh! J��sus-Christ! oh! J��sus-Christ! r��p��ta en faux bourdon le petit clerc, le nez vers la rue, l'air de plus en plus amus�� du sobriquet qui ��veillait en lui des histoires dr?les.
Mais cinq minutes �� peine se pass��rent, les Fouan arriv��rent enfin, deux vieux aux mouvements ralentis et prudents. Le p��re, jadis tr��s robuste, ag�� de soixante-dix ans aujourd'hui, s'��tait dess��ch�� et rapetiss�� dans un travail si dur, dans une passion de la terre si apre, que son corps se courbait, comme pour retourner �� cette terre, violemment d��sir��e et poss��d��e. Pourtant, sauf les jambes, il ��tait gaillard encore, bien tenu, ses petits favoris blancs, en pattes de li��vre correctes, avec le long nez de la famille qui aiguisait sa face maigre, aux plans de cuir coup��s de grands plis. Et, dans son ombre, ne le quittant pas d'une semelle; la m��re, plus petite, semblait ��tre rest��e grasse, le ventre gros d'un commencement d'hydropisie, le visage couleur d'avoine, trou�� d'yeux ronds, d'une bouche ronde, qu'une infinit�� de rides serraient ainsi que des bourses d'avare. Stupide, r��duite dans le m��nage �� un r?le de b��te docile et laborieuse, elle avait toujours trembl�� devant l'autorit�� despotique de son mari.
--Ah! c'est donc vous! s'��cria Fanny, qui se leva.
Delhomme avait ��galement quitt�� sa chaise. Et, derri��re les vieux, J��sus-Christ venait de repara?tre, se dandinant, sans une parole. Il ��crasa le bout de son cigare pour l'��teindre, puis fourra le fumeron empest�� dans une poche de sa blouse.
--Alors, nous y sommes, dit Fouan. Il ne manque que Buteau... Jamais �� l'heure, jamais comme les autres, ce bougre-l��!
--Je l'ai vu au march��, d��clara J��sus-Christ d'une voix enrou��e par l'eau-de-vie. Il va venir.
Buteau, le cadet, ag�� de vingt-sept ans, devait ce surnom �� sa mauvaise t��te, continuellement en r��volte, s'obstinant dans des id��es �� lui, qui n'��taient celles de personne. M��me gamin, il n'avait pu s'entendre avec ses parents; et, plus tard, apr��s avoir tir�� un bon num��ro, il s'��tait sauv�� de chez eux, pour se louer, d'abord �� la Borderie, ensuite �� la Chamade.
Mais, comme le p��re continuait de gronder, il entra, vif et gai. Chez lui, le grand nez des Fouan s'��tait aplati, tandis que le bas de la figure, les maxillaires s'avan?aient en machoires puissantes de carnassier. Les tempes fuyaient, tout le haut de la t��te se resserrait et, derri��re le rire gaillard de ses yeux gris, il y avait d��j�� de la ruse et de la violence. Il tenait de son p��re le d��sir brutal, l'ent��tement dans la possession, aggrav��s par l'avarice ��troite de la m��re. A chaque querelle, lorsque les deux vieux l'accablaient de reproches, il leur r��pondait: ?Fallait pas me faire comme ?a!?
--Dites donc, il y a cinq lieues de la Chamade �� Cloyes, r��pondit-il aux grognements. Et puis, quoi? j'arrive en m��me temps que vous... Est-ce qu'on va encore me tomber sur le dos?
Maintenant, tous se disputaient, criaient de leurs voix per?antes et hautes, habitu��es au plein vent, d��battaient leurs affaires, absolument comme s'ils se fussent trouv��s chez eux. Les clercs, incommod��s, leur jetaient des regards obliques, lorsque le notaire vint au bruit, ouvrant de nouveau la porte de son cabinet.
--Vous y ��tes tous? Allons, entrez!
Ce cabinet donnait sur le jardin, la mince bande de terre qui descendait jusqu'au Loir, dont on apercevait, au loin, les peupliers sans feuilles. Ornant la chemin��e, il y avait une pendule de marbre noir, entre des paquets de dossiers; et rien autre que
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