LOeuvre | Page 4

Emile Zola
menti, pour ce qu'il voulait faire d'elle, il s'en moquait! Le lendemain, elle reprendrait la porte: bonjour, bonsoir, et ce serait fini, on ne se reverrait jamais plus.
Au jour seulement, comme les ��toiles palissaient, il parvint �� s'endormir. Derri��re le paravent, elle, malgr�� la fatigue ��crasante du voyage, continuait �� s'agiter, tourment��e par la lourdeur de l'air, sous le zinc chauff�� du toit; et elle se g��nait moins, elle eut une brusque secousse d'impatience nerveuse, un soupir irrit�� de vierge, dans le malaise de cet homme, qui dormait l��, pr��s d'elle.
Le matin, Claude, en ouvrant les yeux, battit des paupi��res. Il ��tait tr��s tard, une large nappe de soleil tombait de la baie vitr��e. C'��tait une de ses th��ories, que les jeunes peintres du plein air devaient louer les ateliers dont ne voulaient pas les peintres acad��miques, ceux que le soleil visitait de la flamme vivante de ses rayons.
Mais un premier ahurissement l'avait fait s'asseoir, les jambes nues. Pourquoi diable se trouvait-il couch�� sur son divan? et il promenait ses yeux, encore troubles de sommeil, quand il aper?ut, �� moiti�� cach�� par le paravent, un paquet de jupes. Ah! oui, cette fille, il se souvenait! Il pr��ta l'oreille, il entendit une respiration longue et r��guli��re, d'un bien-��tre d'enfant. Bon! elle dormait toujours, et si calme, que ce serait dommage de la r��veiller.
Il restait ��tourdi, il se grattait les jambes, ennuy�� de cette aventure dans laquelle il retombait, et qui allait lui gater sa matin��e de travail. Son coeur tendre l'indignait, le mieux ��tait de la secouer, pour qu'elle filat tout de suite.
Cependant, il passa un pantalon doucement, chaussa des pantoufles, marcha sur la pointe des pieds.
Le coucou sonna neuf heures, et Claude eut un geste inquiet. Rien n'avait boug��, le petit souffle continua.
Alors, il pensa que le mieux ��tait de se remettre �� son grand tableau: il ferait son d��jeuner plus tard, quand il pourrait remuer. Mais il ne se d��cidait point. Lui qui vivait l��, dans un d��sordre abominable, ��tait g��n�� par le paquet des jupes, gliss��es �� terre. De l'eau avait coul��, les v��tements ��taient tremp��s encore. Et, tout en ��touffant des grognements, il finit par les ramasser, un �� un, et par les ��tendre sur des chaises, au grand soleil. S'il ��tait permis de tout jeter ainsi �� la d��bandade! Jamais ?a ne serait sec, jamais elle ne s'en irait! Il tournait et retournait maladroitement ces chiffons de femme, s'embarrassait dans le corsage de laine noire, cherchait �� quatre pattes les bas, tomb��s derri��re une vieille toile. C'��taient des bas de fil d'��cosse, d'un gris cendr��, longs et fins, qu'il examina, avant de les pendre. Le bord de la robe les avait mouill��s, eux aussi; et il les ��tira, il les passa entre ses mains chaudes, pour la renvoyer plus vite.
Depuis qu'il ��tait debout, Claude avait envie d'��carter le paravent et de voir. Cette curiosit��, qu'il jugeait b��te, redoublait sa mauvaise humeur. Enfin, avec son haussement d'��paules habituel, il empoignait ses brosses, lorsqu'il y eut des mots balbuti��s, au milieu d'un grand froissement de linges; et l'haleine douce reprit, et il c��da cette fois, lachant les pinceaux, passant la t��te. Mais ce qu'il aper?ut l'immobilisa, grave, extasi��, murmurant:
?Ah! fichtre!... Ah! fichtre!...? La jeune fille; dans la chaleur de serre qui tombait des vitres, venait de rejeter le drap; et, an��antie sous l'accablement des nuits sans sommeil, elle dormait, baign��e de lumi��re, si inconsciente, que pas une onde ne passait sur sa nudit�� pure. Pendant la fi��vre d'insomnie, les boutons des ��paulettes de sa chemise avaient d? se d��tacher, toute la manche gauche glissait, d��couvrant la gorge. C'��tait une chair dor��e, d'une finesse de soie, le printemps de la chair, deux petits seins rigides, gonfl��s de s��ve, o�� pointaient deux roses pales. Elle avait pass�� le bras droit sous sa nuque, sa t��te ensommeill��e se renversait, sa poitrine confiante s'offrait, dans une adorable ligne d'abandon; tandis que ses cheveux noirs, d��nou��s, la v��taient encore d'un manteau sombre.
?Ah! fichtre! elle est bigrement bien!? C'��tait ?a, tout �� fait ?a, la figure qu'il avait inutilement cherch��e pour son tableau, et presque dans la pose. Un peu mince, un peu gr��le d'enfance, mais si souple, d'une jeunesse si fra?che! Et, avec ?a, des seins d��j�� m?rs. O�� diable la cachait-elle, la veille, cette gorge-l��, qu'il ne l'avait pas devin��e? Une vraie trouvaille! L��g��rement, Claude courut prendre sa bo?te de pastel et une grande feuille de papier. Puis, accroupi au bord d'une chaise basse, il posa sur ses genoux un carton, il se mit �� dessiner, d'un air profond��ment heureux. Tout son trouble, sa curiosit�� charnelle, son d��sir combattu aboutissaient �� cet ��merveillement d'artiste, �� cet enthousiasme pour les beaux tons et les muscles bien emmanch��s.
D��j��, il avait oubli�� la jeune fille, il ��tait dans le ravissement de la neige des seins,
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