LOeuvre | Page 6

Emile Zola
sous sa t��te, en ayant bien soin de tenir, de son autre main, rest��e cach��e, la couverture tamponn��e autour de son cou.?Ah! que vous ��tes bonne!... Je vais me d��p��cher, vous serez libre tout de suite.? Il s'��tait courb�� sur son dessin, il ne lui jetait plus que ces clairs regards du peintre, pour qui la femme a disparu, et qui ne voit que le mod��le. D'abord, elle ��tait redevenue rose, la sensation de son bras nu, de ce peu d'elle-m��me qu'elle aurait montr�� ing��nument dans un bal, l'emplissait l�� de confusion. Puis, ce gar?on lui parut si raisonnable, qu'elle se tranquillisa, les joues refroidies, la bouche d��tendue en un vague sourire de confiance. Et, entre ses paupi��res mi-closes, elle l'��tudiait �� son tour.
Comme il l'avait terrifi��e depuis la veille, avec sa forte barbe, sa grosse t��te, ses gestes emport��s! Il n'��tait pas laid pourtant, elle d��couvrait au fond de ses yeux bruns une grande tendresse, tandis que son nez la surprenait, lui aussi, un nez d��licat de femme, perdu dans les poils h��riss��s des l��vres. Un petit tremblement d'inqui��tude nerveuse le secouait, une continuelle passion qui semblait faire vivre le crayon au bout de ses doigts minces, et dont elle ��tait tr��s touch��e, sans savoir pourquoi. Ce ne pouvait ��tre un m��chant. Il ne devait avoir que la brutalit�� des timides. Tout cela, elle ne l'analysait pas tr��s bien, mais elle le sentait, elle se mettait �� l'aise, comme chez un ami.
L'atelier, il est vrai, continuait �� l'effarer un peu. Elle y jetait des regards prudents, stup��faite d'un tel d��sordre et d'un tel abandon. Devant le po��le, les cendres du dernier hiver s'amoncelaient encore. Outre le lit, la petite table de toilette et le divan, il n'y avait d'autres meubles qu'une vieille armoire de ch��ne disloqu��e, et qu'une grande table de sapin, encombr��e de pinceaux, de couleurs, d'assiettes sales, d'une lampe �� esprit-de-vin, sur laquelle ��tait rest��e une casserole, barbouill��e de vermicelle. Des chaises d��paill��es se d��bandaient, parmi des chevalets boiteux. Pr��s du divan, la bougie de la veille tra?nait par terre, dans un coin du parquet, qu'on devait balayer tous les mois; et il n'y avait que le coucou, un coucou ��norme, enlumin�� de fleurs rouges, qui par?t gai et propre, avec son tic-tac sonore. Mais ce dont elle s'effrayait surtout, c'��tait des esquisses pendues aux murs, sans cadres, un flot ��pais d'esquisses qui descendait jusqu'au sol, o�� il s'amassait en un ��boulement de toiles jet��es p��le-m��le.
Jamais elle n'avait vu une si terrible peinture, rugueuse, ��clatante, d'une violence de tons qui la blessait comme un juron de charretier, entendu sur la porte d'une auberge.
Elle baissait les yeux, attir��e pourtant par un tableau retourn��, le grand tableau auquel travaillait le peintre, et qu'il poussait chaque soir vers la muraille, afin de le mieux juger le lendemain, dans la fra?cheur du premier coup d'oeil. Que pouvait-il cacher, celui-l��, pour qu'on n'osat m��me pas le montrer? Et, au travers de la vaste pi��ce, la nappe de br?lant soleil, tomb��e des vitres, voyageait, sans ��tre temp��r��e par le moindre store, coulant ainsi qu'un or liquide sur tous ces d��bris de meuble, dont elle accentuait l'insoucieuse mis��re.
Claude finit par trouver le silence lourd. Il voulut dire un mot, n'importe quoi, dans l'id��e d'��tre poli, et surtout pour la distraire de la pose. Mais il eut beau chercher, il n'imagina que cette question: ?Comment vous nommez-vous?? Elle ouvrit les yeux qu'elle avait ferm��s, comme reprise de sommeil.
?Christine.? Alors, il s'��tonna. Lui non plus n'avait pas dit son nom: Depuis la veille, ils ��taient l��, c?te �� c?te, sans se conna?tre.
?Moi, je me nomme Claude.? Et, l'ayant regard��e �� ce moment, il la vit qui ��clatait d'un joli rire. C'��tait l'��chapp��e joueuse d'une grande fille encore gamine. Elle trouvait dr?le cet ��change tardif de leurs noms. Puis une autre id��e l'amusa.
?Tiens! Claude, Christine, ?a commence par la m��me lettre.? Le silence retomba. Il clignait les paupi��res, s'oubliait, se sentait �� bout d'imagination. Mais il crut remarquer en elle un malaise d'impatience, et dans la terreur qu'elle ne bougeat, il reprit au hasard, pour l'occuper:
?Il fait un peu chaud.? Cette fois, elle ��touffa son rire, cette gaiet�� native qui renaissait et partait malgr�� elle, depuis qu'elle se rassurait.
La chaleur devenait si forte, qu'elle ��tait dans le lit comme dans un bain, la peau, moite et palissante, de la paleur laiteuse des cam��lias.
?Oui, un peu chaud?, r��pondit-elle s��rieusement, tandis que ses yeux s'��gayaient.
Claude, alors, conclut de son air bonhomme:
?C'est ce soleil qui entre. Mais, bah! ?a fait du bien, un bon coup de soleil dans la peau.... Dites donc, cette nuit, nous aurions eu besoin de ?a, sous la porte.? Tous deux ��clat��rent, et lui, enchant�� d'avoir d��couvert enfin un sujet de conversation, la questionna sur son aventure, sans curiosit��, se souciant peu au fond de savoir
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