lequel le sang divin a revêtu la terre d'une pourpre royale. Au large, une ligne d'un bleu sombre marquait les rivages de l'?le de Gad, où sainte Brigide, qui avait re?u le voile de saint Malo, gouvernait un monastère de femmes.
Or, Brigide, instruite des mérites du vénérable Ma?l, lui fit demander, comme un riche présent, quelque ouvrage de ses mains. Ma?l fondit pour elle une clochette d'airain et, quand elle fut achevée, il la bénit et la jeta dans la mer. Et la clochette alla sonnant vers le rivage de Gad, où sainte Brigide, avertie par le son de l'airain sur les flots, la recueillit pieusement, et, suivie de ses filles, la porta en procession solennelle, au chant des psaumes, dans la chapelle du moustier.
Ainsi le saint homme Ma?l marchait de vertus en vertus. Il avait déjà parcouru les deux tiers du chemin de la vie, et il espérait atteindre doucement sa fin terrestre au milieu de ses frères spirituels, lorsqu'il connut à un signe certain que la sagesse divine en avait décidé autrement et que le Seigneur l'appelait à des travaux moins paisibles mais non moindres en mérite.
CHAPITRE II
VOCATION APOSTOLIQUE DE SAINT MA?L
Un jour qu'il allait, méditant, au fond d'une anse tranquille à laquelle des rochers allongés dans la mer faisaient une digue sauvage, il vit une auge de pierre qui nageait comme une barque sur les eaux.
C'était dans une cuve semblable que saint Guirec, le grand saint Colomban et tant de religieux d'Ecosse et d'Irlande étaient allés évangéliser l'Armorique. Naguère encore, sainte Avoye, venue d'Angleterre, remontait la rivière d'Auray dans un mortier de granit rose où l'on mettra plus tard les enfants pour les rendre forts; saint Vouga passait d'Hibernie en Cornouailles sur un rocher dont les éclats, conservés à Penmarch, guériront de la fièvre les pèlerins qui y poseront la tête; saint Samson abordait la baie du mont Saint-Michel dans une cuve de granit qu'on appellera un jour l'écuelle de saint Samson. C'est pourquoi, à la vue de cette auge de pierre, le saint homme Ma?l comprit que le Seigneur le destinait à l'apostolat des pa?ens qui peuplaient encore le rivage et les ?les des Bretons.
Il remit son baton de frêne au saint homme Budoc, l'investissant ainsi du gouvernement de l'abbaye. Puis, muni d'un pain, d'un baril d'eau douce et du livre des Saints évangiles, il entra dans l'auge de pierre, qui le porta doucement à l'?le d'Hoedic.
Elle est perpétuellement battue des vents. Des hommes pauvres y pèchent le poisson entre les fentes des rochers et cultivent péniblement des légumes dans des jardins pleins de sable et de cailloux, abrités par des murs de pierres sèches et des haies de tamaris. Un beau figuier s'élevait dans un creux de l'?le et poussait au loin ses branches. Les habitants de l'?le l'adoraient.
Et le saint homme Ma?l leur dit:
--Vous adorez cet arbre parce qu'il est beau. C'est donc que vous êtes sensibles à la beauté. Or, je viens vous révéler la beauté cachée.
Et il leur enseigna l'évangile. Et, après les avoir instruits, il les baptisa par le sel et par l'eau.
Les ?les du Morbihan étaient plus nombreuses en ce temps-là qu'aujourd'hui. Car, depuis lors, beaucoup se sont ab?mées dans la mer. Saint Ma?l en évangélisa soixante. Puis, dans son auge de granit, il remonta la rivière d'Auray. Et après trois heures de navigation il mit pied à terre devant une maison romaine. Du toit s'élevait une fumée légère. Le saint homme franchit le seuil sur lequel une mosa?que représentait un chien, les jarrets tendus et les babines retroussées. Il fut accueilli par deux vieux époux, Marcus Combabus et Valeria Moerens, qui vivaient là du produit de leurs terres. Autour de la cour intérieure régnait un portique dont les colonnes étaient peintes en rouge depuis la base jusqu'à mi-hauteur. Une fontaine de coquillages s'adossait au mur et sous le portique s'élevait un autel, avec une niche où le ma?tre de cette maison avait déposé de petites idoles de terre cuite, blanchies au lait de chaux. Les unes représentaient des enfants ailés, les autres Apollon ou Mercure, et plusieurs étaient en forme d'une femme nue qui se tordait les cheveux. Mais le saint homme Ma?l, observant ces figures, découvrit parmi elles l'image d'une jeune mère tenant un enfant sur ses genoux.
Aussit?t il dit, montrant cette image:
--Celle-ci est la Vierge, mère de Dieu. Le poète Virgile l'annon?a en carmes sibyllins avant qu'elle ne f?t née, et, d'une voix angélique, il chanta Jam redit et virgo. Et l'on fit d'elle dans la gentilité des figures prophétiques telles que celle-ci, que tu as placée, ? Marcus, sur cet autel. Et sans doute elle a protégé tes lares modiques. C'est ainsi que ceux qui observent exactement la loi naturelle se préparent à la connaissance des vérités révélées.
Marcus Combabus et Valeria Moerens, instruits par ce discours,
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