et arriva à sa destination au milieu de l'hiver. Son
équipage se composait d'Américains et de Canadiens, tous gens hardis
et décidés à mener à bonne fin leur périlleuse entreprise.
A quelques lieues de l'embouchure du fleuve, ils élevèrent un fort qui
fut appelé Astoria.
Le 5 juillet 1811, le Tonquin levait l'ancre avec une cargaison de
fourrures. Mais s'étant arrêté près de l'île Vancouver pour faire de l'eau,
il fut attaqué par les indigènes, qui massacrèrent tous ceux qui se
trouvaient à son bord.
Deux ans après, le 12 décembre 1813, la corvette de guerre anglaise le
Racoon, commandée par le capitaine Black, ruinait l'établissement
d'Astoria.
Il ne se releva point; mais l'impulsion était donnée. Des bandes ou
partis d'Américains, de Canadiens et d'Anglais, se livrèrent, soit
individuellement, soit en société, à la traite des pelleteries, sur les côtes
du Pacifique, en s'avançant dans l'intérieur des terres, par le rio
Columbia, jusqu'au moment où un aventurier anglais, le docteur
McLoughlin jeta, en 1824, les fondements d'une factorerie considérable
qui prit le nom de fort Vancouver.
Le fort Vancouver, bâti à trente lieues en amont du fleuve, fut compris
dans les possessions de la Compagnie de la baie d'Hudson, qui, comme
je l'ai dit dans mes précédents ouvrages [6], monopolisa tout le
commerce, depuis le 45° de latitude jusqu'au cercle polaire, et de la
baie d'Hudson jusqu'au Pacifique.
[Note 6: Voir entre autres la Huronne et les Pieds-Noirs.]
Dès le commencement du siècle, elle déclarait aux Compagnies rivales
et aux francs trappeurs une guerre à outrance. Mais, à partir de 1815,
elle ne recula devant aucun moyen pour les faire disparaître du
territoire où elle exerçait un pouvoir sans contrôle. Le vol, la
dévastation et l'assassinat furent impunément perpétrés par ses agents.
Je n'ai pas besoin d'ajouter qu'elle pressurait et décimait les peuplades
indiennes.
Ces peuplades étaient et sont encore, sur le versant occidental des
montagnes Rocheuses, et le long de la rive orientale de la Colombie, les
Têtes-Plates, proprement dites; les Nez-Percés, les Serpents et les
Chinouks; le long de la rive septentrionale, les Okanagans, les
Nesquallys, les Chinamus, les Clallomes.
Ceux qui vivent à la base des montagnes ressemblent assez par leurs
moeurs, leurs usages, leur langue et leur costume à la grande race
algonquine répandue entre le versant oriental, le lac Huron et la
factorerie d'York, sur la baie d'Hudson [7]. Mais les riverains du
Pacifique en diffèrent totalement. Ils portent peu ou point de vêtements,
se tatouent le corps, parlent un langage dur et mènent pour la plupart
une existence misérable.
[Note 7: Voir la Huronne.]
La famille chinouke reconnaît deux divinités principales,
Hias-soch-a-la-ti-yah, le Grand Esprit ou chef suprême, et Scoucoumé,
l'Esprit du Mal. A ce dernier elle fait des sacrifices, lui immole des
victimes humaines. Sa genèse est étrange. L'homme fut créé par un
Dieu, Etalapas. Mais, à l'origine, l'homme était parfait. Le souffle de
vie ne l'animait pas. Sa bouche n'était pas divisée, ses yeux étaient
fermés, ses pieds et ses mains étaient rigides. C'était, une statue, rien de
plus. Le feu prométhéen lui manquait. Un autre dieu, non moins
puissant, mais plus charitable qu'Etalapas, eut pitié de ce triste état de
l'homme. Il lui ouvrit la bouche et les yeux, insuffla le mouvement dans
ses bras et ses jambes, puis il lui apprit à s'en servir pour fabriquer des
armes, des filets et toutes les choses nécessaire à son être.
La cosmogonie des Algonquins, par contre, a une analogie si
remarquable avec la tradition biblique que, quoiqu'elle s'éloigne de mon
sujet, je ne puis résister au désir de la citer.
«Au commencement, disent-ils, il y avait six hommes. Les femmes
n'existaient pas alors et les six hommes craignaient que leur race ne
s'éteignit avec eux. Ils délibéraient sur les moyens de la perpétuer,
quand ils apprirent qu'il y en avait une au ciel.
«On prolongea le conseil et il fut convenu que Hougoaho, l'un d'eux,
monterait.
«Ce qui parut d'abord impossible.
«Mais des oiseaux lui prêtèrent le secours de leurs ailes et le portèrent
dans les airs.
«Arrivé au ciel, il apprit que la femme avait coutume de venir puiser de
l'eau auprès d'un arbre, au pied duquel il attendit qu'elle vînt.
«Et la voici venir, en effet. Hougoaho cause avec elle et lui fait un
présent de graisse d'ours.
«Une femme causeuse qui reçoit des présents n'est pas longtemps
victorieuse.
«Celle-ci fut faible dans le ciel même.
«Manitou s'en aperçut, et, dans sa colère, la précipita en bas. Mais une
tortue la reçut sur son dos, où la loutre et d'autres poissons apportèrent
du limon du fond de la mer et formèrent une petite île qui s'étendit peu
à peu et finit par constituer tout le globe.»
Cette légende, que j'ai souvent entendu raconter sur les bords du
Saint-Laurent, je l'abandonne aux commentaires des
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