mieux traiter la question sous une 
forme expérimentale. 
Sur ce dernier point, je crois intéressant de remarquer que Bérillon se contente d'affirmer 
sans rien prouver. On aurait été curieux d'avoir sous les yeux une statistique de bons 
élèves et de mauvais élèves, et d'étudier le pourcentage des hypnotisables dans ces deux 
catégories. C'est ainsi que nous procédons en psychologie expérimentale, nous donnons 
nos chiffres, et nous les laissons parler. L'habitude maintenant est si bien prise que 
lorsque nous rencontrons une affirmation sans preuves, nous la considérons comme une 
impression subjective, sujette à des erreurs de toutes sortes. Voilà ce qu'aurait dû se 
rappeler un auteur américain, M. Luckens[15], qui dit avoir été très frappé, dans une 
visite faite à Bérillon, de cette assimilation de la suggestibilité à l'éducabilité; il aurait dû 
demander des preuves, et jusqu'à ce qu'elles lui eussent été fournies, suspendre son 
jugement[16]. 
[Note 15: Luckens. Notes abroad, Pedagogical Seminary, 10, 1898.] 
[Note 16: Je crois devoir ajouter quelques remarques sur les rapports pouvant exister 
entre la suggestibilité d'une personne et son intelligence. Il me paraît incontestable qu'un 
certain degré d'intelligence est nécessaire pour comprendre la suggestion donnée, et une 
personne qui ne comprendra pas une suggestion trop complexe pour son intelligence se 
trouvera, par ce fait même, incapable de l'exécuter; l'échec ne viendra pas de son défaut 
de suggestibilité, mais de son défaut d'intelligence. Je prends tout de suite un exemple: un 
enfant d'école primaire ne pourra pas, par suggestion, résoudre une équation à deux 
inconnues, ou faire un problème de calcul intégral. Dans ce sens, on peut dire que 
l'intelligence du sujet n'est pas sans relation avec sa suggestibilité. Nous rencontrons du 
reste cette relation lorsque nous nous adressons pour nos recherches aux enfants très 
jeunes; à cinq ans, et à six ans, un enfant me paraît être en général beaucoup plus 
suggestible qu'à neuf ans; mais son extrême suggestibilité se trouve neutralisée dans bien 
des cas par son incapacité à comprendre la suggestion.] 
J'ai fait il y a cinq ans environ, en collaboration avec V. Henri, des expériences de 
suggestion qui rentrent dans cette catégorie, c'est-à-dire qui sont la mise en oeuvre de 
l'autorité morale; ce n'étaient point des suggestions d'actes ou de sensations; la suggestion 
était dirigée de manière à troubler seulement un acte de mémoire. Une ligne modèle de 40 
millimètres de longueur étant présentée à l'enfant, il devait la retrouver, par mémoire ou 
par comparaison directe, dans un tableau composé de plusieurs lignes, parmi lesquelles se 
trouvait réellement la ligne modèle. Au moment où il venait de faire sa désignation, on 
lui adressait régulièrement, et toujours sur le même ton, la phrase suivante: «En êtes-vous 
bien sûr? N'est-ce pas la ligne d'à côté?» Il est à noter que sous l'influence de cette 
suggestion discrète, faite d'un ton très doux, véritable suggestion scolaire, la majorité des 
enfants abandonne la ligne d'abord désignée et en choisit une autre. La répartition des 
résultats montre que les enfants les plus jeunes sont plus sensibles à la suggestion que
leurs aînés: en outre, la suggestion est plus efficace quand l'opération qu'on cherche à 
modifier est faite de mémoire que quand elle est faite par comparaison directe 
(c'est-à-dire le modèle et le tableau de lignes se trouvant simultanément sous les yeux de 
l'enfant); voici quelques chiffres: 
NOMBRE DES CAS OÙ LES ENFANTS ONT CHANGÉ LEUR RÉPONSE 
Dans la Dans la comparaison Moyenne. mémoire. directe. 
Cours élémentaire. 89% 74% 81,5% 
-- moyen. 80% 73% 76,5% 
-- supérieur. 54% 48% 51% 
Dans ces chiffres sont confondus les enfants qui, avant la suggestion, ont fait une 
désignation exacte de la ligne égale au modèle, et les enfants qui ont fait une désignation 
fausse. Il faut maintenant distinguer ces deux groupes d'enfants, dont chacun présente un 
intérêt particulier. Les enfants qui se sont trompés une première fois font en général une 
désignation plus exacte, grâce à la suggestion; ainsi, si l'on compte ceux dont la seconde 
désignation se rapproche plus du modèle que la première, on en trouve 81 p. 100, tandis 
que ceux qui s'en éloignent davantage forment une petite minorité de 19 p. 100. Quant 
aux enfants qui ont vu juste la première fois, ils sont remarquables par la fermeté avec 
laquelle ils résistent à la suggestion, qui, dans leur cas, est perturbatrice; 56 p. 100 
seulement abandonnent leur première opinion, tandis que dans le cas d'une réponse 
inexacte, il y en a 72 p. 100 qui changent de désignation. 
Je ferai remarquer que cette étude de V. Henri et de moi a été conçue dans un esprit un 
peu différent de celui qu'on trouve dans d'autres travaux du même genre. Nous ne nous 
sommes pas simplement proposés de montrer que les enfants, ou que tels et tels enfants 
sont suggestibles, mais nous avons cherché à préciser le mécanisme de cette    
    
		
	
	
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