le port militaire, et, sous la double pression des rames et de la voile, s'avan?ait majestueusement vers la haute mer, suivie de dix ou douze barques plus petites, mais presque aussi magnifiquement ornées que leur capitane, laquelle e?t pu le disputer en richesse au Bucentaure, menant le doge épouser l'Adriatique.
Cette galère était commandée par un officier de quarante-six à quarante-sept ans, vêtu du riche uniforme d'amiral de la marine napolitaine; son visage male, d'une beauté sévère et impérative, était halé tout à la fois par le soleil et par le vent; quoiqu'il e?t la tête découverte en signe de respect, il portait haut son front, chargé de cheveux grisonnants à travers lesquels on devinait qu'avait d? passer plus d'une fois le souffle aigu de la tempête, et l'on comprenait à la première vue que c'était à lui, quels que fussent les illustres personnages qu'il portait à son bord, que le commandement était départi; le porte-voix de vermeil suspendu à sa main droite e?t été le signe visible de ce commandement, si la nature n'e?t pris soin d'imprimer ce signe d'une fa?on bien autrement indélébile dans l'éclair de ses yeux et dans l'accent de sa voix.
Il s'appelait Fran?ois Caracciolo et appartenait à cette antique famille des princes Caraccioli, accoutumés d'être les ambassadeurs des rois et les amants des reines.
Il se tenait debout sur son banc de quart, comme il e?t fait un jour de combat.
Tout le tillac de la galère était recouvert par une tente de pourpre, blasonnée des armes des Deux-Siciles et destinée à garantir du soleil les augustes passagers qu'elle abritait.
Ces passagers formaient trois groupes, de pose et d'aspect différents.
Le premier de ces groupes, le plus considérable de tous, se composait de cinq hommes, occupant le centre du batiment, et dont trois débordaient de la tente sur le pont; des rubans de toutes couleurs soutenaient à leur cou des croix de tous les pays, et leurs poitrines, chamarrées de plaques, étaient sillonnées de cordons. Deux d'entre eux portaient, comme marques distinctives de leur rang, des clefs d'or aux boutons de taille de leur habit; ce qui signifiait qu'ils avaient l'honneur d'être chambellans.
Le personnage principal de ce groupe était un homme de quarante-sept ans, grand et mince, quoique charpenté vigoureusement. L'habitude de se pencher pour écouter ceux qui lui parlaient lui avait légèrement courbé la taille en avant. Malgré le costume couvert de broderies d'or dont il était revêtu, malgré les ordres en diamants qui étincelaient sur son habit, malgré le titre de majesté qui revenait à chaque instant à la bouche de ceux qui lui adressaient la parole, son aspect était vulgaire, et aucun de ses traits, en les détaillant, ne révélait la dignité royale. Il avait les pieds gros, les mains larges, les attaches des chevilles et des poignets sans finesse; un front déprimé qui révélait l'absence des sentiments élevés, un menton fuyant, accusant un caractère faible et irrésolu, faisaient encore ressortir un nez démesurément gros et long, signe de basse luxure et d'instincts grossiers; l'oeil seul était vif et railleur, mais faux presque toujours, cruel quelquefois.
Ce personnage était Ferdinand IV, fils de Charles III, par la grace de Dieu roi des Deux-Siciles, et de Jérusalem, infant d'Espagne, duc de Parme, Plaisance et Castro, grand prince héréditaire de Toscane, que les lazzaroni de Naples appelaient plus simplement, et sans tant de titres et de fa?ons, le roi Nasone.
Celui avec lequel il s'entretenait le plus particulièrement, et qui était le plus simplement vêtu de tous, quoiqu'il portat l'habit brodé des diplomates, était un vieillard de soixante-neuf ans, petit de taille, avec des cheveux rares, blancs et rejetés en arrière. Il avait cette figure étroite que les gens du peuple appellent si caractéristiquement une figure en lame de couteau, le nez et le menton pointus, la bouche rentrante, l'oeil investigateur, clair et intelligent; ses mains, dont il paraissait prendre un soin extrême et sur lesquelles retombaient des manchettes de magnifique dentelle d'Angleterre, étaient chargées de bagues dont l'or enchassait des camées antiques et précieux; il portait deux ordres seulement, la plaque de Saint-Janvier et le cordon rouge du Bain avec sa médaille d'or étoilée, où l'on voit un sceptre entre une rose et un chardon, au milieu de trois couronnes impériales.
Celui-là, c'était sir William Hamilton, frère de lait du roi George III, et depuis trente-cinq ans ambassadeur de la Grande-Bretagne près la cour des Deux-Siciles.
Les trois autres étaient le marquis Malaspina, aide de camp du roi; l'Irlandais Jean Acton, son premier ministre, et le duc d'Ascoli, son chambellan et son ami.
Le second groupe, qui semblait un tableau peint par Angelica Kauffmann, se composait de deux femmes auxquelles, même dans l'ignorance de leur rang et de leur célébrité, il e?t été impossible à l'observateur le plus indifférent de ne pas donner une attention particulière.
La plus agée de ces femmes, quoique ayant
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.