comme pour admirer cette puissante végétation dont il est le père nourricier. Ailleurs, il se recueille, se ramasse et s'élance sous les arceaux d'une sombre forêt de pins géants; plus loin, le voici qui joue parmi des aiguilles de basalte, hautes comme la nue et qui réfléchissent leurs pointes effilées dans son miroir de cristal; au delà il déploie impérialement son manteau liquide dans un lac immense, enclavé entre des montagnes au front sourcilleux, éternellement drapé de neige; ailleurs encore, vous le verrez diviser ses forces, envoyer les unes au sud, les autres à l'ouest, puis se tordre, se rouler comme un colossal serpent, tant?t entre des rives fleuries, parfumées des plus suaves ar?mes, tant?t sur des masses de laves arides, chenues, ou au milieu de marais fangeux, jusqu'à ce qu'il vienne enfin se marier à l'océan.
L'estuaire de la Colombie a une largeur de trois lieues. Il est formé par deux pointes en bec d'oiseau de proie, dont l'une, au sud, est nommée pointe Adams ou cap Frondoso; l'autre, au nord, cap Rochon ou Désappointement. Les abords de la pointe Adams sont parsemés d'?lots charmants, où la faune et la flore des deux p?les se trouvent confondues dans un heureux mélange. Quant au cap Désappointement, c'est une montagne arrondie, élevée de cent vingt mètres au-dessus de la mer et jadis couronnée de pins de la plus grande espèce. Ils atteignent soixante pieds de circonférence et trois cents de hauteur. L'écorce a plus d'un pied d'épaisseur. Les Anglais ont abattu les arbres qui ombrageaient le cap Désappointement, à l'exception de trois, qui furent élagués et conservés pour servir à guider les navires dans la passe, extrêmement dangereuse à cause des bancs de sable flottants qui l'encombrent sans cesse. Le mugissement des vagues contre la barre se fait entendre à plusieurs lieues de distance. Cette barre occupe une largeur de quinze cents mètres. Les énormes lames qui la balaient en temps de tourmente, montent jusqu'à soixante pieds de hauteur. Aussi l'entrée de la Colombie est-elle fort redoutée des marins; dans leur langage métaphorique, ils l'ont dénommée le Trou du Diable.
A peine l'a-t-on franchie, cependant, que la scène change et prend une physionomie ravissante. Des campagnes fertiles, un climat doux et tempéré, réjouissent les yeux et le coeur. On sent que ce pays, encore aux trois quarts sauvage, est destiné à devenir un des sièges les plus florissants de la civilisation.
En 1822, époque de notre récit, les blancs étaient rares sur le littoral de la Colombie, principalement habité par les Indiens Têtes-Plates.
Néanmoins, quelques établissements y avaient été fondés par les Américains et les Anglais; mais les différends continuels des deux nations et l'aversion des Peaux-Rouges pour les Visages-Pales ne permettaient guère à ces établissements de prospérer. Leur histoire est, du reste, aussi brève que lugubre.
En 1809, un Américain d'une intelligence peu commune, d'une volonté de fer, M. J. Astor fonda une association pour la traite des pelleteries. Cette association se proposait de faire concurrence à la Compagnie de la bale d'Hudson, dont les empiètements, par delà les montagnes Rocheuses, commen?aient à inquiéter les Yankees, qui réclamaient, comme leur propriété, le territoire de la Colombie. La société de M. Astor prit le titre de Compagnie des fourrures du Pacifique. Plusieurs agents de la Compagnie canadienne du Nord-Ouest, établie à Montréal, se joignirent M. Astor, en haine de la Compagnie anglaise de la baie d'Hudson. De ce nombre fut M. Alexandre M'Kay, ancien compagnon du célèbre voyageur sir Alexandre M'Kenzie, qui, le premier, chercha et découvrit une route pour se rendre, par terre, des c?tes occidentales de l'Atlantique à l'océan Glacial.
En vertu de l'acte d'association de la nouvelle Compagnie, une seule factorerie devait d'abord être établie à l'embouchure du rio Columbia. Un navire de New-York porterait annuellement des approvisionnements aux facteurs, se chargerait des pelleteries qu'ils auraient recueillies, irait ensuite les vendre: à Canton, en Chine, et rapporterait les produits au lieu d' embarquement.
Le Tonquin inaugura les voyages. Il partit de New-York pendant l'automne de 1810 et arriva à sa destination au milieu de l'hiver. Son équipage se composait d'Américains et de Canadiens, tous gens hardis et décidés à mener à bonne fin leur périlleuse entreprise.
A quelques lieues de l'embouchure du fleuve, ils élevèrent un fort qui fut appelé Astoria.
Le 5 juillet 1811, le Tonquin levait l'ancre avec une cargaison de fourrures. Mais s'étant arrêté près de l'?le Vancouver pour faire de l'eau, il fut attaqué par les indigènes, qui massacrèrent tous ceux qui se trouvaient à son bord.
Deux ans après, le 12 décembre 1813, la corvette de guerre anglaise le Racoon, commandée par le capitaine Black, ruinait l'établissement d'Astoria.
Il ne se releva point; mais l'impulsion était donnée. Des bandes ou partis d'Américains, de Canadiens et d'Anglais, se livrèrent, soit individuellement, soit en société, à la traite des pelleteries, sur les c?tes du Pacifique, en
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