se convertirent à la foi chrétienne. Ils re?urent le baptême avec leur jeune affranchie, Caelia Avitella, qui leur était plus chère que la lumière de leurs yeux. Tous leurs colons renoncèrent au paganisme et furent baptisés le même jour.
Marcus Combabus, Valeria Moerens et Caelia Avitella menèrent depuis lors une vie pleine de mérites. Ils trépassèrent dans le Seigneur et furent admis au canon des saints.
Durant trente-sept années encore, le bienheureux Ma?l évangélisa les pa?ens de l'intérieur des terres. Il éleva deux cent dix-huit chapelles et soixante-quatorze abbayes.
Or, un certain jour, en la cité de Vannes, où il annon?ait l'évangile, il apprit que les moines d'Yvern s'étaient relachés en son absence de la règle de saint Gal. Aussit?t, avec le zèle de la poule qui rassemble ses poussins, il se rendit auprès de ses enfants égarés. Il accomplissait alors sa quatre-vingt-dix-septième année; sa taille s'était courbée, mais ses bras restaient encore robustes et sa parole se répandait abondamment comme la neige en hiver au fond des vallées.
L'abbé Budoc remit à saint Ma?l le baton de frêne et l'instruisit de l'état malheureux où se trouvait l'abbaye. Les religieux s'étaient querellés sur la date à laquelle il convenait de célébrer la fête de Paques. Les uns tenaient pour le calendrier romain, les autres pour le calendrier grec, et les horreurs d'un schisme chronologique déchiraient le monastère.
Il régnait encore une autre cause de désordres. Les religieuses de l'?le de Gad, tristement tombées de leur vertu première, venaient à tout moment en barque sur la c?te d'Yvern. Les religieux les recevaient dans le batiment des h?tes et il en résultait des scandales qui remplissaient de désolation les ames pieuses.
Ayant terminé ce fidèle rapport, l'abbé Budoc conclut en ces termes:
--Depuis la venue de ces nonnes, c'en est fait de l'innocence et du repos de nos moines.
--Je le crois volontiers, répondit le bienheureux Ma?l. Car la femme est un piège adroitement construit: on y est pris dès qu'on l'a flairé. Hélas! l'attrait délicieux de ces créatures s'exerce de loin plus puissamment encore que de près. Elles inspirent d'autant plus le désir qu'elles le contentent moins. De là ce vers d'un poète à l'une d'elles:
Présente je vous fuis, absente je vous trouve.
Aussi voyons-nous, mon fils, que les blandices de l'amour charnel sont plus puissantes sur les solitaires et les religieux que sur les hommes qui vivent dans le siècle. Le démon de la luxure m'a tenté toute ma vie de diverses manières, et les plus rudes tentations ne me vinrent pas de la rencontre d'une femme, même belle et parfumée. Elles me vinrent de l'image d'une femme absente. Maintenant encore, plein de jours et touchant à ma quatre-vingt-dix-huitième année, je suis souvent induit par l'Ennemi à pécher contre la chasteté, du moins en pensée. La nuit, quand j'ai froid dans mon lit et que se choquent avec un bruit sourd mes vieux os glacés, j'entends des voix qui récitent le deuxième verset du troisième livre des Rois: _Dixerunt ergo et servi sui: Quaeramus domino nostro regi adolescentulam virginem, et stet coram rege et foveat eum, dormiatque in sinu suo, et calefaciat dominum nostrum regem._ Et le Diable me montre une enfant dans sa première fleur qui me dit:--Je suis ton Abilag; je suis ta Sunamite. O mon seigneur, fais-moi une place dans la couche.
?Croyez-moi, ajouta le vieillard, ce n'est pas sans un secours particulier du Ciel qu'un religieux peut garder sa chasteté de fait et d'intention.
S'appliquant aussit?t à rétablir l'innocence et la paix dans le monastère, il corrigea le calendrier d'après les calculs de la chronologie et de l'astronomie et le fit accepter par tous les religieux; il renvoya les filles déchues de sainte Brigide dans leur monastère; mais loin de les chasser brutalement, il les fit conduire à leur navire avec des chants de psaumes et de litanies.
--Respectons en elles, disait-il, les filles de Brigide et les fiancées du Seigneur. Gardons-nous d'imiter les pharisiens qui affectent de mépriser les pécheresses. Il faut humilier ces femmes dans leur péché et non dans leur personne et leur faire honte de ce qu'elles ont fait et non de ce qu'elles sont: car elles sont des créatures de Dieu.
Et le saint homme exhorta ses religieux à fidèlement observer la règle de leur ordre:
--Quand il n'obéit pas au gouvernail, leur dit-il, le navire obéit à l'écueil.
CHAPITRE III
LA TENTATION DE SAINT MA?L
Le bienheureux Ma?l avait à peine rétabli l'ordre dans l'abbaye d'Yvern quand il apprit que les habitants de l'?le d'Hoedic, ses premiers catéchumènes, et de tous les plus chers à son coeur, étaient retournés au paganisme et qu'ils suspendaient des couronnes de fleurs et des bandelettes de laine aux branches du figuier sacré.
Le batelier qui portait ces douloureuses nouvelles exprima la crainte que bient?t ces hommes égarés ne détruisissent par le fer et par le feu la chapelle élevée sur le rivage
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