LOeuvre | Page 7

Emile Zola
la v��rit�� vraie, uniquement d��sireux de prolonger la s��ance.
Christine, simplement, en quelques paroles, conta les choses. C'��tait la veille au matin qu'elle avait quitt�� Clermont, pour venir �� Paris, o�� elle allait entrer comme lectrice chez la veuve d'un g��n��ral, Mme Vanzade, une vieille dame tr��s riche, qui habitait Passy. Le train, r��glementairement, arrivait �� neuf heures dix, et toutes les pr��cautions ��taient prises, une femme de chambre devait l'attendre, on avait m��me fix�� par lettres un signe de reconnaissance, une plume gris�� �� son chapeau noir.
Mais voil�� que son train ��tait tomb��, un peu au-dessus de Nevers, sur un train de marchandises dont les voitures d��raill��es et bris��es obstruaient la voie. Alors avait commenc�� une s��rie de contretemps et de retards, d'abord une interminable pause dans les wagons immobiles, puis l'abandon forc�� de ces wagons, les bagages, laiss��s l�� en arri��re, les voyageurs oblig��s de faire trois kilom��tres �� pied pour atteindre une station, o�� l'on s'��tait d��cid�� �� former un train de sauvetage. On avait perdu deux heures, et deux autres furent perdues encore, dans le trouble que l'accident occasionnait, d'un bout �� l'autre de la ligne; si bien qu'on ��tait entr�� en gare avec quatre heures de retard, �� une heure du matin seulement.
?Pas de chance! interrompit Claude, toujours incr��dule, combattu pourtant, surpris de la fa?on ais��e dont s'arrangeaient les complications de cette histoire. Et, naturellement, personne ne vous attendait plus?? En effet, Christine n'avait pas trouv�� la femme de chambre de Mme Vanzade, qui sans doute s'��tait lass��e.
Et elle disait son ��moi dans la gare de Lyon, cette grande halle inconnue, noire, vide, bient?t d��serte, �� cette heure avanc��e de la nuit. D'abord, elle n'avait point os�� prendre une voiture, se promenant avec son petit sac, esp��rant que quelqu'un viendrait. Puis, elle s'��tait d��cid��e, mais trop tard, car il n'y avait plus l�� qu'un cocher tr��s sale, empestant le vin, qui r?dait autour d'elle, en s'offrant d'un air goguenard.
?Oui, un rouleur, reprit Claude, int��ress�� maintenant, comme s'il e?t assist�� �� la r��alisation d'un conte bleu.
Et vous ��tes mont��e dans sa voiture?? Les yeux au plafond, Christine continua, sans quitter la pose:
?C'est lui qui m'a forc��e. Il m'appelait sa petite, il me faisait peur.... Quand il a su que j'allais �� Passy, il s'est fach��, il a fouett�� son cheval si fort, que j'ai d? me cramponner aux porti��res. Puis, je me suis rassur��e un peu, le fiacre roulait doucement dans des rues ��clair��es, je voyais du monde sur les trottoirs. Enfin, j'ai reconnu la Seine. Je ne suis jamais venue �� Paris, mais j'avais regard�� un plan.... Et je pensais qu'il filerait tout le long des quais, lorsque j'ai ��t�� reprise de peur, en m'apercevant que nous passions sur un pont. Justement, la pluie commen?ait, le fiacre, qui avait tourn�� dans un endroit tr��s noir, s'est brusquement arr��t��. C'��tait le cocher qui 'descendait de son si��ge et qui voulait entrer avec moi dans la voiture.... Il disait qu'il pleuvait trop....? Claude se mit �� rire. Il ne doutait plus, elle ne pouvait inventer ce cocher-l��. Comme elle se taisait, embarrass��e:
?Bon! bon! le farceur plaisantait.--Tout de suite, j'ai saut�� sur le pav��, par l'autre porti��re. Alors, il a jur��, il m'a dit que nous ��tions arriv��s et qu'il m'arracherait mon chapeau, si je ne le payais pas.... La pluie tombait �� torrents, le quai ��tait absolument d��sert. Je perdais la t��te, j'ai sorti une pi��ce de cinq francs, et il a fouett�� son cheval, et il est parti en emportant mon petit sac, o�� il n'y avait heureusement que deux mouchoirs, une moiti�� de brioche et la clef de ma malle, rest��e en route.
--Mais on prend le num��ro de la voiture!? cria le peintre indign��.
Maintenant, il se souvenait d'avoir ��t�� fr?l�� par un fiacre fuyant �� toutes roues, comme il traversait le pont Louis-Philippe, dans le ruissellement de l'orage. Et il s'��merveillait de l'invraisemblance de la v��rit��, souvent. Ce qu'il avait imagin��, pour ��tre simple et logique, ��tait tout bonnement stupide, �� c?t�� de ce cours naturel des infinies combinaisons de la vie.
?Vous pensez si j'��tais heureuse, sous cette porte! acheva Christine. Je savais bien que je n'��tais pas �� Passy, j'allais donc coucher la nuit l��, dans ce Paris terrible. Et ces tonnerres, et ces ��clairs, oh! ces ��clairs tout bleus, tout rouges, qui me montraient des choses �� faire trembler!? Ses paupi��res de nouveau s'��taient closes, un frisson palit son visage, elle revoyait la cit�� tragique, cette trou��e des quais s'enfon?ant dans des rougeoiements de fournaise, ce foss�� profond de la rivi��re roulant des eaux de plomb, encombr�� de grands corps noirs, de chalands pareils �� des baleines mortes, h��riss�� de grues immobiles, qui allongeaient des bras de potence. ��tait-ce donc l�� une bienvenue? Il y eut un silence. Claude s'��tait remis �� son dessin.
Mais
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