à Constantinople l'opposition de la diplomatie
russe au maintien du prince Ferdinand à Sophia. Néanmoins, il n'est pas
probable que l'Allemagne puisse ne pas venir en aide à l'Autriche, si
cette puissance était amenée à s'opposer, par la force, à l'entrée d'un
corps d'armée russe en Bulgarie. MM. Kálnoky et Tisza n'auraient point
fait entendre en automne 1886, au sein des Délégations, un veto aussi
net sans avoir consulté Berlin. M. de Bismarck, en expliquant la
publication du traité d'alliance et dans sa lettre récente au comte
Kálnoky, à propos de la mort de l'empereur Guillaume, a parlé avec
insistance de la communauté d'intérêts qui est la base solide de l'entente
des deux empires. Or, il ne peut ignorer que l'Autriche-Hongrie
considère l'indépendance de la Bulgarie comme un intérêt vital pour
elle. Si le traité d'alliance ne signifie pas que l'Autriche trouverait un
appui, quand elle s'opposerait à une occupation russe de la Bulgarie, ce
traité serait pour elle de nulle valeur, car il n'est pas à prévoir que la
Russie aille envahir les provinces autrichiennes. Si le czar n'a pas mis à
exécution les menaces qu'avait fait entendre le général Kaulbars, c'est
apparemment parce qu'il sait que l'Autriche ne serait pas, en fin de
compte, seule à lui tenir tête.
Comme l'a fait entendre M. Kálnoky, l'Autriche pourrait aussi compter
sur l'Italie et même, en certaine mesure, sur l'Angleterre. Certes, le
gouvernement anglais n'a signé avec les États de la triple alliance aucun
traité et on peut ajouter, je pense, qu'il n'a même pris aucun engagement,
parce que l'opinion publique et le Parlement ne veulent pas que
l'Angleterre prenne à l'avance une position décidée dans les affaires du
continent. Toutefois, plusieurs causes pourraient entraîner l'Angleterre
dans le conflit. D'abord, tous les partis sont favorables à l'indépendance
de la Bulgarie et opposés par conséquent à une intervention russe. M.
Gladstone, sur ce point, approuve complètement l'attitude de lord
Salisbury[2]. En second lieu, si les armées russes victorieuses
s'avançaient dans la Péninsule, il est presque certain que la flotte
anglaise entrerait dans la mer Noire pour les arrêter. Enfin, si un choc
doit avoir lieu tôt ou tard entre la Russie et l'Angleterre, il vaut mieux
pour elle combattre le colosse moscovite en Europe que dans les déserts
de l'Asie centrale ou dans les gorges de l'Afghanistan.
[Note 2: Des députés bulgares s'étaient adressés à M. Gladstone pour le
prier «d'élever encore une fois, en faveur de la Bulgarie, sa voix si
puissante, qui a toujours été écoutée avec tant de respect et de
sympathie par la grande nation russe, afin d'éloigner par ses conseils et
sa médiation les graves dangers qui menaçaient leur pays et de sauver
leur liberté et leur indépendance, dont la conquête avait reçu naguère
son noble appui».
M. Gladstone leur répondit par la lettre suivante:
Hawarden Castle, 7 novembre 1886.
Messieurs,
J'ai eu l'honneur de recevoir votre appel, me demandant une déclaration
publique relative aux affaires de la Bulgarie, et vous voulez bien
rappeler ce que j'ai fait pour cette cause il y a maintenant dix ans. Mes
opinions et mes désirs concernant les provinces émancipées ou
autonomes de l'empire ottoman ont été toujours les mêmes. Je
considère les libertés qu'elles ont obtenues du sultan comme devant être
à leur usage et à leur profit et elles ne doivent être ni en tout ni en partie
remises à nul autre. Ce fut un acte magnanime de la part du précédent
empereur de Russie d'avoir obtenu pour la Bulgarie la liberté soumise à
certaines obligations légitimes; mais si les Bulgares devaient être
réduits en servitude, la noblesse de cet acte viendrait à disparaître. Je
conserve l'espoir que le souverain actuel de la Russie sera fidèle aux
traditions qui méritèrent a son regretté prédécesseur un juste tribut
d'honneur et de gratitude. Je n'ai pas cru devoir élever ma voix en ce
moment, parce que j'ai eu et ai encore la conviction qu'heureusement en
Angleterre il n'y a nulle différence d'opinion à ce sujet, et je n'ai aucune
raison de croire que ce sentiment du Royaume-Uni n'est pas fidèlement
représenté dans les conseils de l'Europe par notre ministre actuel des
affaires étrangères.
J'ai l'honneur d'être, Messieurs, votre très dévoué serviteur.
W.-E. Gladstone.]
Les journaux radicaux anglais ont prétendu récemment que l'Angleterre
pourrait voir sans crainte et même avec avantage pour son commerce
les Russes occuper Constantinople. Cela serait vrai si l'Angleterre se
résignait à perdre les Indes ou du moins le passage par le canal de Suez.
Mais quel homme d'État anglais oserait préconiser semblable politique?
Les Russes établis à Constantinople domineraient l'Asie Mineure et
pourraient sans difficulté envoyer à Suez, par terre, une armée assez
puissante pour rendre vaine toute résistance. Il s'ensuit que l'Angleterre
a un intérêt non moindre que l'Autriche à ne point permettre que la
Bulgarie tombe
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