LOeuvre | Page 5

Emile Zola
��clairant l'ambre d��licat des ��paules. Une modestie inqui��te le rapetissait devant la nature, il serrait les coudes, il redevenait un petit gar?on, tr��s sage, attentif et respectueux. Cela dura pr��s d'un quart d'heure, il s'arr��tait parfois, clignait les jeux.
Mais il avait peur qu'elle ne bougeat, il se remettait vite �� la besogne, en retenant sa respiration, par crainte de l'��veiller.
Cependant, de vagues raisonnements recommen?aient �� bourdonner en lui, dans son application au travail. Qui pouvait-elle ��tre? �� coup s?r, pis une gueuse, comme il l'avait pens��, car elle ��tait trop fra?che. Mais pourquoi lui avait-elle cont�� une histoire si peu croyable? Et il imaginait d'autres histoires: une d��butante tomb��e �� Paris avec un amant, qui l'avait lach��e; ou bien une petite bourgeoise d��bauch��e par une amie, n'osait rentrer chez ses parents; ou encore un drame plus compliqu��, des perversions ing��nues et extraordinaires, des choses effroyables qu'il ne saurait jamais. Ces hypoth��ses augmentaient son incertitude, il passa �� l'��bauche d? visage, en l'��tudiant avec soin. Le haut ��tait d'une grande bont��, d'une grande douceur, le front limpide, uni comme un clair miroir, le nez petit, aux fines ailes nerveuses; et l'on sentait le sourire des yeux sous les paupi��res, un sourire qui devait illuminer toute la face. Seulement, le bas gatait ce rayonnement de tendresse, la machoire avan?ait, les l��vres trop fortes saignaient, montrant des dents solides et blanches. C'��tait comme un coup de passion, la pubert�� grondante et qui s'ignorait, dans ces traits noy��s, d'une d��licatesse enfantine.
Brusquement, un frisson courut, pareil �� une moire sur le satin de sa peau. Peut-��tre avait-elle senti enfin ce regard d'homme qui la fouillait. Elle ouvrit les paupi��res toutes grandes, elle poussa un cri.
?Ah! mon Dieu!? Et une stupeur la paralysa, ce lieu inconnu, ce gar?on en manches de chemise, accroupi devant elle, la mangeant des yeux. Puis, dans un ��lan ��perdu, elle ramena la couverture, elle l'��crasa de ses deux bras sur sa gorge, le sang fouett�� d'une telle angoisse pudique, que la rougeur ardente de ses joues coula jusqu'�� la pointe de ses seins, en un flot rose.
?Eh bien, quoi donc? cria Claude, m��content, le crayon en l'air, que vous prend-il?? Elle ne parlait plus, elle ne bougeait plus, le drap serr�� au cou, pelotonn��e, repli��e sur elle-m��me, bossuant �� peine le lit.
?Je ne vous mangerai pas peut-��tre.... Voyons, soyez gentille, remettez-vous comme vous ��tiez.? Un nouveau flot de sang lui rougit les oreilles. Elle finit par b��gayer.?Oh! non, oh! non, monsieur!...? Mais lui se fachait peu �� peu, dans une de ces brusques pouss��es de col��re dont il ��tait coutumier. Cette obstination lui semblait stupide.
?Dites, qu'est-ce que ?a peut vous faire? En voil�� un grand malheur, si je sais comment vous ��tes batie!... J'en ai vu d'autres.? Alors, elle sanglota, et il s'emporta tout �� fait, d��sesp��r�� devant son dessin, jet�� hors de lui par la pens��e qu'il ne l'ach��verait pas, que la pruderie de cette fille l'emp��cherait d'avoir une bonne ��tude pour son tableau.
?Vous ne voulez pas, hein? mais c'est imb��cile! Pour qui me prenez-vous?... Est-ce que je vous ai touch��e, dites? Si j'avais song�� �� des b��tises, j'aurais eu l'occasion belle, cette nuit.... Ah! ce que je m'en moque, ma ch��re!... Vous pouvez bien tout montrer.... Et puis, ��coutez, ce n'est pas tr��s gentil de me refuser ce service, car enfin je vous ai ramass��e, vous avez couch�� dans mon lit.? Elle pleurait plus fort, la t��te cach��e au fond de l'oreiller.
?Je vous jure que j'en ai besoin, autrement je ne vous tourmenterais pas.? Tant de larmes le surprenaient, une honte lui venait de sa rudesse; et il se tut, embarrass��, il la laissa se calmer un peu; ensuite, il recommen?a, d'une voix tr��s douce:
?Voyons, puisque ?a vous contrarie, n'en parlons plus....
Seulement, si vous saviez! J'ai l�� une figure de mon tableau qui n'avance pas du tout, et vous ��tiez si bien dans la note! Moi, quand il s'agit de cette sacr��e peinture; j'��gorgerais p��re et m��re. N'est-ce pas? vous m'excusez....
Et, tenez! si vous ��tiez aimable, vous me donneriez encore quelques minutes. Non, non, restez donc tranquille! pas le torse, je ne demande pas le torse! La t��te, rien que la t��te! Si je pouvais finir la t��te, au moins!... De grace, soyez aimable, remettez votre bras comme il ��tait, et je vous en serai reconnaissant, voyez-vous, oh! reconnaissant toute ma vie!? �� cette heure, il suppliait, il agitait pitoyablement son crayon, dans l'��motion de son gros d��sir d'artiste. Du reste, il n'avait pas boug��, toujours accroupi sur la chaise basse, loin d'elle. Alors, elle se risqua, d��couvrit son visage apais��. Que pouvait-elle faire? Elle ��tait �� sa merci, et il avait l'air si malheureux! Pourtant elle eut une h��sitation, une derni��re g��ne. Et, lentement, sans dire un mot, elle sortit son bras nu, elle le glissa de nouveau
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