La Mort amoureuse, poésie | Page 5

Huguette Bertrand

dans mes pensées tropicales
en levant parfois le petit doigt
pour
faire des signes aux passants
sans voir leur image qui me triture l'oeil

comme une plaie
mais je n'oublie pas
que la voix des morts ne porte plus à rire
quand
leurs cancers tuent sèchement les saisons
et je ne ricane plus devant le
calendrier
où les matins n'ont plus de dates
ni de tendresse à
mendier sur le corps des disparus

JOUR CALCINÉ
Au centre de l'errance
mon lit a dû exagérer un rêve
c'était l'autre nuit
une nuit de cuir dans le spasme d'un cri
d'où
personne n'échappe
c'était la nuit
ou peut-être un jour calciné
par les vapeurs d'un
parfum noir
un jour momifié
dans la solitude vicieuse d'un rêve
inachevé
mais cette nuit-là
je n'y étais pas
je veillais le jour dans son mouroir

EXTASE

Sous le poids du soir
une lumière attendrit la couleur
des mots
crispés sur un corps céleste
ses morts exemplaires
et les quotidiens
interminables
en extase devant une poudre d'os
d'une lèvre à l'autre
se propage le désir
pour affoler les gestes du
corps qui attend
gelé
viens prendre un bain dans mes veines

SOUVENIRS FLEURIS
étendus
les morts sont pâles et tristes
comme d'anciens vivants

qui ne font confiance à personne
ils attendent leurs sentences
sans pouvoir sortir du soir
vieux rose
cendré
dans les coulisses
ils frissonnent devant un catalogue usé
que leur
vie a avalé page par page
laissant une floraison de souvenirs
au
seuil de la porte
sans frapper

DANS LE FOUILLIS DES SAISONS
La nuit s'enfuit
sous un orage mental
devant une lune calcinée
par
les amours qui finissent mal
sur les rives trop embrassées

américaines
la nuit s'enfuit
dans le fouillis des saisons
quand les poètes
maquillent de brume leurs hivers
puis transforment la solitude des
autres
en jeu de mots douteux
la nuit s'enfuit
comme une peine d'amour

FOULE ANECDOTIQUE
Des souvenirs furent oubliés derrière le décor
tels de vieux figurants
qui attendent leur tour
des cendres dans la bouche
avec l'envie de
parler du cri
mais le rideau ne s'ouvre pas
devant une foule anecdotique
qui
frémit au coeur des morts
de janvier à décembre
sans applaudir
ils attendent toujours
ces vieux souvenirs gommés au programme

AUTOUR D'UN DÉLIRE
Quand le jour boude
la nuit déplace mes ancêtres dans le champ
voisin
ils rôdent en pointillés
sans savoir s'ils avancent
ou s'ils reculent

ils mijotent dans leurs désirs
ils ne ricanent plus
ils sont là comme
des reflets du soir au matin
ils résistent aux heures
et leurs amours
sont d'acier
leurs yeux gravitent autour d'un délire
ils n'y croient pas

nos fièvres les froissent
ils pincent nos petites morts quotidiennes

pour voir si ça fait mal
leurs images reposent
muettes

JOUR FLANEUR
Un dimanche se faufile à travers les branches
d'une fin d'automne

quand le temps passe près des amants
sans tricher
quand le texte
saisit l'absence
et palpe le monde alentour
affligé par l'insaisissable
beauté d'un secret
ce jour flâneur
promène mes souvenirs
comme un ennui sculpté sur
mesure

JOUR D'OMBRE
Au jour des lessives
les corps délavés ont revêtu une vie immense

qu'un temps complice a déposé
sur mon silence
ils sont venus rêver dans ma demeure
barbouillant de cris mes murs

leurs cernes d'angoisse incrustés
sur mon tapis
laissons les songes à leurs songes
je déménage

SOUS LA CARESSE DES MOTS
Se saluer à travers la voix
à travers l'oeil
pour faire durer le temps

pour dérober l'espace entre nos gestes
et inscrire un pacte
au
registre de nos mémoires
Se reconnaître à travers une parole intense
comme des fous entêtés

et sous la caresse des mots
diluer un peu de soi dans la lumière
diffuse

UN DIMANCHE PROPRE
Menacée par les grands
toujours amers et sans refuge
la peau rieuse
d'un enfant
n appartient à nul parent
elle connaît toutes les langues
elle a le privilège de la métamorphose

des amours subites
l'éclat du coeur tranquille
et des yeux qui
labourent l'univers
entre deux silences
l'atelier du monde entre ses mains
elle conjugue les jours
en
proclamant l'ardeur des belles dames
les prouesses des chevaliers

parmi les odeurs de cuisine
à l'heure du dîner

et quand vient le dimanche
le jardin est propre
très propre
trop
propre
et l'enfant ne rit plus
il enjambe les chaînes des grands
en
espérant que le ciel leur tombe sur la tête

CHAIR D'EMPIRE
Mon ami tranquille
longtemps déjà nous avons traversé la durée
à
travers nos saisons si différentes
à travers nos passions oubliées
sur le coin d'une table
mon ami subtil
aussi vaste qu'un empire
que tes sens ont revêtu de
chair par-dessus la mienne
comme une moisson dressée derrière la
page blanche
mais nos mains peuvent encore ébruiter l'amour
trahir le faux de nos
corps
quand le vrai se rit des interdits

PLUMAGE LUMINEUX
C'était un oiseau
bleu comme un ciel
le plumage lumineux
son
bec soulevant mon coeur
jusqu'à l'entrée du soir
c'était un oiseau
doux comme un enfant
appelant la tendresse

comme un amant sur le sable chaud

TANGAGE
Sous un ciel démesuré
nous partageons le désir
en deux parties
égales
l'une pour détrousser le jour
l'autre pour faire rêver la nuit

derrière un écran de fumée

comme des pierres resplendissantes
tes mots me draguent
frappent
fort sur l'âme
me blessent de leur chant
me respirent jusqu'au cri
je verse alors ma nuit liquide
dans un ciel sans fin
pour faire vibrer
le silence
le jour est fier
le coeur sent bon l'étreinte
et tanguent sur l'écume du
lit
mes tremblements

AU TOURNANT DE LA NUIT
En attendant le
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