pas pourquoi il a employé cette
fixation du regard, ni si les sujets qui n'avaient pas eu soin de regarder fixement un point
étaient plus suggestibles que les autres. Je pense que cette pratique, qui rappelle beaucoup
le procédé de Braid pour hypnotiser, devrait être étudiée avec soin dans ses conséquences
psycho-physiologiques.
La recherche de Sidis ne comporte point une étude de détail, de psychologie individuelle
sur la suggestibilité; elle nous apprend seulement qu'on peut faire des suggestions d'actes
sur des élèves de laboratoire et réussir ces suggestions. C'est le fait même de la
suggestibilité qui est mis ici en lumière, et pas autre chose. L'étude de Sidis a donc ce
même caractère préliminaire que les études bien antérieures de Yung.
Un autre auteur, Bérillon, qui s'est beaucoup occupé de l'hypnotisation des enfants
comme méthode pédagogique, vient de publier un opuscule[13] où il rapporte plusieurs
exemples de suggestion donnée à l'état de veille.
[Note 13: _L'hypnotisme et l'orthopédie mentale_, par E. Bérillon, Paris, Rueff. 1898.]
Ces observations ne rentrent pas absolument dans le cadre de notre travail, car, ainsi que
nous l'avons annoncé, nous ne nous occuperons point des suggestions dites de l'état de
veille, lorsqu'elles sont données d'après les mêmes méthodes que la suggestion de
l'hypnotisme; cependant nous croyons devoir dire un mot des recherches de Bérillon, à
cause de la curieuse assertion dont il les accompagne.
D'après son expérience, des enfants imbéciles, idiots, hystériques, sont beaucoup moins
facilement hypnotisables et suggestibles que «les enfants robustes, bien portants, dont les
antécédents héréditaires n'ont rien de défavorable». Ces derniers seraient «très sensibles à
l'influence de l'imitation. Ils s'endorment souvent, lorsqu'on a endormi préalablement
d'autres personnes devant eux, d'une façon presque spontanée. Il suffit de leur affirmer
qu'ils vont dormir pour vaincre leur dernière résistance. Leur sommeil a toutes les
apparences du sommeil normal, ils reposent tranquillement les yeux fermés[14]».
[Note 14: _Op. cit._, p. 10.]
Voici maintenant ce que l'auteur pense de ceux qui résistent aux suggestions: «Au point
de vue purement psychologique, la résistance aux suggestions est aussi intéressante à
constater qu'une extrême suggestibilité. Elle dénote un état mental particulier et souvent
même un esprit systématique de contradiction dont il faut neutraliser les effets. Parfois
cette résistance est inspirée par des motifs dont il y a lieu de ne pas tenir compte. Le plus
fréquent de ces motifs est la peur de l'hypnotisme, que nous arrivons assez facilement à
dissiper.
«Le degré de suggestibilité n'est nullement en rapport avec un état névropathique
quelconque. La _suggestibilité, au contraire, est en rapport direct avec le développement
intellectuel et la puissance d'imagination du sujet. Suggestibilité, à notre avis, est
synonyme d'éducabilité_.
«_Le diagnostic de la suggestibilité_.--Ce diagnostic peut être fait à l'aide d'une
expérience des plus simples. Cette expérience a pour objet d'obtenir chez le sujet la
réalisation d'un acte très simple, suggéré à l'état de veille. Voici comment je procède:
«Après avoir fait le diagnostic clinique et interrogé l'enfant avec douceur, je l'invite à
regarder avec une grande attention un siège placé à une certaine distance, au fond de la
salle, et je lui fais la suggestion suivante: «Regardez attentivement cette chaise; vous
allez éprouver malgré vous le besoin irrésistible d'aller vous y asseoir. Vous serez obligé
d'obéir à ma suggestion, quel que soit l'obstacle qui vienne s'opposer à sa réalisation.»
«J'attends alors le résultat de l'expérience. Au bout de peu de temps (une ou deux minutes)
on voit ordinairement l'enfant se diriger vers la chaise indiquée, comme poussé par une
force irrésistible, quels que soient les efforts qu'on fasse pour le retenir. Dès lors je puis
poser mon pronostic, et déclarer que cet enfant est intelligent, docile, facile à instruire et à
éduquer et qu'il a de bonnes places dans sa classe. Je puis ajouter qu'il sera très facile à
hypnotiser.
«Si l'enfant reste immobile, et déclare qu'il n'éprouve aucune attraction vers le siège qui
lui est désigné, je puis conclure de ce résultat négatif qu'il est mal doué au point de vue
intellectuel et mental, et qu'il sera facile de retrouver chez lui des stigmates accentués de
dégénérescence. L'opinion des maîtres et des parents vient toujours confirmer ce
diagnostic.»
On sera sans doute étonné, de prime abord, qu'un auteur voie dans la suggestibilité des
signes d'éducabilité; les hypnotiseurs nous ont du reste habitués aux affirmations
tranchantes et inattendues. Delboeuf n'a-t-il pas soutenu que l'hypnotisme exalte la
volonté humaine? Nous pensons inutile de décrire à nouveau ce que nous entendons par
état de suggestibilité, état dans lequel il y a une suspension de l'esprit critique, et une
manifestation de la vie automatique, et par conséquent nous n'insisterons pas pour
prouver qu'un développement anormal de l'automatisme ne saurait en aucune façon être
une preuve d'intelligence. En somme, ce sont là des discussions théoriques, qui
n'engendrent pas toujours la conviction, et il vaut bien
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