dans une série de combinaisons présentées sous une forme substantielle et condensée, claire et rapide, qui marquent à vol d'oiseau tous les jalons de l'histoire contemporaine, toutes les phases de la carrière accidentée et les évolutions de la vie politique de Talleyrand.
Si la Confession de Talleyrand n'est pas authentique, elle a pour elle une qualité qu'il serait difficile de lui contester, l'exactitude, la vérité et la franchise de son origine. C'est une mosa?que composée d'éléments épars de toutes les couleurs, rassemblés, groupés et fondus dans un dessin général, de fa?on à produire le trompe-l'oeil d'une Autobiographie; il a paru d'un relief assez saisissant pour être offert aux lecteurs du Figaro sous le pavillon de TALLEYRAND, et la lettre de M. de Broglie n'aura d'autre résultat que de provoquer le développement de cette Préface, où l'auteur se serait borné à avertir le lecteur d'un procédé littéraire en usage chez les écrivains anciens et modernes.
On refuse donc à la Confession de Talleyrand un caractère d'authenticité à laquelle l'auteur n'a jamais songé; il aurait, en vérité, trop beau jeu pour contester cet avantage aux Mémoires du Prince de Talleyrand.
La presse, qui est l'arsenal de l'opinion publique, a constaté la déception profonde qui a suivi leur apparition, et ce n'était vraiment pas la peine de laisser moisir pendant cinquante-trois ans ces lourds et indigestes tomes plus ou moins historiques.
Après avoir roué ses contemporains pendant sa vie et essayé de rouer Dieu lui-même le jour de sa mort, Talleyrand n'a pas roué les hommes d'un siècle trop vieux pour le lire; mais on peut dire qu'il les a profondément ennuyés, ce qui doit être compté comme une suprême mystification de ce Mercadet diplomatique surfait, que Chateaubriand a démasqué, percé à jour et marqué d'infamie.
Non seulement ses Mémoires sont insignifiants et vides, sans valeur et sans intérêt; mais ils sont faux. Ils commencent par un mensonge parfaitement inutile sur son infirmité, qu'on ne lui aurait assurément pas reproché de passer sous silence.
Et non seulement ils sont faux, mais ils ne sont pas authentiques, et nous usons simplement du droit d'historien pour résumer la polémique générale des journaux par les Questions suivantes:
M. de Broglie a-t-il le Manuscrit autographe des Mémoires de Talleyrand?
Non. Il est le légataire d'un legs qui n'existe que sous bénéfice d'authenticité, ou qui n'existe pas du tout.
Le Manuscrit autographe de Talleyrand existe-t-il?
On l'ignore.
Quel est le Manuscrit dont le Times a donné des fragments? Quel en est le détenteur qui l'a communiqué? Pourquoi la publication a-t-elle été interrompue?
Mystère.
Les Mémoires ont été imprimés d'après une Copie de la main de M. de Bacourt, formant quatre volumes reliés en peau.
M. de Bacourt a-t-il transcrit le Manuscrit autographe, le texte original? Sa copie est-elle complète, fidèle et littérale? Est-ce une version tronquée, arrangée et interprétative?
Cruelle énigme.
M. de Bacourt a-t-il détruit le Manuscrit autographe de Talleyrand? De quel droit, en vertu de quelle disposition?
Dans cette hypothèse, c'est que la copie n'était pas conforme à l'original, et qu'il en faisait ainsi dispara?tre la preuve.
On sera bien avancé quand on aura contemplé, dans une Bibliothèque, les quatre volumes en peau de l'écriture de M. de Bacourt. Ils doivent être tenus en suspicion tant qu'on ne pourra pas collationner sa Copie avec l'Original de Talleyrand.
Voilà ce qu'il faut savoir et ce qu'on ne dit pas. Voilà la Question, et il n'y en a pas d'autre.
Les Mémoires de M. de Bacourt n'intéressent personne; ce ne sont pas là les Mémoires de Talleyrand. M. de Broglie répond à cela: ?La plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu'elle a.? Erreur: Elle donne ce qu'elle n'a pas ou ce qu'elle n'a plus. Le manuscrit autographe, c'est le Capital; la copie, ce n'est pas même l'usufruit ou le revenu.
D'où je conclus que si la Confession de Talleyrand n'est pas authentique, les Mémoires du Prince de Talleyrand le sont encore moins.
Lamartine a dit sentimentalement:
Son cercueil est fermé, Dieu l'a jugé, silence!
Ce silence, est-ce bien Talleyrand qui vient de le rompre? C'est à lui qu'on doit la formule devenue un axiome de loi: La vie privée doit être murée.
La mort ne l'est pas.
LA CONFESSION DE TALLEYRAND
MA CONFESSION
Pourquoi J'écris Mes Souvenirs.
J'écris ces Souvenirs intimes pour moi, pour mon agrément, je dirais pour nuire à l'histoire de mon temps, et peut-être à la mienne, s'ils étaient destinés à me survivre; mais ils dispara?tront avec moi.
On m'a rapporté un mot de mon voisin de campagne, le Grand Bourgeois, M. Royer-Collard: ?Monsieur de Talleyrand n'invente plus, il se raconte.? Si j'ai inventé, je n'en tire aucune vanité, et à l'age auquel je suis arrivé, on ne vit guère que de souvenirs.
J'aime à raconter, je radote même assez volontiers, et mademoiselle Raucourt l'a fort bien dit au foyer de la Comédie-Fran?aise: ?Si vous le questionnez, c'est une boite de fer-blanc dont vous ne tirerez pas un mot; si vous ne
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