La San-Felice, Tome IV | Page 8

Alexandre Dumas, père
princesses avaient �� peu pr��s oubli�� la perte qu'elles avaient faite de leur soeur, perte dont elles ne devaient pas se consoler; mais c'est un des privil��ges des deuils de cour de se porter en violet et de ne durer que trois semaines.
Ce qui rendait le souper si gai, c'est que tout le monde ��tait persuad��, comme le roi et d'apr��s le roi, qu'�� l'heure qu'il ��tait, le canon qu'on avait entendu annon?ait la d��faite des Fran?ais; ceux qui n'��taient pas aussi convaincus ou du moins ceux qui ��taient plus inquiets que les autres faisaient un effort et mettaient leur physionomie au niveau des visages les plus riants.
Nelson seul, malgr�� les flamboyantes effluves dont l'inondait le regard d'Emma Lyonna, paraissait pr��occup�� et ne se m��lait point au choeur d'esp��rance universelle dont on caressait la haine et l'orgueil de la reine. Caroline finit par remarquer cette pr��occupation du vainqueur d'Aboukir, et, comme elle ne pouvait pas l'attribuer aux rigueurs d'Emma, elle finit par s'enqu��rir pr��s de lui-m��me des causes de son silence et de son manque d'abandon.
--Votre Majest�� d��sire savoir quelles sont les pens��es qui me pr��occupent, demanda Nelson; eh bien, d?t ma franchise d��plaire �� la reine, je lui dirai en brutal marin que je suis: Votre Majest��, je suis inquiet.
--Inquiet! et pourquoi, milord?
--Parce que je le suis toujours quand on tire le canon.
--Milord, dit la reine, il me semble que vous oubliez pour quelle part vous ��tes dans ce canon que l'on tire.
--Justement, madame, et c'est parce que je me rappelle la lettre �� laquelle vous faites allusion que mon inqui��tude est double; car, s'il arrivait quelque malheur �� Votre Majest��, cette inqui��tude se changerait en remords.
--Pourquoi l'avez-vous ��crite, alors? demanda la reine.
--Parce que vous m'aviez affirm��, madame, que votre gendre Sa Majest�� l'empereur d'Autriche se mettrait en campagne en m��me temps que vous.
--Et qui vous dit, milord, qu'il ne s'y est pas mis ou ne va pas s'y mettre?
--S'il y ��tait, madame, nous en saurions quelque chose; un C��sar allemand ne se met point en marche avec une arm��e de deux cent mille hommes, sans que la terre tremble quelque peu; et, s'il n'y est pas �� cette heure, c'est qu'il ne s'y mettra pas avant le mois d'avril.
--Mais, demanda Emma, n'a-t-il point ��crit au roi d'entrer en campagne, assurant que, quand le roi serait �� Rome, il s'y mettrait �� son tour?
--Oui, je le crois, balbutia la reine.
--Avez-vous vu de vos yeux la lettre, madame? demanda Nelson fixant son oeil gris sur la reine, comme si elle ��tait une simple femme.
--Non; mais le roi l'a dit �� M. Acton, dit la reine en balbutiant. Au reste, en supposant que nous nous fussions tromp��s, ou que l'empereur d'Autriche nous e?t tromp��s, faudrait-il donc d��sesp��rer pour cela?
--Je ne dis pas pr��cis��ment qu'il faudrait d��sesp��rer; mais j'aurais bien peur que l'arm��e napolitaine seule ne f?t pas de force �� soutenir le choc des Fran?ais.
--Comment! vous croyez que les dix mille Fran?ais de M. Championnet peuvent vaincre soixante mille Napolitains command��s par le g��n��ral Mack, qui passe pour le premier strat��giste de l'Europe?
--Je dis, madame, que toute bataille est douteuse, que le sort de Naples d��pend de celle qui s'est livr��e hier, je dis enfin que si, par malheur, Mack ��tait battu, dans quinze jours les Fran?ais seraient �� Naples.
--Oh! mon Dieu! que dites-vous l��? murmura madame Ad��la?de en palissant. Comment! nous aurions encore besoin de reprendre nos manteaux de p��lerines? Entendez-vous ce que dit milord Nelson ma soeur?
--Je l'entends, r��pondit madame Victoire avec un soupir de r��signation; mais je remets notre cause aux mains du Seigneur.
--Aux mains du Seigneur! aux mains du Seigneur! c'est tr��s-bien dit, religieusement parlant; mais il para?t que le Seigneur a dans les mains tant de causes dans le genre de la n?tre, qu'il n'a pas le temps de s'en occuper.
--Milord, dit la reine �� Nelson, aux paroles duquel elle attachait plus d'importance qu'elle ne voulait en avoir l'air, vous estimez donc bien peu nos soldats, que vous pensez qu'ils ne puissent vaincre six contre un les r��publicains, que vous attaquez, vous, avec vos Anglais, �� forces ��gales et souvent inf��rieures?
--Sur mer, oui, madame, parce que la mer, c'est notre ��l��ment, �� nous autres Anglais. Na?tre dans une ?le, c'est na?tre dans un vaisseau �� l'ancre. Sur mer, je le dis hardiment, un marin anglais vaut deux marins fran?ais; mais, sur terre, c'est autre chose: ce que les Anglais sont sur mer, les Fran?ais le sont sur terre, madame. Dieu sait si je hais les Fran?ais: Dieu sait si je leur ai vou�� une guerre d'extermination! Dieu sait enfin si je voudrais que tout ce qui reste de cette nation impie, qui renie son Dieu et qui coupe la t��te �� ses souverains, f?t dans un vaisseau, et tenir, avec le pauvre Van-Guard, tout mutil�� qu'il
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 76
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.