ces roches jaunes, entre lesquelles ils v��g��taient. Et pourtant d��j��, parmi eux, se trouvaient des pauvres et des riches; des poules ayant disparu, les poulaillers, la nuit, ��taient ferm��s par de gros cadenas; un Artaud avait tu�� un Artaud, un soir, derri��re le moulin. C'��tait, au fond de cette ceinture d��sol��e de collines, un peuple �� part, une race n��e du sol, une humanit�� de trois cents t��tes qui recommen?ait les temps.
Lui, gardait toute l'ombre morte du s��minaire. Pendant des ann��es, il n'avait pas connu le soleil. Il l'ignorait m��me encore, les yeux ferm��s, fix��s sur l'ame, n'ayant que du m��pris pour la nature damn��e. Longtemps, aux heures de recueillement, lorsque la m��ditation le prosternait, il avait r��v�� un d��sert d'ermite, quelque trou dans une montagne, o�� rien de la vie, ni ��tre, ni plante, ni eau, ne le viendrait distraire de la contemplation de Dieu. C'��tait un ��lan d'amour pur, une horreur de la sensation physique. L��, mourant �� lui-m��me, le dos tourn�� �� la lumi��re, il aurait attendu de n'��tre plus, de se perdre dans la souveraine blancheur des ames. Le ciel lui apparaissait tout blanc, d'un blanc de lumi��re, comme s'il neigeait des lis, comme si toutes les puret��s, toutes les innocences, toutes les chastet��s flambaient. Mais son confesseur le grondait, quand il lui racontait ses d��sirs de solitude, ses besoins de candeur divine; il le rappelait aux luttes de l'��glise, aux n��cessit��s du sacerdoce. Plus tard, apr��s son ordination, le jeune pr��tre ��tait venu aux Artaud, sur sa propre demande, avec l'espoir de r��aliser son r��ve d'an��antissement humain. Au milieu de cette mis��re, sur ce col st��rile, il pourrait se boucher les oreilles aux bruits du monde, il vivrait dans le sommeil des saints. Et, depuis plusieurs mois, en effet, il demeurait souriant; �� peine un frisson du village le troublait-il de loin en loin; �� peine une morsure plus chaude du soleil le prenait-elle �� la nuque, lorsqu'il suivait les sentiers, tout au ciel, sans entendre l'enfantement continu au milieu duquel il marchait.
Le grand chien noir qui gardait les Artaud venait de se d��cider �� monter aupr��s de l'abb�� Mouret. Il s'��tait assis de nouveau sur son derri��re, a ses pieds. Mais le pr��tre restait perdu dans la douceur du matin. La veille, il avait commenc�� les exercices du Rosaire de Marie; il attribuait la grande joie qui descendait en lui �� l'intercession de la Vierge aupr��s de son divin Fils. Et que les biens de la terre lui semblaient m��prisables! Avec quelle reconnaissance il se sentait pauvre! En entrant dans les ordres, ayant perdu son p��re et sa m��re le m��me jour, �� la suite d'un drame dont il ignorait encore les ��pouvantes, il avait laiss�� �� un fr��re a?n�� toute la fortune. Il ne tenait plus au monde que par sa soeur. Il s'��tait charg�� d'elle, pris d'une sorte de tendresse religieuse pour sa t��te faible. La ch��re innocente ��tait si pu��rile, si petite fille, qu'elle lui apparaissait avec la puret�� de ces pauvres d'esprit, auxquels l'��vangile accorde le royaume des cieux. Cependant, elle l'inqui��tait depuis quelque temps; elle devenait trop forte, trop saine; elle sentait trop la vie. Mais c'��tait �� peine un malaise. Il passait ses journ��es dans l'existence int��rieure qu'il s'��tait faite, ayant tout quitt�� pour se donner entier. Il fermait la porte de ses sens, cherchait �� s'affranchir des n��cessit��s du corps, n'��tait plus qu'une ame ravie par la contemplation. La nature ne lui pr��sentait que pi��ges, qu'ordures; il mettait sa gloire �� lui faire violence, �� la m��priser, �� se d��gager de sa boue humaine. Le juste doit ��tre insens�� selon le monde. Aussi se regardait-il comme un exil�� sur la terre; il n'envisageait que les biens c��lestes, ne pouvant comprendre qu'on m?t en balance une ��ternit�� de f��licit�� avec quelques heures d'une joie p��rissable. Sa raison le trompait, ses d��sirs mentaient. Et, s'il avan?ait dans la vertu, c'��tait surtout par son humilit�� et son ob��issance. Il voulait ��tre le dernier de tous, soumis �� tous, pour que la ros��e divine tombat sur son coeur comme sur un sable aride; il se disait couvert d'opprobre et de confusion, indigne �� jamais d'��tre sauv�� du p��ch��. ��tre humble, c'est croire, c'est aimer. Il ne d��pendait m��me plus de lui-m��me, aveugle, sourd, chair morte. Il ��tait la chose de Dieu. Alors, de cette abjection o�� il s'enfon?ait, un hosannah l'emportait au-dessus des heureux et des puissants, dans le resplendissement d'un bonheur sans fin.
Aux Artaud, l'abb�� Mouret avait ainsi trouv�� les ravissements du clo?tre, si ardemment souhaites jadis, �� chacune de ses lectures de l'Imitation. Rien en lui n'avait encore combattu. Il ��tait parfait, d��s le premier agenouillement, sans lutte, sans secousse, comme foudroy�� par la grace, dans l'oubli absolu de sa chair. Extase de l'approche de Dieu que connaissent quelques
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