La San-Felice, Tome I | Page 5

Alexandre Dumas, père
père et fils_.
?Cela fait, mon intention est de nommer une commission extraordinaire de quelques hommes s?rs et choisis qui jugeront militairement les principaux criminels parmi ceux qui seront arrêtés, _et avec toute la rigueur des lois_.
?Ceux qui seront jugés moins coupables seront économiquement déportés hors de mes domaines pendant toute leur vie, et leurs biens seront confisqués.
?Et, à ce propos, je dois vous dire que j'ai trouvé très-sensé ce que vous observez, quant à la déportation; mais, tout inconvénient mis de c?té, je trouve qu'il vaut mieux se défaire de ces vipères que de les garder chez soi. Si j'avais une ?le à moi, très éloignée de mes domaines du continent, j'adopterais volontiers votre système de les y reléguer; mais la proximité de mes ?les des deux royaumes rendrait possible quelques conspirations que ces gens-là trameraient avec les scélérats et les mécontents que l'on ne serait pas parvenu à extirper de mes états. D'ailleurs, les revers considérables que, grace à Dieu, les Fran?ais ont subis, et que, je l'espère, ils devront subir encore, mettront les déportés dans l'impossibilité de nous nuire. Il faudra cependant bien réfléchir au lieu de la déportation et à la manière avec laquelle on pourra l'effectuer sans danger: c'est ce dont je m'occupe actuellement.
?Quant à la commission qui doit juger tous ces coupables, à peine aurai-je Naples en main, que j'y songerai sans faute, en comptant expédier cette commission de cette ville-ci à la capitale. Quant aux provinces et aux endroits où vous êtes, de Fiore peut continuer, si vous en êtes content. En outre, parmi les avocats provinciaux et royaux des gouvernements qui n'ont point pactisé avec les républicains, qui sont attachés à la couronne et qui ont de l'intelligence, on peut en choisir un certain nombre et leur accorder tous les pouvoirs extraordinaires et sans appel, ne voulant pas que des magistrats, soit de la capitale, soit des provinces, qui auraient servi sous la république, y eussent-ils été, comme je l'espère, poussés par une irrésistible nécessité, jugent des tra?tres au rang desquels je les place.
?Et pour ceux qui ne sont pas compris dans les catégories que je vous ai indiquées et que je me réserve, je vous laisse la liberté de faire procéder à leur prompt et exemplaire chatiment, avec toute la sévérité des lois, lorsque vous trouverez qu'ils sont les véritables et principaux criminels et que vous croirez ce chatiment nécessaire.
?Quant aux magistrats des tribunaux de la capitale, lorsqu'ils n'auront pas accepté des commissions particulières des Fran?ais et de la république, et qu'ils n'auront fait que remplir leurs fonctions, de rendre la justice dans les tribunaux où ils siégeaient, ils ne seront pas poursuivis.
?Ce sont là, pour le moment, toutes les dispositions que je vous charge de faire exécuter de la manière que vous jugerez convenable et dans les lieux où il y aura possibilité.
?A peine aurai-je reconquis Naples, que je me réserve de faire quelques nouvelles adjonctions que les événements et les connaissances que j'acquerrai pourront déterminer. _Après quoi, mon intention est de suivre mes devoirs de bon chrétien et de père aimant ses peuples, d'oublier entièrement le passé, et d'accorder à tous un pardon général et entier qui puisse leur assurer l'oubli de leurs fautes passées, que je défendrai de rechercher plus longtemps, me flattant que ces fautes ont été causées, non par un esprit corrompu, mais par la crainte et la pusillanimité._
?Mais n'oubliez point cependant qu'il faut que les charges publiques soient données dans les provinces à des personnes qui se sont toujours bien comportées envers la couronne, et, par conséquent, qui n'ont jamais changé de parti, parce que, de cette manière seulement, nous pourrons être s?rs de conserver ce que nous avons reconquis.
?Je prie le Seigneur qu'il vous conserve pour le bien de mon service et pour pouvoir vous exprimer en tout lieu ma vraie et sincère reconnaissance.
?Croyez-moi toujours, en attendant,
?Votre affectionné. ?FERDINAND-L. B.?
Maintenant, nous avons ajouté qu'une des personnalités incroyables, presque impossibles, que nous avons introduites dans notre livre afin que Naples, dans ses jours de révolution, appar?t à nos lecteurs sous son véritable aspect, c'est, à l'autre extrémité de l'échelle sociale, cette espèce de monstre, moitié tigre, moitié gorille, nommé Gaetano Mammone.
Un seul auteur en parle comme l'ayant connu personnellement: Cuoco. Les autres ne font que reproduire ce que Cuoco en dit:
?Mammone Gaetano, d'abord meunier, ensuite général en chef des insurgés de Sora, fut un monstre sanguinaire à la barbarie duquel il est impossible de rien comparer. En deux mois de temps, dans une petite étendue de pays, il fit fusiller trois cent cinquante malheureux, sans compter à peu près le double qui furent tués par ses satellites. Je ne parle pas des massacres, des violences, des incendies; je ne parle pas des fosses horribles où il jetait les malheureux qui tombaient entre ses mains, ni des
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