LIle des Pingouins | Page 6

Anatole France
se convertirent �� la foi chr��tienne. Ils re?urent le bapt��me avec leur jeune affranchie, Caelia Avitella, qui leur ��tait plus ch��re que la lumi��re de leurs yeux. Tous leurs colons renonc��rent au paganisme et furent baptis��s le m��me jour.
Marcus Combabus, Valeria Moerens et Caelia Avitella men��rent depuis lors une vie pleine de m��rites. Ils tr��pass��rent dans le Seigneur et furent admis au canon des saints.
Durant trente-sept ann��es encore, le bienheureux Ma?l ��vang��lisa les pa?ens de l'int��rieur des terres. Il ��leva deux cent dix-huit chapelles et soixante-quatorze abbayes.
Or, un certain jour, en la cit�� de Vannes, o�� il annon?ait l'��vangile, il apprit que les moines d'Yvern s'��taient relach��s en son absence de la r��gle de saint Gal. Aussit?t, avec le z��le de la poule qui rassemble ses poussins, il se rendit aupr��s de ses enfants ��gar��s. Il accomplissait alors sa quatre-vingt-dix-septi��me ann��e; sa taille s'��tait courb��e, mais ses bras restaient encore robustes et sa parole se r��pandait abondamment comme la neige en hiver au fond des vall��es.
L'abb�� Budoc remit �� saint Ma?l le baton de fr��ne et l'instruisit de l'��tat malheureux o�� se trouvait l'abbaye. Les religieux s'��taient querell��s sur la date �� laquelle il convenait de c��l��brer la f��te de Paques. Les uns tenaient pour le calendrier romain, les autres pour le calendrier grec, et les horreurs d'un schisme chronologique d��chiraient le monast��re.
Il r��gnait encore une autre cause de d��sordres. Les religieuses de l'?le de Gad, tristement tomb��es de leur vertu premi��re, venaient �� tout moment en barque sur la c?te d'Yvern. Les religieux les recevaient dans le batiment des h?tes et il en r��sultait des scandales qui remplissaient de d��solation les ames pieuses.
Ayant termin�� ce fid��le rapport, l'abb�� Budoc conclut en ces termes:
--Depuis la venue de ces nonnes, c'en est fait de l'innocence et du repos de nos moines.
--Je le crois volontiers, r��pondit le bienheureux Ma?l. Car la femme est un pi��ge adroitement construit: on y est pris d��s qu'on l'a flair��. H��las! l'attrait d��licieux de ces cr��atures s'exerce de loin plus puissamment encore que de pr��s. Elles inspirent d'autant plus le d��sir qu'elles le contentent moins. De l�� ce vers d'un po��te �� l'une d'elles:
Pr��sente je vous fuis, absente je vous trouve.
Aussi voyons-nous, mon fils, que les blandices de l'amour charnel sont plus puissantes sur les solitaires et les religieux que sur les hommes qui vivent dans le si��cle. Le d��mon de la luxure m'a tent�� toute ma vie de diverses mani��res, et les plus rudes tentations ne me vinrent pas de la rencontre d'une femme, m��me belle et parfum��e. Elles me vinrent de l'image d'une femme absente. Maintenant encore, plein de jours et touchant �� ma quatre-vingt-dix-huiti��me ann��e, je suis souvent induit par l'Ennemi �� p��cher contre la chastet��, du moins en pens��e. La nuit, quand j'ai froid dans mon lit et que se choquent avec un bruit sourd mes vieux os glac��s, j'entends des voix qui r��citent le deuxi��me verset du troisi��me livre des Rois: _Dixerunt ergo et servi sui: Quaeramus domino nostro regi adolescentulam virginem, et stet coram rege et foveat eum, dormiatque in sinu suo, et calefaciat dominum nostrum regem._ Et le Diable me montre une enfant dans sa premi��re fleur qui me dit:--Je suis ton Abilag; je suis ta Sunamite. O mon seigneur, fais-moi une place dans la couche.
?Croyez-moi, ajouta le vieillard, ce n'est pas sans un secours particulier du Ciel qu'un religieux peut garder sa chastet�� de fait et d'intention.
S'appliquant aussit?t �� r��tablir l'innocence et la paix dans le monast��re, il corrigea le calendrier d'apr��s les calculs de la chronologie et de l'astronomie et le fit accepter par tous les religieux; il renvoya les filles d��chues de sainte Brigide dans leur monast��re; mais loin de les chasser brutalement, il les fit conduire �� leur navire avec des chants de psaumes et de litanies.
--Respectons en elles, disait-il, les filles de Brigide et les fianc��es du Seigneur. Gardons-nous d'imiter les pharisiens qui affectent de m��priser les p��cheresses. Il faut humilier ces femmes dans leur p��ch�� et non dans leur personne et leur faire honte de ce qu'elles ont fait et non de ce qu'elles sont: car elles sont des cr��atures de Dieu.
Et le saint homme exhorta ses religieux �� fid��lement observer la r��gle de leur ordre:
--Quand il n'ob��it pas au gouvernail, leur dit-il, le navire ob��it �� l'��cueil.

CHAPITRE III
LA TENTATION DE SAINT MA?L
Le bienheureux Ma?l avait �� peine r��tabli l'ordre dans l'abbaye d'Yvern quand il apprit que les habitants de l'?le d'Hoedic, ses premiers cat��chum��nes, et de tous les plus chers �� son coeur, ��taient retourn��s au paganisme et qu'ils suspendaient des couronnes de fleurs et des bandelettes de laine aux branches du figuier sacr��.
Le batelier qui portait ces douloureuses nouvelles exprima la crainte que bient?t ces hommes ��gar��s ne d��truisissent par le fer et par le feu la chapelle ��lev��e sur le rivage
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