et que leurs murs de revêtement s'écroulaient d'une
façon instantanée quand un obus à grande capacité venait éclater
derrière eux, dans les terres qu'ils étaient chargés de soutenir.
Aussi le général Brialmont n'avait-il pas été long à comprendre qu'il
fallait remplacer la maçonnerie classique des voûtes, maçonnerie si
facile à fissurer, par une matière homogène et résistante comme le
béton de ciment, et cela tout en triplant les épaisseurs habituellement
employées. On revenait ainsi, par un détour quelque peu inattendu, à un
genre de fortification qui rappelait singulièrement celle du moyen âge
et les massifs imposants que l'on admire encore dans les donjons de
Ham, de Coucy et de Vincennes.
Le général Brialmont avait également compris que les canons des forts,
installés dans des emplacements trop visibles ou trop facilement
repérables, étaient devenus incapables de tirer utilement _à ciel ouvert_
et qu'il fallait les cuirasser ou les établir dans des coupoles tournantes,
si l'on voulait pouvoir conserver leurs feux.
D'accord avec l'ancienne école française, le général avait voulu garder
aux forts détachés un rôle prépondérant depuis le début de l'attaque
jusqu'à la fin du siège, alors que les Allemands prétendent encore ne
faire entrer les forts en jeu qu'au moment de l'attaque rapprochée. A sa
manière de procéder, il trouvait notamment l'avantage primordial de
garantir la place contre les surprises ou les attaques brusquées de
l'adversaire. «La principale garantie contre les attaques de vive force
réside, écrivait-il, dans l'impossibilité où se trouve l'assiégeant de
réduire au silence les bouches à feu cuirassées des forts.»
Les événements qui viennent de se passer en Belgique démontrent
jusqu'à l'évidence la parfaite justesse des conclusions du général
Brialmont. Grâce à lui les Allemands se sont trouvés, la semaine
dernière, en présence de forts qu'il est à peu près impossible de réduire
en quelques heures par une attaque brusquée, quelle qu'en soit la
puissance. Peut-être contre une attaque régulière, menée à loisir et
longuement prolongée, présenteraient-ils une résistance moins grande
que les petits forts plats, à faible relief et servant de mère nourrice à de
nombreuses batteries annexes qui sont aujourd'hui à la mode; mais la
preuve est faite qu'ils ne risquent pas de succomber le premier jour dans
une lutte engagée à l'improviste contre des effectifs écrasants.
Les forts construits par le général Brialmont à Liége et aussi, il ne faut
pas l'oublier, à Namur, sont donc des ouvrages très puissants. Ils
comprennent onze canons, courts ou longs, tous cuirassés, capables
d'entretenir la lutte contre l'artillerie de l'adversaire aux distances les
plus considérables comme aux distances les plus rapprochées. Leur
calibre varie de 120 à 210 m/m. Ils comprennent en outre quatre canons
à tir rapide de 57 m/m placés dans des tourelles solides et qui assurent,
avec le feu de l'infanterie et les mitrailleuses, la défense rapprochée et
le flanquement des abords. Enfin, ils possèdent des observatoires
cuirassés et un projecteur électrique également cuirassé. Ils ont donc
tout ce qu'il faut pour se défendre et pour voir, même la nuit.
Un fort de ce genre présente évidemment une puissance considérable
en même temps qu'une résistance passive extrêmement remarquable:
les Allemands viennent d'en faire la fâcheuse expérience. Il a, par
contre, l'inconvénient de coûter fort cher, et l'on ne saurait trop admirer
la petite nation belge d'avoir su consacrer tant de millions à la défense
de son territoire. Elle a donné là l'exemple d'une admirable prévoyance,
prévoyance qui jure quelque peu avec l'inconscience des marchands de
terrain qui prétendaient, il y a quelques jours encore, démolir les
fortifications de Paris.
Oui, la bonne fortification coûte cher; mais, seule, la bonne fortification
est capable de résister longtemps et, comme le dit le Règlement de 1891
sur le service des places, il ne faut pas oublier que «DE LA
REDDITION D'UNE PLACE RETARDÉE OU AVANCÉE D'UN
SEUL JOUR PEUT DÉPENDRE LE SALUT DU PAYS».
Les fortifications du général Brialmont viennent de sauver la Belgique.
L'ATTAQUE «A LA SAUER» ET LES DÉFAUTS DE CETTE
MÉTHODE ALLEMANDE
Le mode d'attaque que les Allemands ont employé contre la place de
Liége est dû à un général allemand, le général von Sauer.
L'attaque à la Sauer n'est autre chose qu'une attaque brusquée.
L'assaillant étudie d'abord la place de son mieux au moyen de
reconnaissances qui viennent compléter les renseignements obtenus en
temps de paix, puis il refoule résolument le défenseur en arrière de la
ligne des forts. Pour cela, il commence par bombarder énergiquement,
avec son artillerie de campagne et les pièces du parc léger de siège, les
positions avancées installées en avant des forts; il opère autant que
possible partout à la fois de manière à laisser la défense dans
l'indécision, et, quand l'adversaire est ébranlé, il donne l'assaut avec une
extrême vigueur. Les troupes de la défense refoulées derrière les forts,
il installe la nuit ses pièces de siège
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