La Faute de lAbbe Mouret | Page 4

Emile Zola
la grandeur d'un enfant de dix ans, agonisait d'une effrayante fa?on, la t��te rejet��e en arri��re, les c?tes saillantes, le ventre creus��, les membres tordus, ��clabouss��s de sang. Il y avait encore la chaire, une caisse carr��e, o�� l'on montait par un escabeau de cinq degr��s, qui s'��levait vis-��-vis d'une horloge �� poids, enferm��e dans une armoire de noyer, et dont les coups sourds ��branlaient l'��glise enti��re, pareils aux battements d'un coeur ��norme, cach�� quelque part, sous les dalles. Tout le long de la nef, les quatorze stations du chemin de la Croix, quatorze images grossi��rement enlumin��es, encadr��es de baguettes noires, tachaient du jaune, du bleu et du rouge de la Passion, la blancheur crue des murs.
- Deo gratias, begaya Vincent, �� la fin de l'��p?tre.
Le myst��re d'amour, l'immolation de la sainte victime se pr��parait. Le servant prit le Missel, qu'il porta �� gauche, du c?t�� de l'��vangile, en ayant soin de ne point toucher les feuillets du livre. Chaque fois qu'il passait devant le tabernacle, il faisait de biais une g��nuflexion qui lui d��jetait la taille. Puis, revenu �� droite, il se tint debout, les bras crois��s, pendant la lecture de l'��vangile. Le pr��tre, apr��s avoir fait un signe de croix sur le Missel, s'��tait sign�� lui-m��me: au front, pour dire qu'il ne rougirait jamais de la parole divine; sur la bouche, pour montrer qu'il ��tait toujours pr��t �� confesser sa foi; sur son coeur, pour indiquer que son coeur appartenait �� Dieu seul.
- Dominus vobiscum, dit-il en se tournant, le regard noy��, en face des blancheurs froides de l'��glise.
- Et cum spiritu tuo, r��pondit Vincent, qui s'��tait remis �� genoux.
Apr��s avoir r��cit�� l'Offertoire, le pr��tre d��couvrit le calice. Il tint un instant, �� la hauteur de sa poitrine, la pat��ne contenant l'hostie, qu'il offrit �� Dieu, pour lui, pour les assistants, pour tous les fid��les vivants ou morts. Puis, l'ayant fait glisser au bord du corporal, sans la toucher des doigts, il prit le calice, qu'il essuya soigneusement avec le purificatoire. Vincent ��tait aller chercher sur la cr��dence les burettes, qu'ils pr��senta l'une apr��s l'autre, la burette du vin d'abord, ensuite la burette de l'eau. Le pr��tre offrit alors, pour le monde entier, le calice �� demi plein, qu'il remit au milieu du corporal, o�� il le recouvrit de la pale. Et ayant pri�� encore, il revint se faire verser de l'eau par minces filets sur les extr��mit��s du pouce et de l'index de chaque main, afin de se purifier des moindres taches du p��ch��. Quand il se fut essuy�� au manuterge, la Teuse, qui attendait, vida le plateau des burettes dans un seau de zinc, au coin de l'autel.
- Orate, fratres, reprit le pr��tre �� voix haute, tourn�� vers les bancs vides, les mains ��largies et rejointes, dans un geste d'appel aux hommes de bonne volont��.
Et, se retournant devant l'autel, il continua, en baissant la voix. Vincent marmotta une longue phrase latine dans laquelle il se perdit. Ce fut alors que des flammes jaunes entr��rent par les fen��tres. Le soleil, �� l'appel du pr��tre, venait �� la messe. Il ��claira de larges nappes dor��es la muraille gauche, le confessionnal, l'autel de la Vierge, la grande horloge. Un craquement secoua le confessionnal; la M��re de Dieu, dans une gloire, dans l'��blouissement de sa couronne et de son manteau d'or, sourit tendrement �� l'enfant J��sus, de ses l��vres peintes; l'horloge, r��chauff��e, battit l'heure, �� coups plus vifs. Il sembla que le soleil peuplait les bancs des poussi��res qui dansaient dans ses rayons. La petite ��glise, l'��table blanchie, fut comme pleine d'une foule ti��de. Au dehors, on entendait les petits bruits du r��veil heureux de la campagne, les herbes qui soupiraient d'aise, les feuilles s'essuyant dans la chaleur, les oiseaux lissant leurs plumes, donnant un premier coup d'ailes. M��me la campagne entrait avec le soleil: �� une des fen��tres, un gros sorbier se haussait, jetant des branches par les carreaux cass��s, allongeant ses bourgeons, comme pour regarder �� l'int��rieur; et, par les fentes de la grande porte, on voyait les herbes du perron, qui mena?aient d'envahir la nef. Seul, au milieu de cette vie montante, le grand Christ, rest�� dans l'ombre, mettait la mort, l'agonie de sa chair barbouill��e d'ocre, ��clabouss��e de laque. Un moineau vint se poser au bord d'un trou; il regarda, puis s'envola; mais il reparut presque aussit?t, et, d'un vol silencieux, s'abattit entres les bancs, devant l'autel de la Vierge. Un second moineau le suivit. Bient?t, de toutes les branches du sorbier, des moineaux descendirent, se promenant tranquillement �� petits sauts, sur les dalles.
- Sanctus, Sanctus, Sanctus, Dominus, Deus, Sabaoth, dit le pr��tre �� demi-voix, les ��paules l��g��rement pench��es.
Vincent donna les trois coups de clochette. Mais les moineaux, effray��s de ce tintement brusque, s'envol��rent avec un tel bruit d'ailes, que la Teuse, rentr��e depuis un instant
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