La Faute de lAbbe Mouret | Page 7

Emile Zola
amen�� dans ce pays de loups. Les premiers temps, nous sommes-nous ennuy��s, bon Dieu! Le pauvre cur�� avait eu des histoires bien d��sagr��ables chez nous... Tiens! monsieur Mouret, vous n'avez donc pas sucr�� votre lait? Voil�� les deux morceaux de sucre.
Le pr��tre posait sa tasse.
- Oui, j'ai oubli��, je crois, dit-il.
La Teuse le regarda en face, en haussant les ��paules. Elle plia dans la serviette une tartine de pain bis qui ��tait ��galement rest��e sur la table. Puis, comme le cur�� allait sortir, elle courut �� lui, s'agenouilla, en criant:
- Attendez, les cordons de vos souliers ne sont seulement pas nou��s... Je ne sais pas comment vos pieds r��sistent, dans ces souliers de paysan. Vous, si mignon, qui avez l'air d'avoir ��t�� dr?lement gat��!... Allez, il fallait que l'��v��que vous connut bien, pour vous donner la cure la plus pauvre du d��partement.
- Mais, dit le pr��tre en souriant de nouveau, c'est moi qui ai choisi les Artaud... Vous ��tes bien mauvaise ce matin, la Teuse. Est-ce que nous ne sommes pas heureux, ici? Nous avons tout ce qu'il nous faut, nous vivons dans une paix de paradis.
Alors, elle se contint, elle rit �� son tour, r��pondant:
- Vous ��tes un saint homme, monsieur le cur��... Venez voir comme ma lessive est grasse. ?a vaudra mieux que de nous disputer.
Il du la suivre, car elle mena?ait de ne pas le laisser sortir, s'il ne la complimentait sur sa lessive. Il quittait la salle �� manger, lorsqu'il se heurta �� un platras, dans le corridor.
- Qu'est-ce donc? demanda-t-il.
- Rien, r��pondit la Teuse, de son air terrible. C'est le presbyt��re qui tombe. Mais vous vous trouvez bien, vous avez tout ce qu'il vous faut... Ah! Dieu, les crevasses ne manquent pas. Regardez-moi ce plafond. Est-il assez fendu! Si nous ne sommes pas ��cras��s un de ces jours, nous devrons un fameux cierge �� notre ange gardien. Enfin, puisque ?a vous convient... C'est comme l'��glise. Il y a deux ans qu'on aurait d? remettre les carreaux cass��s. L'hiver, le bon Dieu g��le. Puis, ?a emp��cherait d'entrer ces gueux de moineaux. Je finirai par coller du papier, moi, je vous en avertis.
- Eh! c'est une id��e, murmura le pr��tre, on pourrait coller du papier... Quant aux murs, ils sont plus solides qu'on ne croit. Dans ma chambre, le plancher a fl��chi seulement devant la fen��tre. La maison nous enterrera tous.
Arriv�� sous le petit hangar, pr��s de la cuisine, il s'extasia sur l'excellence de la lessive, voulant faire plaisir �� la Teuse; il fallut m��me qu'il la sentit, qu'il mit les doigts dedans. Alors, la vieille femme, enchant��e, se montra maternelle. Elle ne gronda plus, elle courut chercher une brosse, disant:
- Vous n'allez peut-��tre pas sortir avec de la boue d'hier �� votre soutane! Si vous l'aviez laiss��e sur la rampe, elle serait propre... Elle est encore bonne, cette soutane. Seulement relevez-la bien, quand vous traversez un champ. Les chardons d��chirent tout.
Et elle le faisait tourner, comme un enfant, le secouant des pieds �� la t��te, sous les coups violents de la brosse.
- L��, l��, c'est assez, dit-il en s'��chappant. Veillez sur D��sir��e, n'est-ce pas? Je vais lui dire que je sors.
Mais, �� ce moment, une voix claire appela:
- Serge! Serge!
D��sir��e arrivait en courant, totue rouge de joie, t��te nue, ses cheveux noirs nou��s puissamment sur la nuque, avec des mains et des bras couverts de fumier, jusqu'aux coudes. Elle nettoyait ses poules. Quand elle vit son fr��re sur le point de sortir, son br��viaire sous le bras, elle rit plus fort, l'embrassant �� pleine bouche, rejetant les mains en arri��re, pour ne pas le toucher.
- Non, non, balbutiait-elle, je te salirais... Oh! je m'amuse! Tu verras les b��tes, quand tu reviendras.
Et elle se sauva. L'abb�� Mouret dit qu'il rentrerait vers onze heures, pour le d��jeuner. Il partait, lorsque la Teuse, qui l'avait accompagn�� jusqu'au seuil, lui cria ses derni��res recommandations.
- N'oubliez pas de voir Fr��re Archangias... Passez aussi chez les Brichet; la femme est venue hier, toujours pour ce mariage... Monsieur le cur��, ��coutez donc! J'ai rencontr�� la Rosalie. Elle ne demanderait pas mieux, elle, que d'��pouser le grand Fortun��. Parlez au p��re Bambousse, peut-��tre qu'il vous ��coutera, maintenant... Et ne revenez pas �� midi, comme l'autre jour. A onze heures, dites, �� onze heures, n'est-ce pas?
Mais le pr��tre ne se tournait plus. Elle rentra, en disant entre ses dents:
- Si vous croyez qu'il m'��coute... ?a n'a pas vingt-six ans, et ?a n'en fait qu'�� sa t��te. Bien s?r, il en remontrerait pour la saintet�� �� un homme de soixante ans; mais il n'a point v��cu, il ne sait rien, il n'a pas de peine �� ��tre sage comme un ch��rubin, ce mignon-l��.

IV.
Quand l'abb�� Mouret ne sentit plus la Teuse derri��re lui il s'arr��ta, heureux d'��tre enfin seul. L'��glise ��tait batie sur un tertre peu ��lev��,
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