évoqué par le roi Albert
dans sa première proclamation à l'armée. Il y eut maint corps à corps, et
si près des forts qu'on a vu s'amonceler sur leurs glacis des tas de
cadavres allemands d'une hauteur de 1 m. 10 à 1 m. 40!
[Illustration: L'attaque brusquée de Liége, les 5, 6 et 7 août, par trois
corps allemands.
_Croquis du capitaine Ch. Kerremans, ne mentionnant pas les chemins
de fer, rendus inutilisables._]
Dans la nuit de jeudi à vendredi, le 7e corps d'armée allemand revenait
à la charge pour essayer de franchir la Meuse à la hauteur de Visé,
parallèlement à une attaque dans l'intervalle des forts d'Evegnée et de
Barchon. Wallons et Flamands, prenant brusquement l'offensive,
sortirent des espaces protégés et se jetèrent sur les assaillants avec une
telle ardeur qu'ils les décimèrent, enlevant plusieurs canons et drapeaux,
faisant un nombre considérable de prisonniers, et obligeant les
Allemands à évacuer 8.000 blessés en territoire hollandais.
Ce fut le point culminant de ces trois jours de luttes. Au total, les
Allemands avaient perdu en tués, blessés et prisonniers, presque
l'effectif d'un corps d'armée, d'où leur demande d'armistice. La grande
Allemagne obligée d'implorer une grâce de la petite Belgique dès le
début de la lutte!
Mais la proportion du carnage est peu de chose à côté du résultat
général obtenu. Il apparaît clairement que la brillante action des Belges
fit avorter un projet de raid colossal des forces du kaiser sur la frontière
française, avec Reims ou même Paris comme objectif. Car on a
constaté que les trois corps d'armée allemands qui furent aux prises
avec la 3e division belge étaient très pauvres en vivres et munitions,
sans avoir été coupés de leurs bases d'approvisionnements. On ne peut
guère supposer qu'une puissance, qui a prémédité si longtemps cette
guerre abominable, ait négligé ses précautions au point que son
avant-garde de 125.000 hommes se trouvât au bout de trois jours à
court de pain et de cartouches. Il faut donc admettre que les trois
premiers corps d'invasion avaient été chargés le plus légèrement
possible, avec mission de traverser la Belgique en rafale pour
surprendre et affoler la population française.
L'admirable conduite de la 3e division belge, si hautement récompensée
par la croix de la Légion d'honneur à la ville de Liége, n'a pas
seulement empêché le raid des avant-gardes teutonnes vers la France;
elle a permis à une centaine de mille hommes de l'armée de campagne
belge de se former complètement, d'occuper les meilleures positions
possibles en travers de la route visée par l'ennemi et d'opérer leur
jonction avec d'imposantes masses françaises, élevant ainsi entre votre
frontière et celle de la Prusse une barrière qui semble désormais
infranchissable, même si leurs premiers revers à Liége et le premier et
brillant succès des Français à Altkirch n'affectent point profondément
le moral d'une armée incontestablement courageuse et endurante.
Le moral!... Rien n'a mieux montré que ces préliminaires d'une guerre
monstrueuse le rôle énorme qu'il joue dans une telle lutte! C'est
l'iniquité de l'agression allemande, le mépris affiché par le kaiser pour
la lettre et l'esprit des traités, la mauvaise foi et la duplicité de ses
procédés, la férocité des actes dictés à ses troupes, l'évidence de la
longue préméditation de son crime par un système de fourberie et
d'espionnage qui nous avait peuplés d'avance d'ennemis déguisés en
commerçants, banquiers, commis-voyageurs, armateurs; c'est cette
véritable application des méthodes de l'apache allant jusqu'à une
tentative d'assassinat contre le général Leman, l'héroïque défenseur de
Liége, qui a révolté les Belges, comme le reste du monde, au plus
profond de leur conscience et leur a inspiré brusquement l'irrésistible
élan contre lequel sont venues se briser les premières hordes des
nouveaux barbares.
GÉRARD HARRY.
_D'autre part, un de nos collaborateurs particulièrement versé dans les
questions d'artillerie et de génie militaire, nous fait connaître, dans ses
grandes lignes, le système défensif de la place de Liége; il nous révèle
en même temps le principe et les défauts de l'attaque menée par l'armée
allemande_:
LE SYSTÈME DES FORTS DE LA MEUSE
Le général Brialmont, l'illustre ingénieur militaire belge qui a construit,
de 1888 à 1891, les forts de Liége et de Namur, avait étudié avec le
plus grand soin les expériences exécutées dans notre pays en 1886 au
fort de la Malmaison, avec les obus à mélinite. Il avait été le premier à
tirer de ces expériences des conséquences pratiques que l'on trouve
résumées dans son livre de 1888: _l'Influence du tir plongeant et des
obus-torpilles sur la fortification_.
[Illustration: VUE CAVALIÈRE DE LIÉGE ET DE SES FORTS
Dessin de L. TRINQUIER.]
[Illustration: Le roi des Belges se rendant au Parlement, acclamé par la
population bruxelloise.--Phot. HENNEBERT.]
Les essais de 1886 lui avaient montré d'une façon indéniable que les
forts existant à cette époque étaient incapables de résister aux
obus-torpilles,
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