La Mère de la Marquise | Page 5

Edmond About
le marquis=; when monsieur precedes a title of any sort it is not to be translated. In phrases of address, the name is to be supplied in translating, if omitted after the title; and often such phrases can be rendered in English only by the use of the third person.]
[Note 22: =acte de naissance=; in France and Germany a very careful register of births is kept, and a certificate of birth is required by law at the time of marriage.]
[Note 23: =de mémoire d'homme=, within the memory of man.]
La nouvelle marquise commen?a par ouvrir ses salons au faubourg Saint-Germain du voisinage: car le faubourg s'étend jusqu'aux frontières de la France.
Après avoir ébloui de son luxe tous les hobereaux des environs, elle voulut aller à Paris prendre sa revanche sur le passé; et elle conta ce projet à son mari. Le capitaine fron?a le sourcil et déclara net qu'il se trouvait bien à Arlange. La cave était bonne, la cuisine de son go?t, la chasse magnifique; il ne demandait rien de plus. Le faubourg Saint-Germain était pour lui un pays aussi nouveau que l'Amérique: il n'y possédait ni parents, ni amis, ni connaissances. ?Bonté divine! s'écria la pauvre éliane, faut-il que je sois tombée sur le seul marquis de la terre qui ne connaisse pas le faubourg Saint-Germain!?
Ce ne fut pas son seul mécompte. Elle s'aper?ut bient?t que son mari prenait l'absinthe quatre fois par jour, sans parler d'une autre liqueur appelée vermouth qu'il avait fait venir de Paris pour son usage personnel. La raison du capitaine ne résistait pas toujours à ces libations répétées, et, lorsqu'il sortait de son bon sens, c'était, le plus souvent, pour entrer en fureur. Ses vivacités n'épargnaient personne, pas même éliane, qui en vint à souhaiter tout de bon[24] de n'être plus marquise. Cet événement arriva plus t?t qu'elle ne l'espérait.
[Note 24: =qui en vint à souhaiter tout de bon=, who came at last to really and truly wish.]
Un jour le capitaine était souffrant pour s'être trop bien comporté la veille. Il avait la tête lourde et les yeux battus. Assis dans le plus grand fauteuil du salon, il lustrait mélancoliquement ses longues moustaches rousses. Sa femme, debout auprès d'un samovar, lui versait coup sur coup d'énormes tasses de thé. Un domestique annon?a M. le comte de Kerpry. Le capitaine, tout malade qu'il était, se dressa brusquement en pieds.
?Ne m'avez-vous pas dit que vous étiez sans parents?? demanda éliane un peu étonnée.
--Je ne m'en connaissais pas,[25] répondit le capitaine, et je veux que le diable m'emporte... Mais nous verrons bien. Faites entrer!?
[Note 25: =Je ne m'en connaissais pas=, I was not aware of any.]
Le capitaine sourit dédaigneusement lorsqu'il vit para?tre un jeune homme de vingt ans, d'une beauté presque enfantine. Il était de taille raisonnable, mais si frêle et si délicat, qu'on pouvait croire qu'il n'avait pas fini de grandir. Ses longs yeux bleus regardaient autour d'eux avec une sorte de timidité farouche. Lorsqu'il aper?ut la belle éliane, sa figure rougit comme une pêche d'espalier.[26] Le timbre de sa voix était doux, frais, limpide, presque féminin. Sans la moustache brune qui se dessinait finement sur sa lèvre, on aurait pu le prendre pour une jeune fille déguisée en homme.
[Note 26: =espalier=; in continental Europe, and in some parts of England, the branches of domestic fruit-trees are usually trained along walls where the fruit will have the most favorable exposure.]
?Monsieur, dit-il au capitaine en se tournant à demi vers éliane, quoique je n'aie pas l'honneur d'être connu de vous, je viens vous parler d'affaires de famille. Notre conversation, qui sera longue, contiendra sans doute des chapitres fastidieux, et je crains que madame n'en soit ennuyée.
--Vous avez tort de craindre, monsieur, reprit éliane en se rengorgeant: la marquise de Kerpry veut et doit conna?tre toutes les affaires de la famille, et, puisque vous êtes un parent de mon mari...
--C'est ce que j'ignore encore, madame, mais nous le déciderons bient?t, et devant vous, puisque vous le désirez et que monsieur semble y consentir.?
Le capitaine écoutait d'un air hébété, sans trop comprendre. Le jeune comte se tourna vers lui comme pour le prendre à partie.
?Monsieur, lui dit-il, je suis le fils a?né du marquis de Kerpry, qui est connu de tout le faubourg Saint-Germain, et qui a son h?tel rue Saint-Dominique.
--Quel bonheur!? s'écria étourdiment éliane.
Le comte répondit à cette exclamation par un salut froid et cérémonieux. Il poursuivit:
?Monsieur, comme mon père, mon grand-père et mon bisa?eul étaient fils uniques, et qu'il n'y a jamais eu deux branches dans la famille, vous excuserez l'étonnement qui nous a saisis le jour où nous avons appris par les journaux le mariage d'un marquis de Kerpry.
--Je n'avais donc pas le droit de me marier? demanda le capitaine en se frottant les yeux.
--Je ne dis pas cela, monsieur. Nous avons à la maison, outre
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