La San-Felice, Tome 8 | Page 5

Alexandre Dumas, père
d'autres hommes portant des cuisses et des bras.
Ces hideux troph��es de chair s'avan?aient au milieu des cris de ?Vive le roi! vive la religion!?
Salvato s'informa de ce que signifiait la sinistre procession et apprit qu'�� la suite de la proclamation de fra Pacifico, des cordes ayant ��t�� trouv��es dans la cave d'un boucher, le pauvre diable, au milieu des cris ?Voil�� les lacets qui devaient nous pendre!? avait ��t�� ��gorg�� �� petits coups, puis d��pec�� en morceaux. Son torse, d��chir�� en vingt parties, avait ��t�� pendu aux crochets de la boutique, tandis que sa t��te, couronn��e de cordes, ��tait, avec ses bras et ses cuisses, port��e par la ville.
Il se nommait Cristoforo; c'��tait le m��me qui avait procur�� �� Michele une pi��ce de monnaie russe.
Quant �� son assassin, que Salvato ne reconnut point au visage, mais qu'il reconnut au nom, c'��tait ce m��me becca?o qui l'avait attaqu��, lui sixi��me, sous les ordres de Pasquale de Simone, dans la nuit du 22 au 23 septembre, et �� qui il avait fendu l'oeil d'un coup de sabre.
A cette explication, que lui donna un bourgeois qui, ayant entendu tout ce bruit, s'��tait hasard�� sur le pas de sa porte, Salvato n'y put tenir. Il mit le sabre �� la main et s'��lan?a sur cette bande de cannibales.
Le premier mouvement des lazzaroni fut de prendre la fuite; mais, voyant qu'ils ��taient cent et que Salvato ��tait seul, la honte les gagna, et ils revinrent mena?ants sur le jeune officier. Trois ou quatre coups de sabre bien appliqu��s ��cart��rent les plus hardis, et Salvato se serait encore tir�� de cette mauvaise affaire si les cris des bless��s et surtout les vocif��rations du becca?o n'eussent donn�� l'��veil �� la troupe qui accompagnait fra Pacifico, et qui, en l'accompagnant, fouillait les maisons d��sign��es.
Une trentaine d'hommes se d��tach��rent et vinrent pr��ter main-forte �� la bande du becca?o.
Alors, on vit ce spectacle singulier d'un seul homme se d��fendant contre soixante, par bonheur, mal arm��s, et faisant bondir son cheval au milieu d'eux comme si son cheval e?t eu des ailes. Dix fois, une voie lui fut ouverte et il e?t pu fuir, soit par la strada de l'Orticello, soit par la grotta della Marsa, soit par le vico dei Ruffi; mais il semblait ne pas vouloir quitter la partie, ��videmment si mauvaise pour lui, tant qu'il n'aurait pas atteint et puni le mis��rable chef de cette bande d'assassins. Mais, plus libre que lui de ses mouvements, parce qu'il ��tait au milieu de la foule, le becca?o lui ��chappait sans cesse, glissant, pour ainsi dire, entre ses mains comme l'anguille entre les mains du p��cheur. Tout �� coup, Salvato se souvint des pistolets qu'il avait dans ses fontes. Il passa son sabre dans sa main gauche, tira son pistolet de sa fonte et l'arma. Par malheur, pour viser s?rement, il fut oblig�� d'arr��ter son cheval. Au moment o�� Salvato touchait du doigt la gachette, son cheval s'affaissa tout �� coup sous lui; un lazzarone, qui s'��tait gliss�� entre les jambes de l'animal, lui avait coup�� le jarret.
Le coup de pistolet partit en l'air.
Cette fois, Salvato n'eut pas le temps de se relever ni de chercher son autre pistolet dans son autre fonte: dix lazzaroni se ru��rent sur lui, cinquante couteaux le menac��rent.
Mais un homme se jeta au milieu de ceux qui allaient le poignarder, en criant:
--Vivant! vivant!
Le becca?o, en voyant l'acharnement de Salvato �� le poursuivre, l'avait reconnu et avait compris qu'il ��tait reconnu lui-m��me. Or, il estimait assez le courage du jeune homme pour savoir avec quelle indiff��rence il recevrait la mort en combattant.
Ce n'��tait donc pas cette mort-l�� qu'il lui r��servait.
--Et pourquoi vivant? r��pondirent vingt voix.
--Parce que c'est un Fran?ais, parce que c'est l'aide de camp du g��n��ral Championnet, parce que c'est celui, enfin, qui m'a donn�� ce coup de sabre!
Et il montrait la terrible balafre qui lui sillonnait le visage.
--Eh bien, qu'en veux-tu faire?
--Je veux me venger, donc! cria le becca?o; je veux le faire mourir �� petit feu! je veux le hacher comme chair �� pat��! je veux le r?tir! je veux le pendre!
Mais, comme il crachait, pour ainsi dire, toutes ces menaces au visage de Salvato, celui-ci, sans daigner lui r��pondre, par un effort surhumain, rejeta loin de lui les cinq ou six hommes qui pesaient sur ses bras et sur ses ��paules, et, se relevant de toute sa hauteur, fit tournoyer son sabre au-dessus de sa t��te, et, d'un coup de taille qu'e?t envi�� Roland, il lui e?t fendu la t��te jusqu'aux ��paules si le becca?o n'e?t par�� le coup avec le fusil �� la ba?onnette duquel ��tait embroch��e la t��te du malheureux boucher.
Si Salvato avait la force de Roland, son sabre, par malheur, n'avait point la trempe de Durandal: la lame, en rencontrant le canon du fusil, se brisa comme du verre. Mais,
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