La Recluse | Page 6

Pierre Zaccone
passer dans le phare.
Il donna quelques ordres �� ses hommes, et revint vers la jeune femme.
Elle l'attendait et l'invita du geste �� se rasseoir; ce qu'il fit.
Puis, quand elle vit qu'il ��tait dispos�� �� l'��couter, elle s'assit �� son tour et reprit la parole.
-- Je m'appelle Fanny Stevenson, et j'aurai vingt-huit ans dans quelques mois, dit-elle d'un ton ferme; ainsi que je vous l'ai dit, mon p��re ��tait capitaine d'armes, et naviguait souvent. J'avais perdu ma m��re avant que j'eusse pu la conna?tre, et j'avais ��t�� recueillie dans une famille catholique o�� je re?us une ��ducation compl��te dont je profitai de mon mieux.
Quoique bien jeune encore, j'avais compris que je ne devais rien attendre de l'homme qui m'avait donn�� le jour. Mon p��re ��tait un marin grossier, imbu de pr��jug��s enracin��s, dont le coeur est toujours rest�� ferm�� �� toutes les d��licatesses, �� toutes les aspirations d'une nature comme la mienne!
C'est �� peine, si au retour de longs voyages, il consentait parfois �� se rappeler qu'il avait une fille.
Je v��cus donc seule, livr��e �� moi-m��me, presque sans contr?le, et expos��e �� des dangers dont je n'avais pas appris �� d��m��ler la gravit��. C'est ainsi que j'atteignis ma quinzi��me ann��e! Je m'��tais d��velopp��e tr��s rapidement; j'��tais grande et forte; on m'a dit souvent alors que j'��tais belle, et je ne cacherai pas que le sentiment de cette beaut�� exceptionnelle m'avait communiqu�� une ambition fort au-dessus de ma condition. Ce fut mon malheur.
Dans la famille qui m'avait recueillie et qui ��tait fran?aise, on recevait de loin en loin quelques jeunes gens qui venaient en Am��rique chercher fortune ou courir les aventures.
C'��tait l�� des distractions auxquelles je ne pouvais me montrer indiff��rente, et il m'arriva bien souvent ��, cette ��poque, de me laisser aller �� des relations qui, sans d��passer les limites des plus rigoureuses convenances, n'��taient pas toujours d'une correction exempte de reproches.
J'��tais vive, j'aimais le plaisir, et je ne tenais pas toujours assez de compte des observations bienveillantes que l'on m'adressait.
Pour tout dire, je commen?ais �� supporter impatiemment les remontrances dont j'��tais l'objet, et plus d'une fois, je fus sur le point de rompre brusquement avec mes h?tes, pour essayer d'une vie dont la s��duction avait profond��ment ��branl�� les honn��tes r��solutions auxquelles je voulais rester attach��e.
Les choses en ��taient �� ce point, quand il arriva dans la ville que nous habitions un ��tranger qui, d��s le premier jour, parut devoir prendre un grand empire sur moi.
C'��tait un homme d'une trentaine d'ann��es environ, d'un ext��rieur charmant, de tournure aristocratique, et qui manifestement ��tait bien sup��rieur �� tous les jeunes gens que j'avais rencontr��s jusqu'alors.
Il s'appelait le comte de Simier, arrivait de Paris, et se rendait dans l'Am��rique du Sud, o�� il allait, disait-il, diriger une importante exploitation.
�� vrai dire, je ne m'int��ressai que m��diocrement �� ce que le comte avait fait, non plus qu'�� l'avenir qu'il r��vait.
Je ne vis que lui... et dans la situation o�� je me trouvais, sa pr��sence exer?a tout de suite une profonde impression sur mon esprit et sur mon coeur.
Je n'avais jamais aim�� encore, et il ne lui fut pas difficile de s'apercevoir que je l'aimais...
D'ailleurs, je ne cherchais �� rien cacher de ce qui se passait en moi... J'avais remarqu��, de mon c?t��, que le comte ��tait empress�� et ��mu chaque fois qu'il me parlait, et il y a dans l'amour que l'on ��prouve ou dans celui que l'on inspire, un rayonnement dont on tenterait en vain d'att��nuer l'��clat.
Un mois s'��tait �� peine ��coul��, que j'��tais sa ma?tresse!
La jeune femme suspendit un moment son r��cit et prit sa t��te dans ses mains, comme pour ne pas voir l'expression presque douloureuse qui vint se refl��ter dans les yeux de Gaston de Pradelle.
-- Ah! je vous dis tout! poursuivit-elle d'un ton nerveux et contenu; je n'avais pas m��me demand�� au comte ce qu'il comptait faire de moi; je m'��tais donn��e sans condition, sans r��flexion, m'en remettant �� lui du soin de sauver mon honneur, si tant est qu'il dut y penser jamais! Vous le voyez, Monsieur, la chute ��tait compl��te... Et la seule chance de r��habilitation possible consistait en un semblant de mariage contract�� un soir, sans t��moins, dans quelque municipalit�� obscure, dont j'ai �� peine conserv�� le nom! Que valait cette c��r��monie? Rien, sans doute! Et que m'importait, d'ailleurs! Le r��ve fut de si courte dur��e, que c'est �� peine si, depuis dix ans, il m'en reste quelque souvenir au coeur. J'avais ��t�� heureuse plusieurs mois... Je m'��tais endormie dans un amour que je croyais ��ternel, et je ne me rappelle plus, �� cette heure, que le r��veil terrible qui m'arracha �� mon ivresse et me pla?a brutalement en pr��sence de la plus horrible des r��alit��s...
-- Pauvre femme! balbutia Gaston, ��mu.
-- Le comte avait disparu... et je restais seule avec l'enfant �� laquelle je venais de donner
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