La Mort amoureuse, poésie | Page 4

Huguette Bertrand
dos
la lune se baigne toute
nue dans mon lit
à la lueur de mon rêve inachevé
à cause du viol des jours
et la nuit qui pointe du doigt
quand la poussière s'embrase
entre deux insomnies
à cause de l'amour pour la mort
de ceux que j'ai regardés la veille


leurs gestes exilés dans ma gorge
transfusion de grenades
à cause d'une cause qui n'en est pas une
tandis que la lune se baigne
toute seule
dans la buée de leurs yeux
une pierre roule dans la nuit froide
se meut très lentement
et je me
rendors pour reconnaître demain
pareil à tous les autres

MOUVANCE
A l'abri d'une folie qui tourne en rond
je ne parlerai plus de l'amour

mais plutôt de la mer
de ses mouvements salins
et du bleu de mes
peurs
accrochées à la ceinture
sur vos dunes
je marmonne
comme un vieil animal qui rue
sur la
mouvance des villes
quand les jours se tordent
dans les reliefs du
ciel

LABYRINTHE
Pose tes yeux effrayés près du lit marin
surtout ne bouge pas
les
oiseaux te croient mort
noyé dans les sèves de l'enfance
si j'osais
j'emmurerais ton silence
dans le labyrinthe de tes doigts

étreignant la lumière
ordonne
et ma parole contaminera le pays de ma chambre
tapissée
de feuillage
et de plaisirs anciens
sous un ciel voyou

COUP D'OEIL
Sur les avenues américaines
mon âme farouche s'habitue à la

démence
quand il ne reste plus que des restes de peurs
sur le bord
de l'assiette
mais surprends-moi quand même
montre-moi des jeux de soleil
pour délivrer la jouissance
repliée
derrière tes paupières
montre-moi aussi des maisons
muettes à force de quotidien
quand
les amours rustiques
égratignent les corps
oubliés sur la peau de
novembre
montre-moi enfin des lieux sans parlure
quand le soir cherche à nous
mutiler

TOUJOURS TROP
J'ai toujours un soleil dans ma poche
en cas d'extrême nécessité

quand le bonheur fait pitié
quand les matins blanchis par la chaux
tourbillonnent
dans une ville délavée
alors que les rôles font mal

mal à mes gestes
coincés entre deux jours trop courts
trop courts
pour être chantés par l'intime
trop usés par l'écho des autres
trop
lourds pour l'amour
que l'on suspend aux branches de l'aube
trop
discrets pour être répétés par des mots
trop libérés pour la prison

multipliés par une double intensité
mais j'ai la preuve
qu'un arbre peut quand même se reposer
sous ses
feuilles
malgré le nom que l'on donne aux visages

UN AUTRE JOUR
A cause d'une lente noirceur
imprégnée sur vos corps assoupis
j'ai
dû veiller au bord de la page
surveillant un peuple d'images qui

louvoyaient
entre les mots et les cachots
là où le noir ronge le noir

barbouille les mémoires
d'instants inédits
quel étrange bonheur
lorsque hier
une pluie de paroles déferlait

sur vos silences d'autrefois
dilatant les muscles de vos consciences
rugueuses
et pourchassant les loups
jusqu'aux frontières de vos
souvenirs
imaginez demain
quand il faudra balayer les feuilles mortes
les
vieilles pierres crachées par la nuit
et les cendres des promeneurs en
allés
vous chercherez ensuite
des forêts réprimées par le temps
et des
steppes qui murmurent les mots d'argile
à peindre sur la liberté de
l'autre
incitant la flamme de vos bras nus
à reprendre le poème
entamé la veille

REFLET DU RÊVE
Ma nuit devient silence
comme une pierre
quand les aiguilles de
l'horloge grelottent
quand mes secondes vont s'évanouir
dans les
siècles qu'il me semble avoir rêvés
mais il y a toujours une aïeule
qui se promène en moi
brûlant les
feux rouges
aux intersections de ma mémoire
les millénaires m'épuisent
me font penser à un jeu sidéral
et si la terre brille encore
c'est surtout à cause du reflet de la lune
ou
de quelques étoiles perdues
dans le dessin d'une rêveuse isolée
je ne
me sens déjà plus là

SOUS LA HOUSSE DU TEMPS

Perdu au fond des sens
le jour ailé a revêtu ses plus beaux atomes

pour décrire la blancheur du corps
et le spectacle des formes
les mots eurent cependant faim de vibrations
mais sous la housse du
temps
nous n'étions plus que jeux de matière au soleil
des morts
accouplés en orbite
des toupies au tournant des époques
des hauts et
des bas uniques
des curriculum vitae en transe
et des brouillons pris
de vertige

HEURES BLEUES
Si j'ai l'oeil étendu sur la paille
d'un vieux grenier clandestin
c'est
pour voir
pour jouir
pour pouvoir jouir d'une goutte d'eau
petite
larme revêtue de silences
devant le coeur secret des enfants chauves

qui sucent des songes au coin des rues
prise au piège par une voisine imaginaire
(ma plus proche éphémère
jamais rencontrée)
je me demande si la lumière est allumée
ou non
mais je vis quand même
je vis comme une pendule sans avenir

oubliant les heures bleues derrière mes rideaux

PAS VIOLETS
Viennent des jours comme ça
quand mes pas chaussent les pas perdus

des personnes aux pattes légères
de marches rapides et de jogging
ils errent d'une mort à l'autre
devant un crépuscule violacé
certains jours ne s'habituent pas
à la pointure de mes pas
vont se coucher sur ma mémoire d'enfant

viennent encore d'autres jours
qui me font mal aux pieds
ils
dérivent sur mes pas essoufflés
puis s'en retournent à leurs affaires
il y a des jours comme ça
qui ne me ressemblent pas

IMAGES FROISSÉES
Devant les mirages plantés dans l'asphalte
je grisonne bêtement
comme une fin d'été
engloutie dans l'ennui des autres
et je disparais
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