La Guerre Sociale | Page 7

André Léo
qui, soit ennemis, soit complices, le connaissaient. Et il accomplit cette heureuse fusion de l'hypocrisie et du cynisme, qui m��ritait de faire ��cole, et sert maintenant de mod��le �� ses successeurs.
En parcourant ces sortes de discours, on pourrait observer comment plus le crime grandit; plus le ton s'��l��ve; comment plus l'assassin ��gorge, plus il s'indigne contre l'��gorg��; que plus il trahit, plus il prend �� t��moin la sainte v��rit��; que plus il se vautre, et abuse des caisses publiques, plus son front serein d��passe les nuages. Quand la capitulation est d��j�� pr��te, au lendemain du 22 janvier, Jules Ferry s'��crie: Un crime odieux a ��t�� commis!... et les hommes, les p��res de famille tomb��s sous les balles de l'H?tel-de-Ville, dans un effort d��sesp��r�� pour arracher Paris aux mains des mis��rables qui l'ont perdu, il les accuse d'avoir vendu leur mort aux Prussiens, et parle encore effront��ment des int��r��ts de la d��fense.
C'est apr��s cinq jours et cinq nuits de massacre, apr��s que des milliers d'hommes qui avaient mis bas les armes, ont ��t�� fusill��s par les soldats, que ce bon M. Thiers trouve dans son coeur un ��lan d'indignation, au sujet d'un officier fusill��, dit-il, par ces sc��l��rats, SANS RESPECT POUR LES LOIS DE LA GUERRE.
Le mot est introuvable, et tout cela dans son genre est fort r��ussi.--Mais o�� allons-nous? Que deviennent la langue, le sens moral, la foi humaine, dans cet effroyable abus? Faut-il attendre que le vocabulaire souill�� n'ait plus de mots �� l'usage d'une bouche honn��te? Honn��te! ce mot lui-m��me est fl��tri. Tout ce qui appelait autrefois le respect, maintenant appelle le sourire, ��veille l'ironie. La langue noble et s��rieuse n'existe plus. Cela est effrayant, car ce n'est pas seulement la langue qui se perd, mais tout ce qui unit v��ritablement les hommes et consolide leurs rapports. C'est la base de tous les sentiments naturels et vrais, la confiance, qui dispara?t; c'est la probit�� sociale qui succombe, laissant la vie commune aussi st��rile, et moins s?re, que le d��sert. Et l'on se plaint du relachement des moeurs, de l'affaissement des caract��res! Quand, �� ce qu'on nomme le sommet social, en pleine lumi��re, sont affich��s, comme un exemple �� tous les yeux; le m��pris des serments, la d��bauche, le meurtre, la calomnie et l'hypocrisie de m��tier, devenue cynique!
Je sais bien qu'on peut dire: ce sont les rages et les convulsions de l'agonie. Je le crois aussi. Mais songez-y, cette agonie peut ��tre longue. L'ignorance populaire et la monarchie sont deux lignes courbes qui en se soudant forment un cercle, o�� l'on peut tourner longtemps, o�� l'on rentre, h��las! vous le voyez, m��me apr��s l'avoir rompu. Il y a des agonies qui sont des putr��factions, et qui empoisonnent tout autour d'elles; des caducit��s qui pervertissent les enfances. Il y va de vie ou de mort; d'infection ou de sant��, pour nous, pour nos enfants, pour beaucoup de g��n��rations peut-��tre. Voyez comme de quasi quarts de si��cles, se succ��dent, des empires aux royaut��s, et consid��rez que depuis 80 ans, nous n'avons pu m��me revenir au point du d��part. Enfin, voyez o�� en est la France. Ne pensez-vous pas que c'est peut-��tre assez de telles exp��riences, et qu'il est bien temps de les cesser? Qui peut se sentir la force d'ame, ou d'inertie, n��cessaire, pour supporter de nouveau de pareils d��chirements, de tels cataclysmes, pour assister �� d'aussi ��pouvantables spectacles?
Et pourtant, de quelle s��curit�� pourrait-on jouir, tant que les m��mes ambitions malsaines et criminelles feront du monde leur dupe et leur proie? Le secret de la tragicom��die qui se joue, qui ne le sait? Apr��s ce nouveau Juin beaucoup plus terrible, ce va ��tre une nouvelle suppression du mot R��publique, une restauration nouvelle. La plus honteuse m��me se flatte d'��tre la plus facile. Elle n'a pas perdu les campagnes; elle tient tous les postes, que les grands r��publicains du 4 Septembre lui ont laiss��s, et l'arm��e, qu'au prix de l'��gorgement de Paris, on lui a rendue.....
Mais celle-ci ou d'autres, qu'importe? c'est le m��me abaissement, la m��me corruption certaine. Il n'y a pas deux syst��mes. Jadis, les gouvernants, croyant �� leur principe, avaient du moins, ou pouvaient avoir, cette sorte d'honneur, qui en un certain ordre de faits, produisait de la vertu et de la grandeur. Mais aujourd'hui, ils ne sont plus que des joueurs �� la bourse de l'imb��cillit�� publique, qui haussent ou baissent avec elle; ils le savent tr��s bien, sp��culent l��-dessus, et tombent de Louis XIV en Robert-Macaire. Les moyens de r��gne actuels, qu'il s'agisse d'empire, de royaut��, ou d'une pr��tendue R��publique aux mains d'une aristocratie, sont: le mensonge, la peur, la corruption, la calomnie, aid��s des fusillades �� propos.--Mais les syst��mes aussi empirent en vieillissant; car les moyens s'usent, et il faut aller de plus en plus fort... Quel avenir!... si ce n'est la fin?
Cependant, beaucoup de gens, que
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