La Recluse | Page 5

Pierre Zaccone
�� ses c?t��s.
-- Je comprends ce que vous avez d? souffrir, dit-il alors en cherchant �� l'��loigner de ce triste tableau. Y a-t-il longtemps que votre p��re ��tait malade?
-- Mon p��re est un ancien capitaine d'armes de la marine am��ricaine, Monsieur, r��pondit la jeune femme; pendant de longues ann��es, il ne s'est ressenti d'aucun malaise; mais le s��jour de ce phare lui a ��t�� fatal.
-- Son service ne devait pas ��tre bien p��nible?
-- Non, sans doute... Mais songez quelle a d? ��tre sa vie, depuis dix ans qu'il n'est pas descendu �� terre.
Gaston fit un mouvement et eut un geste ��tonn��.
-- Dix ans, dites-vous! s'��cria-t-il; il y a dix ans que votre p��re habite ici?
-- Oui, Monsieur.
-- Je croyais que les gardiens ne devaient, �� l'��tat qu'un service intermittent.
-- Cela est vrai, mais mon p��re avait demand�� et obtenu la faveur de ne pas quitter le phare.
-- Voil�� une singuli��re vocation.
-- Oh! il ne s'agit pas de vocation, Monsieur, r��partit vivement la jeune femme d'un ton amer; car ce n'est pas le m��tier de gardien qu'il remplissait, mais bien celui de ge?lier.
-- De ge?lier! fit Gaston. Et quel prisonnier pouvait-il garder dans cette tour?
-- Sa fille, Monsieur...
Cette fois, le commandant se leva de son si��ge, en proie �� un sentiment dont il ne put dissimuler la vivacit��, et c'est avec une sorte d'int��r��t douloureux qu'il se prit �� regarder la jeune femme.
-- Ainsi, dit-il, sans cesser de l'observer, voil�� dix ann��es que, vous-m��me, vous ��tes enferm��e dans ce phare?
-- Oui, Monsieur.
-- Vous ne l'avez jamais quitt��?
-- Jamais!
-- Et c'est contre votre gr�� que l'on vous a...
-- Sur l'ame de ma m��re, sur la t��te de mon enfant, oui. Monsieur!... J'ai ��t�� jet��e ici de force, la nuit du 20 mars 1841, garrott��e et baillonn��e, comme une voleuse ou une fille perdue... et depuis dix ann��es... dix ann��es, vous entendez bien!, ... j'ai v��cu entre ces murailles ��paisses, avec ce m��me horizon implacable de granit et de bronze, sans un jour de r��pit, sans une heure, une seconde d'espoir... Ce que j'ai pleur��, ce que j'ai pri��... un seul homme le sait... il est l��, c'est mon p��re!... il a ��t�� impitoyable... Ah! Dieu m'est t��moin que je ne d��sirais pas sa mort! Vingt fois, au contraire, la pens��e m'est venue de me pr��cipiter du haut de la lanterne, et d'aller me briser le crane contre les rochers que la mer d��couvre �� mar��e basse... mais quoi, j'ai recul��... j'avais dans la vie un devoir sacr�� �� remplir... Il y a quelque part un ��tre qui a peut-��tre besoin de moi et qui m'attend! et cela m'a arr��t��e.
La jeune femme avait prononc�� ces paroles d'un accent incisif et mordant, le sein gonfl��, les ongles enfonc��s dans les dentelles de sa fanchon.
Sur les derniers mots, elle parut se troubler. Une lueur sombre sillonna son regard, ses sourcils se contract��rent.
-- Et puis, ajouta-t-elle en baissant la voix, cela ne pouvait durer toujours, n'est-ce pas? Il y a une loi de nature �� laquelle toute cr��ature humaine est fatalement soumise, et je savais bien qu'un jour la mort interviendrait! Mon p��re ��tait d��j�� bien ag�� quand il vint ici, et je n'avais qu'�� attendre.
-- Malheureuse! interrompit vivement Gaston! Ah! ne parlez pas ainsi, ne vous abandonnez pas de la sorte; je ne veux voir dans cette exaltation que l'effet de l'��motion cruelle...
La jeune femme fit entendre un ricanement qui amena un frisson �� la peau de Gaston de Pradelle et lui communiqua un moment l'id��e qu'elle pouvait bien ��tre atteinte de folie.
La vie qu'elle avait men��e depuis dix ann��es, l'isolement, le chagrin, mille autres causes myst��rieuses avaient pu ��branler son cerveau, et il n'��tait pas impossible que sa raison e?t subi une secousse fatale.
Mais il ne garda pas longtemps cette illusion; la jeune femme s'��tait probablement dout�� de ce qui se passait en lui, elle venait de se rapprocher, et droite, calme, l'oeil limpide et clair, elle s'��tait prise �� sourire d'un air �� la fois ironique et doux.
-- Non! non!... dit-elle d'un ton bien pos��, je ne suis pas folle, quoique l'on ait tout fait pour que je le devinsse; et tenez, ��coutez-moi, Monsieur: je n'ai aucune raison de vous cacher qui je suis, ni ce que je suis: de plus, j'aurai tout �� l'heure �� r��clamer de vous un service que vous h��siteriez �� rendre �� une insens��e. Pr��tez-moi donc, je vous prie, quelques minutes d'attention, et je vous dirai, comme si je parlais �� Dieu m��me, la faute qui est dans mon pass��, et pour laquelle on m'a si durement punie!...
Il y eut un moment de silence. Gaston ��tait all�� �� la meurtri��re et avait jet�� un regard au dehors.
La mar��e commen?ait �� baisser; il ne pouvait plus songer �� retourner �� bord, et il avait six heures au moins ��
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