le jour.
-- Que f?tes-vous?
La jeune femme mordit ses l��vres avec rage.
--Ah! je n'eus pas une seconde d'h��sitation, Monsieur, je le jure, r��pondit-elle; quand je m'aper?us que le bonheur r��v�� s'��tait effondr��, que je n'avais plus rien �� esp��rer du mis��rable qui m'avait si indignement tromp��e, il se fit en moi une r��volution soudaine, inattendue... Le m��pris rempla?a l'amour presque instantan��ment, et �� la place de l'amant disparu, je ne vis plus que l'enfant qui n'avait pas demand�� �� na?tre et �� laquelle je r��solus de consacrer ma vie tout enti��re!...
-- Voil�� qui ��tait bien.
-- Sans doute, et Dieu m'est t��moin que je l'eusse fait comme je l'avais r��solu; seulement, j'avais compt�� sans mon p��re!...
-- Comment?
-- Depuis quelques jours il ��tait de retour; il avait demand�� �� quitter la marine pour entrer dans le service des arsenaux. Il ignorait ma honte; mais quelqu'un se chargea de l'en instruire, et alors...
-- Qu'arriva-t-il?
-- Une nuit... j'��tais seule... mon enfant dormait pr��s de moi, je travaillais avec acharnement pour gagner le pain de chaque jour... et, en m��me temps, pour amasser la petite somme qui devait me permettre de fuir et de me d��rober �� la col��re de mon p��re; j'��tais presque heureuse �� cette perspective de me retrancher du monde, ne pouvant croire qu'aucun obstacle p?t m'emp��cher de mettre mon projet �� ex��cution, quand tout �� coup la porte de ma chambre s'ouvrit brusquement, et deux hommes en franchirent le seuil.
-- Quels ��taient ces hommes?
-- L'un ��tait mon p��re... l'autre un de ses anciens camarades, que j'avais d��j�� vu une fois ou deux et qui commandait le cutter de l'��tat qui fait le service de la c?te. Je me levai, le coeur glac��, avec une subite appr��hension du danger, et je me pr��cipitai vers le berceau, pour d��fendre mon enfant, que je croyais surtout menac��e! Mais mon p��re me prit brutalement par le bras, et, pendant qu'il me nouait un baillon sur la bouche, son compagnon me garrottait ��nergiquement, de fa?on �� rendre tout cri et tout mouvement impossibles.
Quelques heures plus tard le cutter de l'��tat me d��posait au pied du phare o�� je p��n��trais pour n'en plus sortir!...
-- Mais votre enfant?...
-- Je n'en ai pas eu de nouvelles.
-- Quoi! votre p��re ne vous a pas dit...
-- Pendant dix ann��es, Monsieur, nous avons v��cu ici, l'un pr��s de l'autre, sans ��changer une parole. J'ai pleur��, j'ai suppli��, j'ai menac��. Cent fois, sous ses yeux, j'ai fait le mouvement de me pr��cipiter sur les rochers du phare, et il est rest�� muet, plus terrible que s'il m'e?t accabl��e de reproches ou tu��e de sa main vengeresse.
-- C'est terrible.
-- N'est-ce pas?...
-- Et pendant ces dix ans, il ne s'est produit aucun incident?
-- Aucun.
-- Personne n'a abord�� le phare?
-- Personne.
Il y eut un nouveau et long silence.
Gaston ��tait fort troubl�� par le r��cit qu'il venait d'entendre, et une supr��me piti�� s'��levait de son coeur �� la pens��e des tortures que la malheureuse avait d? souffrir.
Elle avait ��t�� coupable, sans doute!... Mais comment excuser le raffinement que l'on avait d��ploy�� dans le chatiment.
Il lui prit la main, et la serra avec int��r��t.
Le sentiment qu'il ��prouvait ��tait, il faut le dire, d'une nature exceptionnelle.
La jeune femme avait d? ��tre fort belle, ainsi qu'elle l'avait dit elle-m��me, mais le chagrin avait profond��ment alt��r�� ses traits, et elle ne conservait que de rares vestiges de sa beaut�� d'autrefois.
L'oeil seul avait encore tout son ��clat et toute sa vivacit��, et il s'en ��chappait par instants des effluves ardentes dont on subissait malgr�� soi l'impression p��n��trante et forte.
-- Dieu a eu piti�� de votre situation lamentable, dit enfin Gaston; la libert�� qui va vous ��tre rendue vous permettra de vous livrer �� des recherches qui vous ont ��t�� interdites jusqu'�� ce jour.
-- J'essaierai, en effet, r��pondit la jeune femme en remuant tristement la t��te.
-- Au moins, votre p��re vous laisse-t-il quelque aisance?
Un double ��clair s'alluma �� cette question dans les yeux de la fille du capitaine d'armes, et un sourire d'une expression myst��rieuse releva le coin de sa l��vre.
-- Sous ce rapport, dit-elle d'un ton ironique, le hasard aura d��jou�� les calculs de mon bourreau.
-- Comment cela?
-- Au moment o�� il vint habiter le phare, mon p��re avait r��alis�� presque toute sa fortune, qui consistait en vingt mille dollars environ... Je savais qu'il avait cach�� cette somme dans une des nombreuses caches que rec��lent les murs ��pais de la tour, et pendant deux ann��es, sans lui donner le soup?on de mes pr��occupations, j'usai de mille stratag��mes pour d��couvrir l'endroit o�� il avait enfoui son tr��sor. Il y a huit jours seulement, et comme sa fin approchait, que je parvins enfin �� mon but.
-- Et vous avez cette somme?
-- Il y avait �� peine dix minutes qu'il avait cess�� de vivre, qu'elle ��tait en ma possession.
Gaston baissa le front sans r��pondre.
D��cid��ment, tout ce
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