La Duchesse de Palliano | Page 8

Stendhal
avait quelqu'un qui p�Ct les ?couter dans la salle voisine, puis il osa parler ainsi:
- Madame, ne vous troublez point et ne prenez pas avec col?re les paroles ?tranges que je vais avoir la t?m?rit? de prononcer. Depuis longtemps je vous aime plus que la vie. Si, avec trop d'imprudence, j'ai os? regarder comme amant vos divines beaut?s, vous ne devez pas en imputer la faute �� moi mais �� la force surnaturelle qui me pousse et m'agite. Je suis au supplice, je br�Cle; je ne demande pas du soulagement pour la flamme qui me consume, mais seulement que votre g?n?rosit? ait piti? d'un serviteur rempli de d?f?rence et d'humilit?.
La duchesse parut surprise et surtout irrit?e:
- Marcel, qu'as-tu donc vu en moi, lui dit-elle, qui te donne la hardiesse de me requ?rir d'amour? Est-ce que ma vie, est-ce que ma conversation se sont tellement ?loign?es des r?gles de la d?cence, que tu aies pu t'en autoriser pour une telle insolence? Comment as-tu pu avoir la hardiesse de croire que je pouvais me donner �� toi ou �� tout autre homme, mon mari et seigneur except?? Je te pardonne ce que tu m'as dit, parce que je pense que tu es un fr?n?tique; mais garde-toi de tomber de nouveau dans une pareille faute, ou je te jure que je te ferai punir �� la fois pour la premi?re et pour la seconde insolence.
La duchesse s'?loigna transport?e de col?re, et r?ellement Capece avait manqu? aux lois de la prudence: il fallait faire deviner et non pas dire. Il resta confondu, craignant beaucoup que la duchesse ne racont?t la chose �� son mari.
Mais la suite fut bien diff?rente de ce qu'il appr?hendait. Dans la solitude de ce village, la fi?re duchesse de Palliano ne put s'emp?cher de faire confidence de ce qu'on avait os? lui dire �� sa dame d'honneur favorite, Diane Brancaccio. Celle-ci ?tait une femme de trente ans, d?vor?e par des passions ardentes. Elle avait les cheveux rouges (l'historien revient plusieurs fois sur cette circonstance qui lui semble expliquer toutes les folies de Diane Brancaccio). Elle aimait avec fureur Domitien Fornari, gentilhomme attach? au marquis de Montebello. Elle voulait le prendre pour ?poux; mais le marquis et sa femme, auxquels elle avait l'honneur d'appartenir par les liens du sang, consentiraient-ils jamais �� la voir ?pouser un homme actuellement �� leur service? Cet obstacle ?tait insurmontable, du moins en apparence.
Il n'y avait qu'une chance de succ?s: il aurait fallu obtenir un effort de cr?dit de la part du duc de Palliano, fr?re a?n? du marquis, et Diane n'?tait pas sans espoir de ce c��t?. Le duc la traitait en parente plus qu'en domestique. C'?tait un homme qui avait de la simplicit? dans le coeur et de la bont?, et il tenait infiniment moins que ses fr?res aux choses de pure ?tiquette. Quoique le duc profit?t en vrai jeune homme de tous les avantages de sa haute position, et ne f�Ct rien moins que fid?le �� sa femme, il l'aimait tendrement, et, suivant les apparences, ne pourrait lui refuser une gr?ce si celle-ci la lui demandait avec une certaine persistance.
L'aveu que Capece avait os? faire �� la duchesse parut un bonheur inesp?r? �� la sombre Diane. Sa ma?tresse avait ?t? jusque-l�� d'une sagesse d?sesp?rante; si elle pouvait ressentir une passion, si elle commettait une faute, �� chaque instant elle aurait besoin de Diane, et celle-ci pourrait tout esp?rer d'une femme dont elle conna?trait les secrets.
Loin d'entretenir la duchesse d'abord de ce qu'elle se devait �� elle-m?me, et ensuite des dangers effroyables auxquels elle s'exposerait au milieu d'une cour aussi clairvoyante, Diane, entra?n?e par la fougue de sa passion, parla de Marcel Capece �� sa ma?tresse, comme elle se parlait �� elle-m?me de Domitien Fornari. Dans les longs entretiens de cette solitude, elle trouvait moyen, chaque jour, de rappeler au souvenir de la duchesse les gr?ces et la beaut? de ce pauvre Marcel qui semblait si triste; il appartenait, comme la duchesse, aux premi?res familles de Naples, ses mani?res ?taient aussi nobles que son sang, et il ne lui manquait que ces biens qu'un caprice de la fortune pouvait lui donner chaque jour, pour ?tre sous tous les rapports l'?gal de la femme qu'il osait aimer.
Diane s'aper?ut avec joie que le premier effet de ces discours ?tait de redoubler la confiance que la duchesse lui accordait.
Elle ne manqua pas de donner avis de ce qui se passait �� Marcel Capece. Durant les chaleurs br�Clantes de cet ?t?, la duchesse se promenait souvent dans les bois qui entourent Gallese. A la chute du jour, elle venait attendre la brise de mer sur les collines charmantes qui s'?l?vent au milieu de ces bois et du sommet desquelles on aper?oit la mer �� moins de deux lieues de distance.
Sans s'?carter des lois s?v?res de l'?tiquette, Marcel pouvait
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