c'est mettre mon coeur dans vos mains, et c'est vous dire �� deux genoux: ?Je vous aime, ma Luisa! je vous aime!?
?Me voil�� donc �� vingt lieues de vous, ma belle f��e du Palmier, et, quand vous recevrez cette lettre, j'en serai plus rapproch�� encore. Les brigands nous harc��lent, nous assassinent, nous mutilent, mais ne nous arr��tent point. C'est que nous ne sommes point une arm��e, c'est que nous ne sommes point des hommes en marche pour envahir un royaume et conqu��rir une capitale: nous sommes une id��e faisant le tour du monde.
?Bon! voil�� que je parle politique!
?Je parie que je devine o�� vous lisez ma lettre. Vous la lisez dans notre chambre, assise au chevet de mon lit, dans cette chambre o�� nous nous reverrons et ou j'oublierai, en vous revoyant, les longs jours pass��s loin de vous...?
Luisa s'interrompit: les larmes lui voilaient les yeux, les sanglots lui coupaient la voix.
Michele courut �� elle et se mit �� ses genoux.
--Voyons, petite soeur, lui dit-il, du courage! C'est beau, ce que tu fais, et le bon Dieu t'en r��compensera. Et qui sait, mon Dieu! vous ��tes jeunes tous deux: peut-��tre, un jour, vous reverrez-vous.
Luisa secoua la t��te.
--Non, non, dit-elle avec un mouvement qui fit pleuvoir les larmes de ses yeux ferm��s; non, nous ne nous reverrons jamais. Et il vaut mieux que je ne le revoie pas; je l'aime trop, Michele, et ce n'est que depuis que j'ai d��cid�� de ne plus le revoir que je sais combien je l'aime.
--Enfin, tu sais, dit Michele, il y a dans ta douleur quelque chose de bon �� ce que tu ne le revoies pas; il y avait, au bout de votre amour, une triste pr��diction de Nanno.
--Oh! s'��cria Luisa, que m'importeraient toutes les pr��dictions du monde si je pouvais l'aimer sans crime!
--Voyons, lis, lis; cela vaudra mieux, dit Michele.
--Non, dit Luisa mettant la lettre �� moiti�� lue dans sa poitrine, non, s'il me parlait trop du bonheur qu'il aura de me revoir, peut-��tre ne partirais-je pas!
En ce moment, on entendit la voix de San-Felice qui appelait Luisa.
La jeune femme s'��lan?a dans le corridor, dont Michele ferma la porte derri��re elle et derri��re lui.
La porte de la salle �� manger donnant sur le salon ��tait ouverte; dans le salon, ��tait le docteur Cirillo.
Une vive rougeur monta aux joues de Luisa. Le docteur Cirillo, lui aussi, ��tait dans son secret. D'ailleurs, elle n'ignorait point que c'��tait par les mains du comit�� lib��ral, dont Cirillo faisait partie, que lui parvenaient les lettres de Salvato.
--Ch��re amie, dit le chevalier �� Luisa, voici notre bon docteur, que nous n'avions pas vu depuis longtemps, qui vient prendre des nouvelles de ta sant��; j'esp��re qu'il en sera content.
Le docteur salua la jeune femme et s'aper?ut, au premier coup d'oeil, du trouble moral qui l'agitait.
--Elle va mieux, dit-il, mais elle n'est point encore gu��rie, et je suis enchant�� d'��tre venu aujourd'hui.
Le docteur appuya sur le mot aujourd'hui; Luisa baissa les yeux.
--Allons, dit San-Felice, il faut encore que je vous laisse seul avec elle. En v��rit��, vous autres m��decins, vous avez des privil��ges que les maris eux-m��mes n'ont pas. Heureusement pour vous, j'ai quelque chose �� faire; sans quoi, bien certainement j'��couterais �� la porte.
--Et vous auriez tort, mon cher chevalier, dit Cirillo; car nous avons �� nous dire des choses de la plus haute importance politique; n'est-ce pas, ma ch��re enfant?
Luisa essaya de sourire; mais ses l��vres ne se crisp��rent que pour laisser passer un soupir.
--Allons, allons, laissez-nous, chevalier, dit Cirillo; c'est plus grave que je ne croyais.
Et, en riant, il poussa San-Felice vers la porte, qu'il ferma derri��re lui.
Puis, revenant �� Luisa et lui prenant les deux mains.
--A nous deux, ma ch��re fille, lui dit-il. Vous avez pleur��?
--Oh! oui, et beaucoup! murmura-t-elle.
--Depuis que vous avez re?u une lettre de lui, ou auparavant?
--Auparavant et depuis.
--Lui est-il arriv�� quelque accident?
--Aucun, Dieu merci!
--Tant mieux, car c'est une noble et vigoureuse nature; un de ces hommes comme nous n'en aurons jamais assez dans notre pauvre royaume de Naples. Vous avez donc un autre sujet de chagrin?
Luisa ne r��pondit point, mais ses yeux se mouill��rent.
--Vous n'avez point �� vous plaindre de San-Felice, je pr��sume? demanda Cirillo.
--Oh! s'��cria Luisa en joignant les mains, c'est l'ange de la paternelle bont��.
--Je comprends, il part et vous restez.
--Il part, et je le suis.
Cirillo regarda la jeune femme d'un oeil ��tonn�� qui, peu �� peu, se mouilla de larmes.
--Et vous, lui dit-il, quel ange ��tes-vous? Je n'en connais pas au ciel un seul dont vous ne soyez digne de porter le nom, et qui soit digne de porter le v?tre.
--Vous voyez bien que je ne suis pas un ange, puisque je pleure; les anges ne pleurent pas pour faire leur devoir.
--Faites-le, et pleurez en le faisant, vous n'en aurez que plus de m��rite; faites-le, et, moi, je ferai le
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