LOeuvre | Page 9

Emile Zola
d��cid��ment sa matin��e de travail. Sans rien r��soudre, apr��s avoir allum�� sa lampe �� esprit-de-vin, il lava la casserole et se mit �� faire du chocolat, ce qu'il jugeait plus distingu��, sourdement honteux de son vermicelle, une pat��e o�� il coupait du pain et qu'il baignait d'huile �� la mode du Midi. Mais il ��miettait encore le chocolat dans la casserole, lorsqu'il eut une exclamation! ?Comment! d��j��!? C'��tait Christine qui repoussait le paravent et qui apparaissait, nette et correcte dans ses v��tements noirs, lac��e, boutonn��e, ��quip��e en un tour de main. Son visage ros�� ne gardait m��me pas l'humidit�� de l'eau; son lourd chignon se tordait sur sa nuque, sans qu'une m��che d��passat. Et Claude restait b��ant devant ce miracle de promptitude, cet entrain de petite m��nag��re �� s'habiller vite et bien.
?Ah! fichtre, si vous faites tout comme ?a!? Il la trouvait plus grande et plus belle qu'il n'aurait cru. Ce qui le frappait surtout, c'��tait son air de tranquille d��cision. Elle ne le craignait plus, ��videmment. Il semblait qu'au sortir de ce lit d��fait, o�� elle se sentait sans d��fense, elle e?t remis son armure, avec ses bottines et sa robe.
Elle soudait, le regardait droit dans les yeux. Et il dit ce qu'il h��sitait encore �� dire!?Vous allez d��jeuner avec moi, n'est-ce pas?? Mais elle refusa.
?Non, merci.... Je vais courir �� la gare, o�� ma malle est s?rement arriv��e, et je me ferai conduire ensuite �� Passy.? Vainement, il lui r��p��ta qu'elle devait avoir faim, que ce n'��tait gu��re raisonnable de sortir ainsi sans manger.
?Alors, je descends vous chercher un fiacre.
--Non, je vous en prie, ne vous donnez pas cette peine.
--Voyons, vous ne pouvez faire un pareil voyage �� pied. Permettez-moi, au moins, de vous accompagner jusqu'�� la station de voitures, puisque vous ne connaissez point Paris.
--Non, non, je n'ai, pas besoin de vous.... Si vous voulez ��tre aimable, laissez-moi m'en aller toute seule.? C'��tait un parti pris. Sans doute, elle se r��voltait �� l'id��e d'��tre rencontr��e avec un homme, m��me par des inconnus: elle tairait sa nuit, elle mentirait et garderait pour elle le souvenir de l'aventure. Lui, d'un geste de col��re, affecta de l'envoyer au diable. Bon d��barras! ?a l'arrangeait de ne pas descendre. Et il demeurait bless�� au fond, il la trouvait ingrate.
?Comme il vous plaira, apr��s tout. Je n'emploierai pas la force.?
�� cette phrase, le sourire vague de Christine augmenta, abaissa finement les coins d��licats de ses l��vres. Elle ne dit rien; elle prit son chapeau, chercha du regard une glace; puis, n'en trouvant pas, elle se d��cida �� nouer les brides au petit bonheur des doigts. Les coudes lev��s, elle roulait, tirait les rubans sans hate, le visage dans le reflet dor�� du soleil. Surpris, Claude ne reconnaissait plus les traits d'une douceur enfantine qu'il venait de dessiner, le haut semblait noy��, le front limpide, les yeux tendres, c'��tait �� pr��sent le bas qui avan?ait, la machoire passionn��e, la bouche saignante, aux belles dents. Et toujours ce sourire ��nigmatique des jeunes filles, qui raillait peut-��tre.
?En tout cas, reprit-il, agac��, je ne pense pas que vous ayez un reproche �� me faire.?
Alors, elle ne put retenir son rire, un l��ger rire nerveux.
?Non, non, monsieur, pas le moindre.? Il continuait �� la regarder, rendu au combat de ses timidit��s et de ses ignorances, craignant d'avoir ��t�� ridicule.
Que savait-elle donc, cette grande demoiselle? Sans doute ce que les filles savent en pension, tout et rien. C'est l'insondable, l'obscure ��closion de la chair et du coeur, o�� personne ne descend. Dans ce lieu libre d'artiste, cette pudique sensuelle venait-elle de s'��veiller, avec sa curiosit�� et sa crainte confuses de l'homme? Maintenant qu'elle ne tremblait plus, avait-elle la surprise un peu m��prisante d'avoir trembl�� pour rien? Quoi! pas une galanterie, pas m��me un baiser sur le bout des doigts! L'indiff��rence bourrue de ce gar?on, qu'elle avait sentie, devait irriter en elle la femme qu'elle n'��tait pas encore, et elle s'en allait ainsi, chang��e, ��nerv��e, faisant la brave dans son d��pit, emportant le regret inconscient des choses inconnues et terribles qui n'��taient pas arriv��es.
?Vous dites, reprit-elle en redevenant grave, que la station de voitures est au bout du pont, sur l'autre quai?
--Oui, �� l'endroit o�� il y a un bouquet d'arbres.? Elle avait achev�� de nouer ses brides, elle ��tait pr��te, gant��e, les mains ballantes, et elle ne partait pas, regardant devant elle. Ses yeux ayant rencontr�� la grande toile tourn��e contre le mur, elle eut envie de demander �� la voir, puis elle n'osa pas. Rien ne la retenait plus, elle avait pourtant l'air de chercher encore, comme si elle avait eu la sensation de laisser l�� quelque chose, une chose qu'elle n'aurait pu nommer. Enfin, elle se dirigea vers la porte.
Claude l'ouvrit, et un petit pain, pos�� debout, tomba dans l'atelier.
?Vous voyez, dit-il, vous auriez d? d��jeuner avec
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 165
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.