qui descendait en pente douce jusqu'au village; elle s'allongeait, pareille �� une bergerie abandonn��e, perc��e de larges fen��tres, ��gay��e par des tuiles rouges. Le pr��tre se retourna, jetant un coup d'oeil sur le presbyt��re, une masure grisatre, coll��e au flanc m��me de la nef; puis, comme s'il e?t craint d'��tre repris par l'intarissable bavardage bourdonnant �� ses oreilles depuis le matin, il remonta �� droite, il ne se crut en s?ret�� que devant le grand portail, o�� l'on ne pouvait l'apercevoir de la cure. La fa?ade de l'��glise, toute nue, rong��e par les soleils et les pluies, ��tait surmont��e d'une ��troite cage en ma?onnerie, au milieu de laquelle une petite cloche mettait son profil noir; on voyait le bout de la corde, entrant dans les tuiles. Six marches rompues, �� demi enterr��es par un bout, menaient �� la haute porte ronde, crevass��e, mang��e de poussi��re, de rouille, de toiles d'araign��es, si lamentable sur ses gonds arrach��s, que les coups de vent semblaient devoir entrer, au premier souffle. L'abb�� Mouret, qui avait des tendresses pour cette ruine, alla s'adosser contre un des vantaux, sur le perron. De l��, il embrassait d'un coup d'oeil tout le pays. Les mains aux yeux, il regarda, il chercha �� l'horizon.
En mai, une v��g��tation formidable crevait ce sol de cailloux. Des lavandes colossales, des buissons de gen��vriers, des nappes d'herbes rudes, montaient sur le perron, plantaient des bouquets de verdure sombre jusque sur les tuiles. La premi��re pouss��e de la s��ve mena?ait d'emporter l'��glise, dans le dur taillis des plantes noueuses. A cette heure matinale, en plein travail de croissance c'��tait un bourdonnement de chaleur, un long effort silencieux soulevant les roches d'un frisson. Mais l'abb�� ne sentait pas l'ardeur de ces couches laborieuses; il crut que la marche basculait, et s'adossa contre l'autre battant de la porte.
Le pays s'��tendait �� deux lieues, ferm�� par un mur de collines jaunes, que des bois de pins tachaient de noir; pays terrible aux landes s��ch��es, aux ar��tes rocheuses d��chirant le sol. Les quelques coins de terre labourable ��talaient des mares saignantes, des champs rouges, o�� s'alignaient des files d'amandiers maigres, des t��tes grises d'oliviers, des tra?n��es de vignes, rayant la campagne de leurs souches brunes. On aurait dit qu'un immense incendie avait pass�� l��, semant sur les hauteurs les cendres des for��ts, br?lant les prairies, laissant son ��clat et sa chaleur de fournaise dans les creux. A peine, de loin en loin, le vert pale d'un carr�� de bl�� mettait-il une note tendre. L'horizon restait farouche, sans un filet d'eau, mourant de soif, s'envolant par grandes poussi��res aux moindres haleines. Et, tout au bout, par un coin ��croul�� des collines de l'horizon, on apercevait un lointain de verdures humides, une ��chapp��e de la vall��e voisine, que f��condait la Viorme, une rivi��re descendue des gorges de la Seille.
Le pr��tre, les yeux ��blouis, abaissa les regards sur le village, dont les quelques maisons s'en allaient �� la d��bandade, au bas de l'��glise. Mis��rables maisons, faites de pierres s��ches et de planches ma?onn��es, jet��es le long d'un ��troit chemin, sans rues indiqu��es. Elles ��taient au nombre d'une trentaine, les unes tass��es dans le fumier, noires de mis��re, les autres plus vastes, plus gaies, avec leurs tuiles roses. Des bouts de jardin, conquis sur le roc, ��talaient des carr��s de l��gumes, coup��s de haies vives. A cette heure, les Artaud ��taient vides; pas une femme aux fen��tres, pas un enfant vautr�� dans la poussi��re; seules, des bandes de poules allaient et venaient, fouillant la paille, qu��tant jusqu'au seuil des maisons, dont les portes laiss��es ouvertes baillaient complaisamment au soleil. Un grand chien noir, assis sur son derri��re, �� l'entr��e du village, semblait le garder.
Une paresse engourdissait peu �� peu l'abb�� Mouret. Le soleil montant le baignait d'une telle ti��deur, qu'il se laissait aller contre la porte de l'��glise, envahi par une paix heureuse. Il songeait �� ce village des Artaud, pouss�� l��, dans les pierres, ainsi qu'une des v��g��tations noueuses de la vall��e. Tous les habitants ��taient parents, tous portaient le m��me nom, si bien qu'ils prenaient des surnoms d��s le berceau, pour se distinguer entre eux. Un anc��tre, un Artaud, ��tait venu, qui s'��tait fix�� dans cette lande, comme un paria; puis, sa famille avait grandi, avec la vitalit�� farouche des herbes su?ant la vie des rochers; sa famille avait fini par ��tre une tribu, une commune, dont les cousinages se perdaient, remontaient �� des si��cles. Ils se mariaient entre eux, dans une promiscuit�� ��hont��e; on ne citait pas un exemple d'un Artaud ayant amen�� une femme d'un village voisin; les filles seules s'en allaient, parfois. Ils naissaient, ils mouraient, attach��s �� ce coin de terre, pullulant sur leur fumier, lentement, avec une simplicit�� d'arbres qui repoussaient de leur semence, sans avoir une id��e nette du vaste monde, au del�� de
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.