LOeuvre | Page 8

Emile Zola
elle remua, son bras s'engourdissait.
?Le coude un peu rabattu, je vous prie.? Puis, d'un air d'int��r��t, pour s'excuser:
?Ce sont vos parents qui doivent ��tre dans la d��solation, s'ils ont appris la catastrophe.
--Je n'ai pas de parents.
--Comment! ni p��re ni m��re.... Vous ��tes seule?
--Oui, toute seule.? 'Elle avait dix-huit ans, et elle ��tait n��e �� Strasbourg, par hasard, entre deux changements de garnison de son p��re, le capitaine Hallegrain. Comme elle entrait dans sa douzi��me ann��e, ce dernier, un Gascon de Montauban, ��tait mort �� Clermont, o�� une paralysie des jambes l'avait forc�� de prendre sa retraite. Pendant pr��s de cinq ans, sa m��re, qui ��tait Parisienne, avait v��cu l��-bas, en province, m��nageant sa maigre pension, travaillant, peignant des ��ventails, pour achever d'��lever sa fille en demoiselle; et, depuis quinze mois, elle ��tait morte �� son tour, la laissant seule au monde, sans un sou, avec l'unique amiti�� d'une religieuse, la sup��rieure des Soeurs de la Visitation, qui l'avait gard��e dans son pensionnat. C'��tait du couvent qu'elle arrivait tout droit, la sup��rieure ayant fini par lui trouver cette place de lectrice, chez sa vieille amie, Mme Vanzade, devenue presque aveugle.
Claude restait muet, �� ces nouveaux d��tails. Ce couvent, cette orpheline bien ��lev��e, cette aventure qui tournait au romanesque le rendaient �� son embarras, �� sa maladresse de gestes et de paroles. Il ne travaillait plus, les yeux baiss��s sur son croquis.
?C'est joli, Clermont? demanda-t-il enfin.
--Pas beaucoup, une ville noire.... Puis, je ne sais gu��re, je sortais �� peine.? Elle s'��tait accoud��e, elle continua tr��s bas, comme se parlant �� elle-m��me, d'une voix encore bris��e des sanglots de son deuil:
?Maman, qui n'��tait pas forte, se tuait �� la besogne....
Elle me gatait, il n'y avait rien de trop beau pour moi, j'avais des professeurs de tout; et je profitais si peu, d'abord j'��tais tomb��e malade, puis je n'��coutais pas, toujours �� rire, le sang �� la t��te.... La musique m'ennuyait, des crampes me tordaient les bras au piano. C'est encore la peinture qui allait le mieux....? Il leva la t��te, il l'interrompit d'une exclamation.
?Vous savez peindre!--Oh! non, je ne sais rien, rien du tout.... Maman, qui avait beaucoup de talent, me faisait faire un peu d'aquarelle, et je l'aidais parfois pour les fonds de ses ��ventails....
Elle en peignait de si beaux!? Elle eut, malgr�� elle, un regard autour de l'atelier, sur les esquisses terrifiantes, dont les murs flambaient; et, dans ses yeux clairs, un trouble reparut, l'��tonnement inquiet de cette peinture brutale. De loin, elle voyait �� l'envers l'��tude que le peintre avait ��bauch��e d'apr��s elle, si constern��e des tons violents, des grands traits de pastel sabrant les ombres, qu'elle n'osait demander �� la regarder de pr��s. D'ailleurs, mal �� l'aise dans ce lit o�� elle br?lait, elle s'agitait, tourment��e de l'id��e de s'en aller, d'en finir avec ces choses qui lui semblaient un songe depuis la veille.
Sans doute, Claude eut conscience de cet ��nervement.
Une brusque honte l'emplit de regret. Il lacha son dessin inachev��, il dit tr��s vite:
?Merci bien de votre complaisance, mademoiselle....
Pardonnez-moi, j'ai abus��, vraiment.... Levez-vous, levez-vous, je vous en prie. Il est temps d'aller �� vos affaires.?
Et, sans comprendre pourquoi elle ne se d��cidait pas, rougissante, renfon?ant au contraire son bras nu, �� mesure qu'il s'empressait devant elle, il lui r��p��tait de se lever.
Puis, il eut un geste de fou, il repla?a le paravent et gagna l'autre bout de l'atelier, en se jetant �� une exag��ration de pudeur, qui lui fit ranger bruyamment sa vaisselle, pour qu'elle p?t sauter du lit et se v��tir, sans craindre d'��tre ��cout��e.
Au milieu du tapage qu'il d��cha?nait, il n'entendait pas une voix h��sitante.
?Monsieur, monsieur....?! Enfin, il tendit l'oreille.
?Monsieur, si vous ��tiez assez Obligeant.... Je ne trouve pas mes bas.? Il se pr��cipita. O�� avait-il la t��te? que voulait-il qu'elle dev?nt, en chemise derri��re ce paravent, sans les bas et les jupes qu'il avait ��tendus au soleil? Les bas ��taient secs, il s'en assura en les frottant doucement; puis, il les passa par-dessus la mince cloison, et il aper?ut une derni��re fois le bras nu, frais et rond, d'un charme d'enfance. Il lan?a ensuite les jupes sur le pied du lit, poussa les bottines, ne laissa que le chapeau pendu �� un chevalet.
Elle avait dit merci, elle ne parlait plus, il distinguait �� peine des fr?lements de linges, des bruits discrets d'eau remu��e. Mais lui, continuait de s'occuper d'elle.
?Le savon est dans une soucoupe, sur la table.... Ouvrez le tiroir, n'est-ce pas? et prenez une serviette propre....
Voulez-vous de l'eau davantage? Je vous passerai le broc.? L'id��e qu'il retombait dans ses maladresses l'exasp��ra tout �� coup.
?Allons, voil�� que je vous emb��te encore! Faites comme chez vous.? Il retourna �� son m��nage. Un d��bat l'agitait. Devait-il lui offrir �� d��jeuner? Il ��tait difficile de la laisser partir ainsi. D'autre part, ?a n'en finirait plus, il allait perdre
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